Olivier Champoux, à gauche, et Thomas Buffin-Bélanger testent leur station tachéométrique, qui leur permet d'obtenir une topographie très précise du lit des rivières. |
L'été dernier, la Corporation de gestion des rivières des Bois-Francs installait deux déflecteurs sur la rivière Nicolet afin de créer des milieux propices à la pêche sportive. La Corporation ensemence cette rivière de truites mouchetées.
Les déflecteurs concentrent le courant dans un endroit précis du cours d'eau, ce qui a pour effet de creuser le lit. Les associations récréotouristiques sont de plus en plus nombreuses à vouloir ainsi mettre leurs cours d'eau en valeur. Le problème, c'est qu'on ne connaît pas bien l'impact de ces interventions. Contribuent-elles à maintenir et à améliorer l'habitat des poissons ou au contraire à le dégrader?
C'est l'une des questions sur lesquelles se penche l'équipe de recherche en géomorphologie fluviale du Département de géographie, dirigée par le professeur André Roy. L'équipe a d'ailleurs reçu de la corporation des Bois-Francs le mandat d'étudier l'effet de ses déflecteurs, un travail auquel Nadine Desroches consacre sa recherche de maîtrise.
Un de ses collègues, Olivier Champoux, effectue une étude de même type sur des déflecteurs installés il y a 33 ans sur les berges de la rivière Lawrence, dans le Wisconsin. "Le service des ressources naturelles a rétréci la largeur de la rivière afin d'augmenter le débit et de provoquer un creusement du lit, explique-t-il. Pour évaluer l'impact de ces structures sur l'habitat du poisson, il faut mesurer les vitesses d'écoulement, la turbulence, la dynamique de la sédimentation ainsi que les modifications du lit de la rivière au fil des ans."
La connaissance des effets à long terme des déflecteurs permettra à l'équipe de recherche en géomorphologie fluviale d'effectuer des analyses prospectives concernant des aménagements semblables.
Recherches fondamentales
Ces travaux sont appuyés par des recherches fondamentales
portant sur des aspects très spécialisés
du milieu fluvial, comme le processus de formation de rides et
de dunes dans le lit des rivières, la dynamique des écoulements
sur différents lits, la structure des turbulences, le mélange
des eaux à une embouchure ou encore l'effet d'un couvert
de glace sur l'écoulement.
"L'écoulement des eaux ne se fait pas de façon aléatoire mais est lié aux formes du lit de la rivière", indique Thomas Buffin-Bélanger, un étudiant au doctorat qui travaille sur l'impact des amas de galets sur l'écoulement. "Il est important de savoir comment les eaux d'une rivière se comportent pour être en mesure d'évaluer l'impact des aménagements qu'on veut réaliser."
Les recherches de Thomas Buffin-Bélanger ont permis de visualiser, à l'aide d'un traceur lacté, la structure des turbulences en aval d'un amas de galets dans la rivière Nicolet. Il a eu recours, pour la première fois en milieu naturel, à une caméra sous-marine combinée avec des courantomètres de haute résolution effectuant 20 mesures par seconde.
"Nous pouvons ainsi associer les données des capteurs électromagnétiques avec les images obtenues par la caméra, précise-t-il. Cette étude sur le terrain montre que les structures de turbulences sont beaucoup plus complexes que ce qui est observé en laboratoire et que les mécanismes varient selon la vitesse et la profondeur du cours d'eau."
Ces connaissances permettront ultimement de perfectionner les modèles informatiques qui servent notamment dans des cas pratiques comme lorsqu'on veut prévoir la dispersion d'un polluant ou encore la mécanique de transport de sédiments.
Daniel Baril