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Courrier

L'avenir de l'Université de Montréal et des universités québécoises

63 lauréats lancent un SOS


L'avenir de l'Université de Montréal et des universités québécoises

Après de sévères réductions de budget d'environ 100 millions de dollars depuis 1994-1995, soit près du quart du budget annuel qui se chiffre à 447 millions (données de 19971 excluant les écoles affiliées de l'Université: HEC et Polytechnique), quel est l'avenir de l'Université de Montréal et de ses consoeurs? [...] De plus, il y a le déficit accumulé de 80 millions... (un total de 300 millions pour l'ensemble des universités). Le plan de relance de Robert Lacroix, notre nouveau recteur, pour augmenter le nombre d'étudiants en créant un pôle scientifique et technologique est certes une excellente initiative. De même, le congé de cotisation au fonds de pension pour financer les activités de relance et de recrutement de nouvelles clientèles est également un pas dans la bonne direction. Cela ne sera pourtant pas suffisant pour redresser la situation financière de notre université. Les exhortations de l'ensemble des recteurs des universités québécoises pour refinancer adéquatement les universités seront-elles entendues? Rien n'est moins sûr.

Membre d'un comité de coordination des collections des bibliothèques universitaires québécoises de la CREPUQ, je me suis aperçu que les universités québécoises possédaient plus ou moins les mêmes collections de périodiques; il m'est apparu également que, pour coordonner les collections des différentes bibliothèques universitaires afin de faire face aux réductions budgétaires, il faudrait au préalable coordonner les programmes universitaires.

À la lumière de cette expérience, je crois que la seule voie de salut pour l'Université de Montréal et les universités québécoises en général est la concertation des programmes universitaires dans le but de créer une synergie productive. Notre petite société n'a pas les moyens de nourrir une concurrence interuniversitaire en son sein, la concurrence est plutôt à l'extérieur du Québec: ce sont les universités canadiennes, américaines et européennes. Clairement, nous n'avons pas les ressources financières pour concurrencer les grandes universités étrangères, mais avec la mondialisation nous ne pouvons nous soustraire à cette concurrence. Il y a des limites à faire plus et mieux avec des ressources diminuées, sans changer notre modus operandi. [...]

En regroupant les programmes selon les lignes de force des différentes universités québécoises, en offrant de plus en plus de cours communs et même bilingues, sinon trilingues, en augmentant le nombre des groupes de recherche interuniversitaires, en procédant de façon concertée à l'achat des équipements et des collections des bibliothèques, il est certainement possible de faire des économies d'échelle.

Par ailleurs, comment peut-on garder les professeurs les plus éminents quand les salaires offerts de l'autre côté de la frontière sont sans commune mesure avec les nôtres? En offrant des conditions semblables à ces professeurs (sinon meilleures), mais aussi en leur demandant de rayonner sur l'ensemble du réseau des universités québécoises par des programmes communs. Les universités québécoises pourraient ainsi partager les coûts de rétention d'un certain nombre de professeurs éminents. [...]

Nous ne pouvons être les plus gros ni les plus puissants, soyons donc les plus créatifs. Il faut également pondérer les ressources en fonction des créneaux les plus prometteurs sans négliger pour autant la recherche fondamentale. Ce qui commence à se faire de plus en plus. Si le Canada et le Québec ont investi beaucoup dans l'éducation per capita depuis les années 1960 par rapport à l'ensemble des pays de l'OCDE2, les rendements attendus ne se sont pas avérés aussi élevés qu'on pouvait l'espérer parce que les intervenants ont manqué de rigueur dans l'utilisation des fonds publics destinés à l'éducation. Au nom de la liberté académique et de la recherche fondamentale, on a dépensé sans évaluer les résultats.

Peut-être aurait-il fallu ajuster plus rapidement les programmes aux besoins de notre société. Peut-être aurait-il fallu aussi contingenter plus dans certaines disciplines aux perspectives d'emploi restreintes, et investir plus en contrepartie dans la recherche fondamentale et appliquée pour garder nos cerveaux chez nous. Naturellement, la formule de financement per capita devra être changée pour tenir compte des programmes partagés et des activités de recherche.

De plus, il est évident qu'il faut augmenter les droits de scolarité pour retrouver au moins le niveau des autres provinces canadiennes. Une formation universitaire rapporte toujours, si l'on fait le calcul sur toute une vie, même si les finissants ont du mal à se trouver un emploi à plein temps dans certaines disciplines. Un grand nombre d'étudiants n'ont jamais payé la vraie valeur d'une formation universitaire qui rapporte en toute certitude à longue échéance. Les gouvernements doivent offrir des prêts et bourses proportionnels et étaler la période de remboursement en fonction du revenu du bénéficiaire tout en interdisant la possibilité de faillite.

Il faut renoncer à notre esprit de clocher développé dans un temps où les budgets croissaient sans arrêt, pour tisser des liens plus nombreux et plus solides entre les universités québécoises. Par exemple, certaines universités québécoises, dont l'Université de Montréal, négocient en groupe l'abonnement à des services de bases de données textuelles. Voilà un exemple qui devrait s'étendre à tous les champs d'activité de nos universités. Notre seule voie de salut est dans le partage de nos ressources humaines et technologiques.

Luc Girard
Bibliothécaire, BLSH (UdeM)


1. Université de Montréal, rapport annuel 1996-1997, p.12.

2. Regards sur l'éducation: analyse, Paris, OCDE, 1996, 75 p.


63 lauréats lancent un SOS

Forum publie la lettre qu'adressaient la semaine dernière au premier ministre Lucien Bouchard 63 universitaires et créateurs québécois, tous lauréats de prix prestigieux dans les domaines scientifique et cullturel. Vingt-cinq font partie de l'Université de Montréal.

Monsieur le Premier Ministre,

Nous soussignés, lauréats et lauréates d'un prix du Québec ou de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences (ACFAS), désirons vous faire part de notre très vive inquiétude devant l'état actuel et l'évolution prévisible des universités du Québec. Nous nous adressons à vous de façon non partisane et indépendamment des autorités universitaires.

Alors que le Québec atteint le déficit zéro, ce qui paraissait impossible il y a peu de temps encore, nous constatons que les universités québécoises sont dans une situation critique. Nous ne sommes pas des administrateurs universitaires, si bien que nous ne citerons pas de chiffres, ceux-ci étant d'ailleurs connus de vous et du public. Ce que nous voyons dans les universités nous alarme vivement. Par exemple, la fermeture systématique des postes lors du départ de professeurs et employés de soutien rend difficile et même impossible l'injection essentielle de sang nouveau dans le système universitaire et mène à la destruction d'équipes de recherche et d'enseignement dont la mise en place avait demandé des dizaines d'années d'efforts. Aussi, l'abandon forcé par les bibliothèques universitaires des achats de revues et livres spécialisés fait obstacle au maintien d'enseignements et de recherches de qualité. Enfin, les salles de classe bondées et fréquemment surpeuplées empêchent de plus en plus souvent le contact entre professeurs et étudiants, sans lequel il ne peut y avoir une transmission du savoir qui soit de niveau universitaire.

Si la dégradation des universités devait se poursuivre, les prochaines générations de jeunes Québécois et Québécoises, mal formés par un système universitaire suranné, seraient incapables de faire face à la concurrence nord-américaine et mondiale. De plus, le Québec ne posséderait plus les centres de recherche nécessaires à sa compétitivité. Au sein d'un monde qui repose de plus en plus sur le savoir, le Québec glisserait irrémédiablement vers la marginalité et un appauvrissement collectif. Pour contrer cette perspective qui effraie mais est pourtant bien réelle, il faut mettre un terme dans les plus brefs délais à la dégradation du système universitaire québécois, bâti au prix de décennies d'efforts humains et financiers, et commencer à le reconstruire. Nous mettons notre confiance en vous pour réussir ce nouveau défi.

Albert J. Aguayo, Marc Angenot, Frédéric Back, André Blais, Richard Bodéüs, Ferdinand Bonn, Pierre Borgeat, André Bouchard, Albert S. Bregman, Germain J. Brisson, Peter G. C. Campbell, Richard Carignan, Jean-Charles Chebat, Jacques de Champlain, Rodolphe de Koninck, Pierre Dansereau, Michel Delfour, Rock Demers, Henri Dorion, Mohammed El-Sabh, Martine Époque, Gilles Fontaine, Jacques Godbout, Thérèse Gouin Décarie, Michel Goulet, Stephen Hanessian, Jules Hardy, Claude Hillaire-Marcel, Paul Jolicoeur, Pierre-André Julien, Serge Kaliaguine, Nabil Khoury, Kresimir Krnjevic, Maurice L'Abbé, Andrée Lajoie, Phyllis Lambert, Maryse Lassonde, Marc Le Blanc, Jacques Leblanc, André Roch Lecours, Claire Lefebvre, Louis Legendre, Pierre Legendre, Vincent Lemieux, Gilles Marcotte, Jean-Claude Marsan, Igor Mel'cuk, Donna Mergler, Karen Messing, Jean-Jacques Nattiez, André Parent, Paul-Hubert Poirier, Robert E. Prud'homme, Rémi Quirion, Guy Rocher, Serge Rossignol, Camille Sandorfy, Emil Skamene, Theodore L. Sourkes, Mircea Steriade, Jean-Claude Therriault, André Tessier, Ashok K. Vijh




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