Classe avec un grand maître de chant

Graham Johnson attire 200 étudiants de trois universités.

Graham Johnson (au piano) indique, geste à l'appui, comment la mezzo-soprano Caroline Ménard (à droite) et la pianiste Hélène Trépanier (au centre) devraient interpréter Von Ewige Liebe, de Johannes Brahms.

"Dans cette mélodie, tout commence avec un paysage absolument vide. C'est comme un village de Serbie décimé par la guerre. Ensuite arrivent les deux amants. Ce n'est qu'au troisième tableau qu'ils expriment leur amour."

Ainsi Graham Johnson, l'un des plus grands spécialistes des lieder allemands, présente-t-il sa vision de Von Ewige Liebe, une composition de Johannes Brahms. À ses yeux, cette oeuvre est construite de façon que l'émotion croisse à mesure que la chanteuse précise ses sentiments. "Si vous donnez tout votre coeur dans les premières mesures, il n'en restera pas assez quand les amants se rencontreront", prévient-il avec un clin d'oeil.

Considéré comme l'un des grands pianistes accompagnateurs du monde, M. Johnson était de passage à la Faculté de musique de l'Université de Montréal le 3 février dernier. Dans le cadre d'une classe de maître à laquelle ont assisté près de 200 personnes venues de trois universités, il a prodigué des conseils à sept étudiants en chant (Steve Michaud, Geneviève Lenoir, Yvon Claude, Grancis Farrell, Olivier Laquerre, Léna Auclair et Caroline Ménard) et à leurs accompagnateurs.

"Il est pertinent dans ses remarques, mais reconnaît les aspects positifs de notre interprétation, signale la mezzo-soprano Caroline Ménard. Je savais que j'avais choisi une oeuvre difficile, mais les conseils qu'il m'a donnés m'aideront à mieux travailler la pièce."

Selon Rosemarie Landry, responsable du secteur chant à l'Université de Montréal depuis 1998 après avoir passé 19 ans à l'Université de Toronto, Graham Johnson est un musicien complet en plus d'être un érudit. "C'est un musicologue accompli et un remarquable interprète, dit-elle. C'est lui qui écrit par exemple les textes publiés dans les disques qu'il produit. C'est un fait très rare."

Cet universitaire originaire de Londres, qui a interrompu sa classe au beau milieu de la journée pour prendre le thé, compte plus de 60 disques à son actif. Il a accompagné des solistes de renommée mondiale comme Lucia Popp, Jessye Norman, Peter Schreier et d'autres. L'une de ses plus remarquables réalisations a consisté en l'enregistrement intégral des lieder de Schubert: plus de 700 morceaux.

Les personnes qui ont assisté à la classe de maître du 3 février étaient principalement des étudiants et des amateurs de musique vocale. Elles provenaient principalement des facultés de musique de l'UdeM, de l'UQAM et de McGill, qui ont collaboré à la tenue de cet événement.

Le musicien a semblé apprécier son passage à Montréal après des rencontres similaires à New York et à Toronto. Il a dit que la qualité de l'écoute de l'auditoire, où l'on aurait entendu une mouche voler, était remarquable. "Dans l'atmosphère qui règne ici, je sens l'amour de la musique. Cela me semble encore plus évident qu'à l'école Juliard, où je me trouvais il y a quelques jours."

Obséquiosité? "Il ne l'aurait pas dit s'il ne l'avait pas pensé", assure Mme Landry.

M.-R.S.