Artistes et historiens de l'art s'unissent le temps d'une exposition

Une initiative étudiante pour la 25e exposition de fin d'année en arts plastiques

Fabienne Lord

Pour la première fois en 25 ans, un catalogue réalisé par les étudiants inscrits au Département d'histoire de l'art de l'Université de Montréal accompagnera l'exposition de fin d'année des étudiants en arts plastiques. Artistes et historiens de l'art ont travaillé de concert afin de livrer aux visiteurs une reliure de 22 pages incluant des analyses des oeuvres en plus des reproductions. Fait plutôt rare dans ce domaine "pointu" des sciences humaines, les commanditaires de l'événement sont, notamment, Loto-Québec, Rona et Métro ainsi qu'une entreprise papetière, F.F. Soucy.

On apprend dans le catalogue, par exemple, que l'artiste Julien Lalonde incarne bien le retour en force de la figuration dans l'art contemporain, comme l'écrit l'historien Andrès Duran à propos du tableau Le repos du géant. Établissant une analogie avec une toile d'Édouard Manet qui forçait le spectateur à reconsidérer sa position par rapport à une peinture, M. Duran écrit que "l'artiste place le spectateur sous le personnage, prisonnier de son regard et placé dans l'impossibilité de le lui retourner".

Julie Smith, quant à elle, voit dans l'oeuvre d'Olivier Lefebvre Lobotomy. Architectural Portrait no 2 une allusion à l'urbanisation. "L'artiste questionne l'existence de l'homme au sein de la société actuelle: serait-il devenu individu anonyme, condamné à errer dans les grandes villes parmi tant d'autres, déshumanisé, sans caractère? Serait-il simple mécanisme privé de sa faculté de penser, robotisé?"

Une oeuvre de circonstance
Catherine Mussely présente une installation tout à fait appropriée pour une exposition qui veut faire le pont entre les artistes et ceux qui élaborent un discours sur l'art. This side toward the screen/De ce côté de l'écran met en scène l'objet fétiche de tout historien de l'art: le projecteur de diapositives.

Les images projetées à travers un filtre translucide fait d'étoffes légères "proposent des simulacres d'oeuvres et/ou de vie, fixées et rendues par le subterfuge de la lumière, dans le mouvement mécanique d'une roue qui tourne", comme l'écrit Mélanie Devault dans le catalogue. Elle fait référence à une belle phrase de Jean Cocteau citée en exergue: "Le mouvement dort au milieu d'une roue qui tourne."

"Les artistes ne sont pas habitués à exprimer verbalement le sens de leurs travaux, confie Mme Mussely en entrevue à Forum. Cet exercice a donc été, pour plusieurs d'entre nous, l'occasion de réfléchir autrement. Personnellement, j'ai apprécié le fait de confronter mes idées. Cela a donné lieu à un échange intéressant. Je dirais même un approfondissement de ma démarche."

Deux professeurs, Serge Tousignant (arts plastiques) et Constance Naubert-Riser (histoire de l'art) ont participé à cet exercice sans précédent. Pour M. Tousignant, le travail en commun a permis aux artistes d'amorcer une réflexion plus en profondeur sur leur démarche et aux historiens d'élaborer un discours dont la teneur repose sur le processus créateur. Plusieurs auteurs ont été de véritables témoins de la création puisque les oeuvres n'existaient pas au moment de faire la connaissance des artistes.

Cette idée originale est venue de Fabienne Lord, étudiante en histoire de l'art et en arts plastiques. Parlant de l'aboutissement de plusieurs mois de labeur, la coordonnatrice affirme que le catalogue est le résultat du travail d'une équipe de près de 30 personnes. "Il est, je l'espère, le premier catalogue d'une série qui fera mieux connaître l'art et l'histoire de l'art comme étant une partie intégrante de notre univers culturel", écrit-elle en préface.

Depuis septembre, elle a recruté 17 historiens de l'art pour les jumeler avec autant d'artistes. "Tout le monde a été très emballé. Nous sommes très contents du résultat final", dit-elle.

M.-R.S.

Cette exposition de fin d'année du Département d'histoire de l'art (secteur des arts plastiques) se déroule du 30 avril au 7 mai au Pavillon Mont-Royal, 265, avenue du Mont-Royal Ouest, de 11 h à 17 h (jeudi et vendredi jusqu'à 21 h). L'entrée est libre.