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Journée mondiale du théâtre

Le TUM présente Paradoxe sur le comédien

Luc St Denis et Michel Forgues s'amuseront à montrer leurs "vrais" visages d'acteurs dans Paradoxe sur le comédien, de Diderot.

Pour célébrer la Journée mondiale du théâtre, le 27 mars, les maisons théâtrales québécoises ont instauré en 1997 des rencontres visant à promouvoir l'art dramatique. Même s'il n'est pas officiellement intégré à la troisième édition de cette fête, le Théâtre de l'Université de Montréal (TUM) veut profiter de la médiatisation de l'événement. Il tient à se faire entendre.

En marge de ces rencontres, le TUM propose donc non pas de fêter tout bêtement le théâtre mais d'y réfléchir, de réfléchir tant à son acte créateur qu'à sa situation actuelle. "Ce sont toujours les mêmes qui vont au TNM et au Rideau vert", clame Michel Forgues, directeur artistique du TUM, faisant écho aux propos incendiaires lancés par le comédien Raymond Cloutier. Il y a un an, il accusait l'establishment de se contenter du succès de quelques établissements pour proclamer la bonne santé du théâtre québécois.

Le TUM a donc choisi de présenter, en ce 27 mars, une pièce très à propos: Paradoxe sur le comédien, de Denis Diderot. Bien qu'écrite au 18e siècle (1773-1778), cette pièce phare de l'écrivain et philosophe français semble encore d'actualité en 1999.

Car, essentiellement, que dit-elle? Que le comédien est un être paradoxal dans sa nature et par sa démarche artistique. Un constat toujours vérifiable: l'acteur laisse ses sentiments de côté pour exprimer ceux des autres. Pour y arriver, il doit adopter des attitudes de travail bien rigoureuses.

L'intelligence avant l'émotion
Dans le Paradoxe, le discours de Diderot passe par une conversation entre deux personnages. Le premier, porte-parole de l'auteur joué dans la version du TUM par Michel Forgues lui-même, décrit les traits du grand interprète. Le second écoute les propos de son interlocuteur et y réagit. "Il est une bougie d'allumage. Avec lui, Diderot se confronte lui-même", dit Luc St Denis, qui le personnifie.

Pour Diderot, les qualités premières du grand comédien reposent sur sa tête et non pas sur son cur. "Je lui veux beaucoup de jugement, dit-il par la bouche du premier. Il me faut dans cet homme un spectateur froid et tranquille; j'en exige, par conséquent, nulle sensibilité."

L'acteur, quand il joue, ne devrait pas se laisser envahir par le sentimentalisme. Ses rires et ses larmes sur scène, bien qu'ils paraissent vrais, sont fictifs. Selon Diderot, le comédien talentueux ne fait que rendre les signes extérieurs de l'émotion ; il ne la ressent pas. Cette absence d'émotion lui permet de passer d'un état d'âme à l'autre et d'imiter, avec intelligence, toute une gamme de caractères.

"Le théâtre, c'est avant tout de la pensée", croit pour sa part Michel Forgues, qui est las d'entendre le public réclamer aux acteurs de l'émotion. Avec le Paradoxe, il a trouvé la façon d'exiger de l'auditoire une autre attitude et de respecter les grands de ce métier, telle une Sylvie Drapeau. "Il me semble qu'elle doit être tannée d'entendre les "Je vais voir Sylvie Drapeau jouer dans..." Il y a là-dedans un culte de la personnalité et, pourtant, le théâtre tient à dépersonnaliser."

Les loges avant la scène
Mis en scène par Michel Forgues, le Paradoxe proposé par le TUM aura donc le mérite de montrer les deux faces du comédien. Par le biais de projections vidéo en direct, on pourra voir les deux interprètes se préparer à entrer en scène. Leurs véritables attitudes seront alors dévoilées... bien que Luc St Denis craigne que la caméra l'intimide un peu. Une fois sur scène, Luc St Denis et Michel Forgues céderont la place aux personnages imaginés par Diderot.

Pour le partenaire de jeu et vieux complice de Michel Forgues, monter le Paradoxe permettra alors de "confronter certaines idées préconçues" qui circulent dans les théâtres institutionnels, les écoles et parmi le public. Ainsi, en complément aux propos de Diderot, on aura droit à une certaine vision de la situation actuelle du théâtre ou, plutôt, de sa réception publique.

On y verra les caricatures de l'homme insensible à l'art et de sa femme, au contraire, trop sensible. Enthousiasmée par le jeu des comédiens, elle voudra à son tour faire du théâtre. À cet instant, les personnages de Diderot viendront lui montrer comment s'y prendre.

Au-delà d'une leçon de théâtre, Michel Forgues veut réveiller les gens. Le théâtre, ce ne sont pas seulement le TNM et les autres maisons professionnelles, c'est aussi le TUM. "C'est dangereux quand une société se méprise elle-même", dit-il, offusqué par les éternels préjugés sur le "théâtre amateur".

À la veille d'un quarantième anniversaire qui s'annonce grandiose la saison prochaine, le TUM veut qu'on l'accepte comme une maison digne de ce nom. Et en cette journée dédiée à l'art dramatique, un détour par la scène du Centre d'essai serait un bon signe d'encouragement à cette troupe dite amatrice.

Jérôme Delgado
Collaboration spéciale

Paradoxe sur le comédien, de Denis Diderot, mise en scène et interprétée par Michel Forgues. Avec Luc St Denis, Louis-François Grenier et Élisabeth Blais-Roby. Le samedi 27 mars à 19 h 30, au 2332, boul. Édouard-Montpetit, 6e étage. Réservations: 343-6111, poste 4691.


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