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Le maestro de la symphonie portuaire

Le Devoir crie au génie pour Le chant des sirènes, de Jean-François Laporte.

Jean-François Laporte a conçu un instrument composé de 70 lames de scies circulaires et objets métalliques qui s'entrechoquent. Il se porte sur les épaules pour donner le Chemin de croix.

Jusqu'au 28 février dernier, la symphonie portuaire était une sympathique démonstration sonore annuelle pour touristes et nostalgiques des années de gloire du Vieux-Port de Montréal. Mais Le chant des sirènes, de Jean-François Laporte, a véritablement fait entrer le genre dans la catégorie de la musique contemporaine. Oeuvre conceptualisée, bâtie et écrite sur partition, elle a constitué une "véridique et moderne création".

C'est du moins l'opinion du critique musical du Devoir, François Tousignant, qui y est allé d'un compte rendu dithyrambique au lendemain de la présentation de l'oeuvre du jeune homme, étudiant au baccalauréat en composition à l'Université de Montréal. "Jean-François Laporte possède le don de transformer tout ce qu'il entend en poème, de faire fleurir son imagination en bouquets sonores insoupçonnés, écrit-il. [...] Mise au monde à Terre-Neuve, la symphonie portuaire arrive à l'âge adulte sous l'impulsion presque géniale de Laporte."

Dix jours après la création de son oeuvre, retransmise par la chaîne culturelle de Radio-Canada et saluée par un si bel hommage, le compositeur a la satisfaction du travail accompli. "Je savais assez précisément ce que je voulais et cela a bien marché, dit-il. Et puis, à Montréal, on a la chance de pouvoir écouter nos bateaux avant la présentation de l'oeuvre."

C'est que les glaces emprisonnent les navires dans le port de Montréal de décembre à mars. Les compositeurs peuvent donc se familiariser avec les sonorités en présence. Au port de Saint John's, à Terre-Neuve, seule autre "salle de concert" des symphonies portuaires, les bateaux ne restent pas amarrés assez longtemps pour permettre ce peaufinage.

La seule et unique interprétation des Sirènes volantes l'aura été par un orchestre de 3 locomotives, 1 bateau-remorque et 11 laquiers, qui tous produisaient des sons différents. Le maestro des bateaux était perché, quant à lui, au sommet de la tour du musée de Pointe-à-Callière, le promoteur de l'événement. C'est de là qu'il a salué la foule, estimée à un millier de personnes.

Fait nouveau, les instrumentistes faisaient crier les sirènes et la corne de brume de façon tout à fait étonnante, en enfonçant une pompe de caoutchouc au fond des cornets. Cela créait l'effet d'une sourdine dans une trompette. "J'ai découvert cette sonorité alors que j'étais moi-même musicien sur un bateau l'an passé. En plongeant ma main au fond de la sirène, j'ai constaté que le son était déformé. J'ai eu envie d'exploiter ce phénomène."

Que faut-il comprendre de ces oeuvres contemporaines? "Il n'y a pas de messages particuliers dans ma musique. Les gens peuvent y trouver ce qu'ils veulent. La symphonie portuaire est avant tout une expérience sonore. Si elle rappelle à quelqu'un son enfance au bord de la mer ou sa dernière croisière, tant mieux."

Un auditeur lui a tout de même fait un beau témoignage. Pour lui, Les sirènes volantes, c'était comme si le fleuve Saint-Laurent s'était mis à chanter...

Jean-François Laporte terminera bientôt son baccalauréat en musique. Il espère aller étudier la composition à l'école de Pierre Boulez, à Paris. Mais son expérience de "maestro des bateaux" lui a tellement plu qu'il partira sous peu à la recherche de sirènes de navires désaffectés afin de s'en faire un gigantesque instrument. La récupération ne sera pas facile, il le sait déjà. Les seuls dépotoirs pour transatlantiques sont en Inde et en Thaïlande...

Mathieu-Robert Sauvé


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