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Les Pierres à feu

Initiation à l'archéologie par la méthode expérimentale

Sauriez-vous tailler une pointe de flèche à partir d'un silex ou allumer un feu en frappant deux pierres l'une contre l'autre?

Ces techniques archaïques oubliées depuis longtemps n'ont plus de secret pour Yves Chrétien, l'un des rares archéologues québécois qui se soit spécialisé dans la maîtrise des techniques préhistoriques. Il a livré une démonstration saisissante de son savoir-faire au public venu assister à la soirée d'initiation à l'archéologie organisée par l'Archeological Ressource Circle/Cercle de ressources en archéologie (ARCRA) le 9 mars dernier.

Avec deux pierres de sulfite ferreux, ramassées sur les rives du Saint-Laurent, il a réussi en une minute à embraser un paquet d'herbes séchées. "Cette technique d'allumage est la plus ancienne et la plus efficace", estime Yves Chrétien, qui a toutefois investi un temps considérable afin de retrouver la méthode possiblement utilisée. "Nous savons que ces techniques ont été employées, mais aucun manuel d'archéologie ne nous dit comment faire."

Le secret consistait à cogner les pierres de sulfite au-dessus d'un combustible fait de poudre d'amadou, ce champignon qui pousse sous les feuillus, puis de placer des herbes sèches sur les tisons. Et de souffler. Un procédé en apparence fort simple, apparu il y a 450 000 ans selon les estimations les plus récentes, mais qui a pris 200 000 ans à se généraliser.

Avec une autre méthode beaucoup plus sophistiquée, celle de l'arc à feu en usage dans la vallée du Saint-Laurent lors de l'arrivée des Européens, Yves Chrétien est parvenu à allumer un feu en 45 secondes. Ici, il fallait redécouvrir les bonnes essences de bois à utiliser et surtout savoir comment récupérer la poudre brûlante produite par le frottement.

Loin de vouloir garder ces secrets pour lui, le diplômé de doctorat du Département d'anthropologie travaille plutôt à la mise sur pied d'un centre d'interprétation et de formation en archéologie expérimentale qu'il souhaite pouvoir ouvrir l'an prochain dans la région de Québec.

Un autre étudiant au doctorat, Dario Izaguirre, s'est appliqué à redécouvrir la technique de la taille des pierres pour fabriquer des pointes de flèches. À l'aide d'un bois d'orignal comme percuteur, il est parvenu en une demi-heure à tirer d'un bloc de chert (pierre de la famille des silex) une pointe avec encoches de fixation qui aurait fait l'envie de nos ancêtres du paléolithique.

"La recherche expérimentale sur les types de cassures et le comportement des matériaux ainsi que la reproduction des bons gestes prendnent plusieurs années de pratique, souligne-t-il. Si l'on ne maîtrise pas la technique, on risque de se retrouver avec un tas de gravier."

Une étudiante à la maîtrise, Hélène Bernier, qui travaille sur les parures de pierre et de céramique des Moches du Pérou, a pour sa part reproduit les techniques utilisées par les Amérindiens dans la fabrication de pipes et de poteries en terre cuite.

L'archéologie expérimentale permet ainsi de démythifier les techniques ancestrales et de redonner vie aux objets en recréant les conditions de leur fabrication, ce qui permet d'avoir une connaissance élargie des conditions économiques et culturelles du groupe étudié. Ces ateliers se déroulaient dans le cadre d'une exposition relatant les 20 ans de fouilles archéologiques sur le site de la Pointe-du-Buisson, à Melocheville.

Daniel Baril


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