Production multimédia: l'affaire des universités ou de l'entreprise?

Un exemple de production multimédia: le tutoriel sur l'anatomie des systèmes nerveux et musculaire des Drs Jean-Marie Peyronnard et Louise Charron, du Groupe de recherche en enseignement médical informatisé. Ce tutoriel permet à l'étudiant d'analyser l'anatomie de la peau couche par couche jusqu'à l'os, de suivre le tracé des nerfs et même d'observer le mouvement des muscles.

"Les universités n'ont ni le pouvoir ni les moyens de constituer un marché unique qui servirait de banc d'essai à un consortium pour la production et la diffusion d'outils informatiques et multimédias destinés à l'enseignement."

C'est en ces termes que le recteur Robert Lacroix a commenté le projet de consortium interuniversitaire de production multimédia lancé par la CREPUQ et discuté au cours d'un colloque tenu à l'UQAM en août dernier.

Le projet, qui bénéficie d'un financement du ministère de la Métropole, vise à maximiser le recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) tout en évitant les dédoublements inutiles et coûteux des efforts qu'y consacrent les universités. La proposition mise sur la table par la CREPUQ se veut globale et inclut la conception, le financement, la réalisation et la mise en marché d'outils pédagogiques multimédias.

Mieux évaluer la demande
Robert Lacroix reconnaît d'une part que les NTIC permettent des économies à long terme en favorisant une réduction de la durée des études et un accroissement de la productivité dans l'enseignement. Mais, rappelle-t-il, elles s'accompagnent également "de coûts de production et de développement très élevés et nécessitent une large distribution pour que l'investissement initial soit amorti".

Le recteur de l'UdeM considère que le projet fait fausse route en présumant que la demande pour le matériel pédagogique multimédia est déjà là et qu'il suffirait aux universités de le produire pour que le marché leur soit ouvert. "À mon avis, rien n'est moins sûr, a-t-il déclaré. Dans ce domaine, la demande n'est pas homogène et s'exprime par des canaux qui ne sont pas clairement délimités. Lui répondre par une offre qui serait centralisée et relativement homogène comme l'indique le projet, c'est peut-être courir à l'échec."

C'est également "sous-estimer grandement les forces vives de la concurrence et surtout limiter l'incitation à l'innovation et à la performance".

Le caractère englobant du projet, qui va de la conception à la mise en marché, lui apparaît également comme une "extension considérable" des fonctions de l'université. Il préférerait donc s'en remettre à l'entreprise privée. "Par tradition, l'université s'en est presque toujours remise à l'entreprise privée dès qu'il était question de développer et de valoriser le savoir qu'elle produit. Je ne suis pas convaincu qu'il doive en être autrement pour le volet de l'enseignement."

Si les NTIC sont considérées comme l'interface privilégiée assurant le lien entre l'université de l'avenir et la société, la réussite de leur intégration à l'enseignement universitaire repose, en définitive, sur les initiatives de chaque professeur. "À l'Université de Montréal, nous sommes convaincus qu'il faut encourager les initiatives personnelles pour que s'estompent les disparités - en matière de multimédia - entre les unités d'enseignement et non adopter une sorte de plan directeur qui essaierait d'uniformiser le paysage technologique universitaire", a conclu le recteur.

À la suite de ce débat, auquel prenaient également part Rock Denis (FQPPU), Philippe Marton (Université Laval) et Jacques Maloin (Université de Sherbrooke), les responsables du projet ont convenu d'élaborer un énoncé de principe devant guider les orientations du consortium et d'implanter, dans un second temps, des projets pilotes qui seront soumis aux universités. Un site Internet sera également créé afin de favoriser les échanges d'idées sur la question.

Daniel Baril