Nathalie Vézina, constable spéciale... |
Les agents de la Sûreté ont utilisé une mise en scène pour coincer le voleur de la bibliothèque. |
Quand elle s'est sentie épiée ("Une intuition, je ne sais pas comment vous dire!"), Mme Vézina a quitté sa table de travail, laissant son sac à main ouvert sur sa chaise. Quand le voleur s'est approché pour s'emparer du porte-monnaie, deux gaillards sont apparus pour l'intercepter.
"Le suspect m'a vraiment prise pour une étudiante, rigole Nathalie Vézina. Quand il m'a vue arriver dans la salle où on l'interrogeait, il s'est excusé en disant qu'il ne voulait pas me voler mon argent..."
De telles mises en scène dignes d'Omertà ne sont pas fréquentes sur le campus, mais elles peuvent être scénarisées en secret par la Sûreté à l'occasion d'une série de larcins. Dans le cas présent, plusieurs personnes s'étaient plaintes de vols dans un secteur de la bibliothèque Samuel-Bronfman. Il fallait donc agir.
Toutes les opérations ne mènent pas à des arrestations, mais cette fois le voleur a avoué ses fautes après avoir été pris en charge par le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (SPCUM). L'individu, a-t-on appris, payait ses études grâce aux vols qu'il perpétrait dans les bibliothèques universitaires! Chaque matin, il faisait sa tournée.
Peu de gens le réalisent, mais les agents de la Sûreté (343-7771 en tout temps) possèdent des pouvoirs relativement étendus sur le campus. La Sûreté est en quelque sorte le prolongement du SPCUM, avec qui elle est liée dans le cadre de la police de quartier. Ses agents sont appelés à distribuer des brochures au cours des journées d'accueil afin de sensibiliser la communauté aux activités de prévention, mais aussi à intercepter, manu militari, des suspects dangereux. Ils doivent donc être prêts à tout.
Pour Nathalie Vézina - l'une des six femmes au sein de la Sûreté-, c'est précisément cette absence de routine qui lui fait aimer son métier. "Quand je rentre le matin, je ne sais jamais à quoi m'attendre. Il n'y a pas deux journées pareilles."
Diplômée du Collège de Nicolet en techniques policières, la jeune femme de 31 ans, mère d'une fillette de 4 ans, porte le titre de "constable spéciale" depuis 11 ans. C'est à l'Université de Montréal qu'elle a occupé son premier emploi permanent. "Nous sommes assermentés pour accomplir certaines opérations comme des fouilles et des arrestations, et nous possédons le pouvoir de mener des enquêtes. C'est un travail très différent de celui des agents de sécurité, par exemple, qui n'ont le droit d'intercepter un suspect que s'il est pris en flagrant délit."
Un de ses souvenirs les plus vifs est d'avoir rattrapé à la course un suspect qui s'enfuyait du Pavillon principal, d'où l'on rapportait un cambriolage. "C'était une situation très stressante, relate-t-elle. Je sentais mon adrénaline monter. Mais j'ai eu de la chance, car l'homme n'a pas offert de résistance à son arrestation. Je lui ai fait la "clé de bras" et il s'est rendu."
Une femme est généralement moins forte qu'un homme, reconnaît Nathalie Vézina, mais les constables féminines savent utiliser au besoin leur force physique. Cela dit, il est essentiel de compter des femmes dans un service de sécurité. "Nous intervenons parfois auprès des victimes d'agression sexuelle. Souvent, les femmes agressées préfèrent se confier à une autre femme plutôt qu'à un homme."
Il y a l'autre côté de la médaille: des hommes qui se sentent insultés, voire agressés, quand ils se font arrêter par une femme... Leur virilité atteinte, ils sont parfois furieux.
L'essentiel du travail de la constable spéciale ne ressemble pourtant pas à une série policière télévisée. "Il y a des jours où c'est ennuyeux", admet-elle.
Ces jours-là, elle fait davantage de prévention. Elle donnera par exemple des billets de courtoisie pour des infractions à la circulation ou expliquera aux cyclistes comment mieux respecter les règles de sécurité. Et puis, il y a l'application du règlement antitabac. "Oui, j'en donne des contraventions. Environ six par jour. Ça vous surprend?"
À 32$ par infraction, la constable dit comprendre que certaines personnes soient mécontentes de se faire attraper. "Je ne fume pas, mais j'imagine qu'une telle amende ne rend pas de bonne humeur. Mais que voulez-vous? Il faut bien que le règlement soit respecté."
Ce type d'intervention n'est pas ce qu'elle préfère. Mais elle le fait sans remords. "Je fais mon travail, dit-elle. Si j'étais mal avec cette idée, les journées seraient longues."
De toute façon, si le téléavertisseur signale une urgence, la constable ne perdra pas une seconde avec une simple infraction au règlement sur le tabagisme. Le fumeur pourra dire alors: sauvé par la cloche...
Mathieu-Robert Sauvé
Pour communiquer avec la Sûreté, un seul numéro
en tout temps: 343-7771. En vertu d'une entente avec Bell Canada, il n'est
plus nécessaire de déposer 25¢ dans les téléphones
publics pour obtenir la communication. Partout sur le campus, l'utilisation
de cette ligne est gratuite.