Daniel Kandelman a commencé à étudier le piano à l'âge de six ans... |
Quand Daniel Kandelman a dû choisir entre la carrière de pianiste et celle de dentiste, la garantie d'un avenir sûr a guidé ses pas. Mais chassez le naturel et il revient au galop. Aujourd'hui, quand le jour se lève, il enfile son habit de professeur à la Faculté de médecine dentaire, dont il dirige le Département de santé buccale, mais le soir et les week-ends, il approfondit un répertoire de concertiste sur son magnifique Steinway.
"L'avantage d'être un amateur de piano, et non un professionnel, c'est que l'amateur a toujours du plaisir à retrouver son instrument, dit ce Français d'origine qui est professeur à l'Université de Montréal depuis 22 ans. Combien d'heures je répète? Impossible à dire. Dimanche, par exemple, j'ai passé ma journée au piano. Mais je me levais de temps à autre, pour écrire une lettre par exemple."
Pour jouir du meilleur des deux mondes, le professeur Kandelman a dû attendre d'émigrer avec sa femme et le premier de ses deux enfants (maintenant âgés de 23 et 19 ans). "Ici, tout m'a paru plus facile, dit-il. Plus facile de trouver un bon professeur, de m'acheter un piano de qualité, de louer des salles."
Mais attention: le mot "amateur" tel qu'employé par le pianiste ne signifie pas qu'il maîtrise des pièces sans défi. M. Kandelman s'est produit à une vingtaine de reprises dans des salles montréalaises. Le printemps dernier, il donnait un concert-bénéfice pour permettre au jeune prodige d'origine lituanienne Vytas Bocionis, 11 ans, de donner un élan à sa carrière de compositeur.
Le pianiste-dentiste s'est aussi produit au profit de l'Association canadienne d'aide à l'enfance, de l'Association québécoise de l'épilepsie et d'autres. À l'Université de Montréal, il a également servi la philanthropie en donnant un récital devant le Club du recteur.
Un défi majeur
Au début de janvier 1999, Daniel Kandelman vivra un moment fort de
sa seconde carrière. Il a été retenu pour participer
au prestigieux Concours international des grands amateurs de piano, qui
a lieu annuellement à Paris. Le concours accueillera cette année
une centaine de candidats de 32 pays. Il est très difficile pour
un participant de passer la première étape de sélection.
Pourtant, il s'agira de la troisième participation de M. Kandelman.
En 1994, il s'était rendu jusqu'aux demi-finales.
À son programme cette année: la Sonate pathétique, de Beethoven, la Toccata et fugue, de Bach, et le Rossignol, de Liszt ainsi qu'une pièce de ragtime. S'il atteint la finale, le musicien jouera la Chaconne, de Bach, réarrangée par Busoni. "Mon professeur insiste pour que je répète cette pièce. Mais je ne crois pas, honnêtement, que je me rendrai jusque-là."
Daniel Kandelman dit qu'il s'est fixé comme objectif de faire bonne figure à Paris mais sans plus. Il aime surtout jouer devant le public. Cela le motive à travailler davantage sa technique et à raffiner ses interprétations. "C'est un peu comme un auteur. Il aime savoir qu'il a des lecteurs. Ou un peintre qui prépare une exposition. La musique est un acte de communication. Le contact avec le public est essentiel."
... et sa virtuosité lui sert dans l'exercice de sa profession. |
Aussi un chercheur réputé
Passer de la pratique d'une activité artistique à la carrière
universitaire ne semble pas avoir été un problème pour
Daniel Kandelman. Au contraire, le professeur-chercheur a évolué
parallèlement au musicien, l'un nourrissant l'autre. D'ailleurs,
il parle avec autant d'animation de la musique que de son secteur de prédilection,
la dentisterie préventive. Celle-ci a beaucoup progressé depuis
son entrée à la Faculté de médecine dentaire.
"Au Québec, nous avons enregistré une diminution de la
carie de 30% à 35% au cours des 20 dernières années",
dit-il.
La population doit cette amélioration à l'accès plus facile aux cabinets de dentistes, où les professionnels procèdent à des soins préventifs (détartrage, obturations précoces, etc.). Mais elle la doit aussi aux campagnes de sensibilisation et à l'addition de fluor dans la pâte dentifrice et dans les réservoirs d'eau potable de certaines municipalités. "On n'en a pas idée, mais dans plusieurs pays du monde, des gestes comme se brosser les dents tous les jours et consulter régulièrement un dentiste sont exceptionnels. Même au Québec, les campagnes de sensibilisation en milieu scolaire sont relativement récentes."
Côté recherche, M. Kandelman et ses collègues ont fait beaucoup parlé d'eux il y a quelques années quand les résultats d'une étude originale sur les substituts du sucre ont été publiés. À l'issue de cette recherche menée sur deux années, il apparaissait que les amateurs de gomme à mâcher "sans sucre" connaissaient une réduction appréciable de caries supplémentaires. "Aujourd'hui, relate fièrement le dentiste, cinq ou six autres études abondent dans le même sens."
Un autre volet de ses activités de recherche est consacré à l'épidémiologie des problèmes dentaires chez les personnes âgées.
Mathieu-Robert Sauvé