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Rapport annuel de l'ombudsman

Service à la clientèle, accueil et encadrement

Lucie Douville, premier ombudsman de l'Université, livre son testament.

Lucie Douville

 

"La franchise ne consiste pas à dire tout ce qu'on pense, mais à penser tout ce qu'on dit."

 

"Si tous les gestionnaires pouvaient comprendre toute l'importance de l'accueil et de l'encadrement autant des étudiants que du personnel, nous sommes convaincue que le climat de l'institution serait amélioré de beaucoup", écrit Mme Douville avant de poursuivre:

"En effet, il ne s'agit pas simplement de dire à tous de s'inscrire à l'Université, encore faut-il pouvoir les y accueillir et leur permettre d'y étudier et d'y travailler dans un contexte serein."

L'ombudsman, qui se dit consciente que la très grande majorité des employés se dévoue corps et âme, précise que, dans le présent contexte, il faut constamment se resituer par rapport à la véritable raison d'être de l'Université, soit ses étudiants. Il lui semble donc urgent que l'Université revoie ses techniques d'accueil et d'encadrement.

Au cours de ses 10 années comme premier ombudsman de l'Université de Montréal, Lucie Douville a reçu plus de 5000 plaintes et demandes d'information en provenance d'individus ou de groupes. Elle estime avoir ainsi eu affaire directement ou indirectement à environ 17 500 personnes.

Même si Lucie Douville a vraisemblablement fait comme la première ministre de la Condition féminine de France, Françoise Giroux, qui déclarait travailler à la disparition de son ministère, la fonction d'ombudsman, en dépit de son départ en juin dernier, est loin d'être devenue caduque. D'ailleurs, Marie-Josée Rivest lui a succédé à ce poste.

Dans son dixième rapport annuel, qu'elle présentait récemment au Conseil de l'Université et dont Forum publie ici de larges extraits, Mme Douville fait en somme le bilan de ses 10 années comme ombudsman. Comme elle l'a fait chaque année depuis son entrée en fonction, elle met en lumière les éléments irritants du système et propose des changements dans les attitudes et les façons de faire. Elle regrette cependant au passage que ses recommandations ne soient pas toujours suivies.

"Trop de gestionnaires refusent systématiquement de reconnaître les difficultés du quotidien, écrit-elle. Aussi elles perdurent et ne contribuent qu'à aggraver la situation."

Nouveau mandat
En nommant il y a 10 ans un ombudsman, l'Université manifestait justement sa volonté de trouver des solutions à certains problèmes, observe Mme Douville. Elle rappelle d'ailleurs que le mandat de l'ombudsman stipule clairement qu'il est là pour recevoir les demandes de consultations et les plaintes, pour faire enquête et pour soumettre des recommandations aux autorités compétentes.

Cependant, l'an dernier, l'Université a revu le mandat de l'ombudsman. Mme Douville se rejouit que l'ombudsman doive désormais être reçu par le Conseil de l'Université une fois par année, en septembre. Cette rencontre devrait, croit-elle, permettre de sensibiliser davantage les membres du Conseil aux réalités de la vie quotidienne sur le campus.

Toutefois, elle considère que la nouvelle procédure d'intervention est beaucoup trop bureaucratique et ne correspond pas à l'esprit de la fonction d'un ombudsman.

Déplorant "le style légaliste de ce nouveau mandat", elle ajoute: "Il nous est difficile de comprendre les changements apportés à un mandat qui nous aura toujours très bien servie au cours des 10 dernières années et qui faisait preuve d'une compréhension parfaite de la mission d'un ombudsman."

Un agent de changement
En conclusion, Mme Douville se déclare convaincue que l'ombudsman doit demeurer un agent de changement et que sa présence "contribue à faire émerger le vrai des situations conflictuelles".

Lorsque chacun y met du sien, en toute transparence, on ne peut que trouver des solutions, observe-t-elle.

"Un échange ouvert et positif d'idées, le respect de l'être humain, la franchise et le courage de vouloir changer les choses, si nécessaire, seront toujours des ingrédients sûrs pour créer un contexte motivant pour l'étude et le travail. Dans un milieu mouvant comme celui de l'Université, il faut continuellement nous questionner, non seulement sur notre savoir et notre savoir-faire, mais aussi sur notre savoir-être." Et elle ajoute: "Croire au changement et y croire suffisamment pour qu'il se produise exige d'avoir le courage d'innover, la volonté de réussir, le goût du risque et sans aucun doute un peu de naïveté..."

Oser!
Mais il est important de se questionner sur les valeurs et l'éthique qui sous-tendent nos gestes et nos décisions ainsi que sur leurs conséquences, constate Mme Douville.

"Si je n'avais qu'un seul voeu à formuler, ce serait simplement d'oser", déclare-t-elle tout en déplorant l'indécision.

"Toujours le même prétexte: la peur. La peur de blesser, de brusquer, d'offenser. La peur d'être réprimandé, de devoir subir les conséquences, etc. Mais offenser qui? Blesser qui? Par peur de dire à un professeur qu'il manque de respect, combien d'étudiants seront anéantis? Par peur de reprocher un manque de probité intellectuelle à quelqu'un, combien d'étudiants abandonneront des études supérieures? Sous prétexte d'être modéré, d'être politiquement correct, de vouloir respecter la confidentialité, on s'empêche d'agir... Bien sûr, le respect de la personne humaine demeure une grande priorité. Mais il est trop facile d'utiliser des faux-fuyants pour se donner bonne conscience."

Certaines des plus grandes améliorations ont finalement eu lieu parce que des personnes ont eu le courage de dire "C'est assez", de confronter leurs semblables, de faire des gestes et de dénoncer l'intolérable, affirme Lucie Douville, qui croit que, même en milieu universitaire, il ne faut pas tenir pour acquis que l'éthique va de soi.

"On enseigne l'analyse critique à nos étudiants, mais où se fait cet exercice de réflexion critique à l'intérieur de l'institution elle-même?" demande-t-elle, avant d'ajouter:

"L'authenticité et la transparence demeurent des conseillers beaucoup plus fiables que le besoin de prestige et de pouvoir."

En terminant, elle souhaite à la nouvelle direction de l'Université d'avoir "le courage de nommer les problèmes et d'apporter des solutions" et à tous les membres du personnel et aux professeurs de l'Université, "la volonté de continuer à croire à un milieu sain".

Françoise Lachance


Problèmes d'espace

Professeurs et étudiants ne veulent pas de cours les lundis et les vendredis...

"Chaque année, les mêmes questions reviennent. Cette année, plusieurs personnes ont manifesté de l'exaspération à cet égard lorsqu'elles se sont adressées au Bureau de l'ombudsman.

"Le nombre d'étudiants par classe augmente. A-t-on les classes pour accueillir tous ces étudiants? L'Université ne possède pas un nombre illimité de grands locaux. De plus, les demandes de locaux sont faites bien avant les inscriptions.

"Certains professeurs ne veulent pas s'éloigner de leur bureau. Quelques départements se montrent plus ou moins ouverts à partager les grands locaux dont ils disposent. Sans oublier que certains immeubles en sont beaucoup moins bien pourvus que d'autres. Il y aurait aussi une pénurie de petites salles. Peut-on obliger un professeur à changer de classe lorsque le nombre de ses étudiants n'est pas en rapport avec la dimension de son local?

"Il reste un élément de solution aux problèmes des classes, c'est celui de l'étalement. Mais encore faudrait-il que plus de professeurs et d'étudiants acceptent d'avoir des cours les lundis et les vendredis... De la même façon qu'on a réussi, par le passé, à résoudre plusieurs problèmes en changeant les plages horaires, il faudra peut-être penser à exhorter tout un chacun à l'étalement.

"De plus, il faudra clairement informer les différents partenaires des responsabilités de chacun. Qui a autorité pour demander à quelqu'un si sa salle est libre? Qui assigne quoi et à qui? Ceux qui attribuent les classes ne devraient-ils pas être aussi responsables des problèmes qui en découlent? Qui décide des priorités, voit à ce qu'elles soient respectées et peut éventuellement trancher?

"Si la Direction des immeubles n'ose pas en discuter avec les facultés, ni ces dernières avec les départements et que personne dans le département n'est à l'aise pour questionner un professeur, alors, le problème des locaux continuera à susciter de nombreuses questions et plaintes. Sinon, il faudra réussir à trouver un système plus performant."


Frais de gestion

"Dans notre dernier rapport annuel, nous attirions l'attention sur quelques frais qui s'additionnent aux droits de scolarité, comme les frais de gestion, que nous avons toujours trouvés excessifs. L'étudiant libre et l'auditeur doivent-ils payer ces différents frais? À cet égard, le règlement est-il le même dans toutes les facultés?

"D'autres frais s'ajoutent à tous ceux déjà imposés aux étudiants, comme les frais pour l'entretien des instruments de musique et d'autres pour couvrir les dépenses occasionnées par les entrevues au moment des admissions. Il serait fort intéressant de faire une liste exhaustive de tous ces frais imposés aux étudiants."

... d'association
"De nombreux étudiants nous font régulièrement remarquer les frais élevés que les associations étudiantes imposent à leurs membres, par exemple 23$ par trimestre, et ce, même si l'étudiant n'a qu'un seul cours. La chose est particulièrement frustrante pour l'étudiant qui suit des cours dans deux facultés et qui se voit obligé de payer les frais aux deux associations. Bien sûr, ces frais sont votés en assemblée. Les étudiants devraient sans doute se mobiliser plus souvent lorsqu'ils ne partagent pas les idées de leurs dirigeants étudiants."

... de radio étudiante
"Les étudiants s'élèvent aussi de plus en plus contre les frais liés à la radio et au journal étudiants. Certes, ils peuvent se prévaloir du remboursement de ces deux cotisations, mais encore faut-il savoir où et quand."

... d'initiation
"Dans quelques départements, des étudiants se sont opposés à la cotisation obligatoire pour l'initiation.

"Il nous semblerait important aussi que les étudiants vérifient s'ils doivent payer des frais d'association lorsqu'ils sont étudiants libres ou auditeurs selon les facultés où ils sont inscrits.

"Depuis longtemps déjà, nous mentionnons qu'il est urgent de réfléchir à une façon de rembourser des droits de scolarité dans des cas spéciaux. Il est en effet difficile d'accepter que dans des cas de maladie ou d'accidents, par exemple, un étudiant doive payer les droits de tout le trimestre. N'y aurait-il pas lieu de penser à un remboursement partiel pour des cas particuliers?"

... d'immersion, etc.
"Les étudiants qui suivent des cours d'anglais et de français à la Faculté de l'éducation permanente un soir par semaine se verraient imposer, en plus de leurs droits réguliers pour trois crédits de cours, des frais d'immersion de 70$. Étant donné que nous n'avons obtenu jusqu'à maintenant aucune explication logique à ce sujet, nous suggérons fortement que cette situation soit clarifiée dans les plus brefs délais."

Mme Douville traite également ici de la fameuse question du régime de soins médicaux et dentaires, qui a suscité beaucoup de mécontentement. En effet, en recevant leurs factures, à l'hiver 1998, de très nombreux étudiants apprenaient qu'ils étaient assurés sans leur consentement à ce régime de soins médicaux et dentaires et que, s'ils désiraient se désister, ils devaient d'abord payer les frais qui leur seraient remboursés par la suite s'ils se présentaient pour signer un formulaire de refus de participation. Grâce, entre autres, à l'intervention de l'ombudsman, on a depuis pris des mesures pour mieux informer les étudiants et augmenter les points de services où ils pouvaient signer un formulaire de désistement.


Qu'est-ce qu'un bon prof?

Selon les commentaires qu'elle a reçus des étudiants, des membres du personnel et de ses interlocuteurs, Mme Douville décrit comment devraient se comporter les acteurs en présence.

Ainsi, le bon professeur ou chargé de cours:

... un bon gestionnaire?

Le bon gestionnaire:

... et un bon étudiant?

Un bon étudiant:


Éviter de dire...

Alors que faire pour mieux répondre aux besoins? D'abord, bannir certaines phrases, remarque l'ombudsman dans son rapport. Elle en énumère plusieurs, "entendues beaucoup trop souvent", qu'elle souhaite voir proscrites parce qu'elles "dénotent certainement des attitudes et des comportements inacceptables":

"On a toujours fait comme cela..."
"Il ne faut pas tout dire à l'étudiant..."
"Ce n'est pas à moi à l'annoncer à l'étudiant..."
"C'est mieux pour toi... Tu comprendras plus tard..."
"Ta vie personnelle, ce n'est pas mon affaire..."
"C'était plus difficile que cela quand j'étais étudiant..."
"Compte-toi bien chanceux..."
"Si tu fais une plainte, c'est fini..."
"C'est exagéré, mais ce n'est pas anormal..."
"Je ne peux rien faire..."


Recommandations

Dans ce dernier rapport annuel, Lucie Douville demande à l'Université de revoir de toute urgence ses techniques d'accueil et d'encadrement, et de prêter attention à ses employés. Elle doit, entre autres, écrit-elle:


Quel genre de questions pose-t-on?


Remarques sur le premier cycle

"Il nous semble toujours fort difficile de comprendre comment certains professeurs ou chargés de cours peuvent prendre autant de temps à corriger ou à réviser les travaux et les examens. Nous nous questionnons surtout sur l'aspect pédagogique de ces retards. Comment l'étudiant peut-il continuer son travail de session ou préparer son prochain examen s'il n'a aucune rétroaction (feedback) sur la tâche déjà accomplie?

"Comment un professeur réussit-il à évaluer des classes de plusieurs dizaines d'étudiants sur la participation des étudiants en salle de classe? Réserver 20% ou 30% des points à la participation nous a toujours fait sourciller... Certains prennent même les présences. Présence implique-t-elle participation? Présence physique égale-t-elle présence de l'esprit? Comment évalue-t-on la qualité des commentaires faits par les étudiants?

"Il nous est aussi difficile de comprendre pourquoi, dans certains départements, on 'descend' tout le monde lorsque la moyenne est trop élevée; dans d'autres, on n'accorde aucun A.

"Plusieurs départements ont mis beaucoup d'énergie à définir des objectifs clairs pour les stages. Mais les problèmes rencontrés par les étudiants et leurs superviseurs, que ce soit dans les écoles, les hôpitaux, les prisons, les centres de toutes sortes méritent encore beaucoup d'attention, entre autres pour s'assurer de la qualité de la supervision. Il semble qu'il serait très utile de regrouper les responsables de stages des différentes facultés afin qu'ils puissent discuter de leurs difficultés communes.

"À quoi servent les questionnaires d'évaluation que les étudiants remplissent à la fin de chaque trimestre? Qui les voit? Sont-ils versés au dossier des professeurs et des chargés de cours? Les directeurs de département et les doyens ne voient-ils que les résultats chiffrés? Que fait-on des commentaires des étudiants?"

... les cycles supérieurs
"Le nouveau programme de cotutelle des thèses pour les étudiants au doctorat favorise l'obtention d'une formation dans deux établissements, l'un québécois et l'autre français. La FES a déjà produit des documents qui donnent les directives à suivre. Cependant, ces documents devraient être revus en tenant compte des questions soulevées par les premiers étudiants qui ont opté pour ce genre d'études. Quels seront les critères pour l'examen de soutenance? Quelle sera la mention sur le diplôme si les études sont faites dans deux facultés? Comment est choisi l'évaluateur externe? Qui s'assure de l'inscription de l'étudiant dans l'université française? Pour répondre à ces questions, il serait urgent de réunir des représentants du registrariat, de la FES et du Bureau de la coopération internationale afin qu'ils puissent rédiger un document officiel expliquant clairement les critères et les objectifs autant aux Québécois qui vont en France qu'aux Français qui viennent étudier au Québec dans le cadre de cet échange."

... l'encadrement et la propriété intellectuelle
"La question de l'encadrement est constamment soulevée par les étudiants. Que faire lorsque le directeur de recherche menace l'étudiant de ne pas corriger les articles constituant sa thèse tant que ce dernier n'aura pas rédigé un texte sur lequel seule la signature du directeur figurera? Que penser lorsque le directeur menace de ne plus diriger l'étudiant s'il ne fait pas quelques heures supplémentaires au laboratoire? Que faire lorsque le professeur n'est jamais libre?

"Malgré l'information disponible sur le sujet de la propriété intellectuelle, que de questions encore posées, entre autres sur les droits d'auteur! Quelques exemples: au doctorat, qui peut signer les articles comme premier auteur? Un professeur qui n'est plus le codirecteur d'un étudiant a-t-il des droits d'auteur sur les articles soumis par ce dernier? Si l'étudiant veut retoucher un article après l'obtention de son diplôme, doit-il revenir demander la permission à son ancien directeur de recherche? Qu'est-ce qu'une contribution intellectuelle suffisante pour un coauteur?

"Les facultés et les départements doivent informer tout nouvel étudiant et tout nouveau professeur des politiques touchant la propriété intellectuelle et s'assurer que tous en comprennent la portée.

"En ce qui concerne les droits de scolarité pour les inscrits à la maîtrise professionnelle et à des D.E.S.S, nous avons suggéré à la FES, au printemps 1997, que ces étudiants soient facturés au crédit. Ce dossier est toujours à l'étude."


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