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Sciences infirmières

L'UdeM et McGill font front commun

Les universités de Montréal et McGill ont indiqué très clairement, au cours d'une conférence de presse commune le 18 mars dernier, qu'elles ne laisseraient pas leurs programmes de sciences infirmières "mourir à petit feu".

"C'est ce même gouvernement qui pense obliger les policiers à poursuivre des études universitaires, a lancé la doyenne de la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal, Suzanne Kérouac. Remarquez que je ne conteste pas cette résolution à l'endroit des policiers, mais je me demande pourquoi la ministre signale que la formation principale de l'infirmière doit être de niveau collégial."

Au moment où les compressions dans le système de santé ajoutent de jour en jour des responsabilités sur les épaules des infirmières, la ministre de l'Éducation Pauline Marois et le ministre de la Santé et des Services sociaux Jean Rochon ont annoncé, le 3 mars dernier, que l'accès à la profession passerait par le cégep plutôt que par l'université. Les universités continueraient d'offrir une formation spécialisée, mais ne pourraient plus accueillir les candidats provenant d'autres secteurs du collégial; seuls les titulaires du D.E.C. en techniques infirmières pourraient être admis.

Il s'agit d'un retour en arrière pour ceux qui pensent que le métier d'infirmière doit passer par l'université. Pour les infirmières en poste qui désirent obtenir un diplôme d'études supérieures, le retour sur les bancs d'école pourrait signifier de 7 à 10 ans de sacrifices à temps plein. Ces mesures se traduiront donc clairement par une baisse des inscriptions dans les facultés. Tout cela alors que d'autres provinces canadiennes exigent que 100% des nouvelles infirmières possèdent un diplôme universitaire.

Une profession

"Il s'agit d'une profession, non d'une technique", a poursuivi le doyen de la Faculté de médecine, Patrick Vinay, venu soutenir le mouvement de protestation lancé par la doyenne Suzanne Kérouac et sa collègue de l'Université McGill, Laurie Gottlieb. Le principal de l'Université McGill et président de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ), Bernard Shapiro, était aussi présent, de même que le recteur René Simard.

Pour le doyen Vinay, les impératifs du système de santé exigent des infirmières du Québec qu'elles soient des administratrices, des gestionnaires, des informaticiennes et des éthiciennes en plus d'être des dispensatrices de soins. Autant de compétences qu'elles ne sauraient acquérir en trois ans d'études collégiales. "Il ne s'agit pas de juger de la qualité de la formation donnée par d'autres ordres d'enseignement, a précisé le doyen; mais il me semble souhaitable qu'une bonne proportion d'infirmières aient une formation universitaire de premier, deuxième ou troisième cycle."

Au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), l'objectif visé est de 30% de bachelières parmi les infirmières. "C'est un minimum, a dit M. Vinay. Un taux de 100% serait envisageable."

Actuellement, moins de 20% des infirmières du réseau de la santé (19,5% des 66 848 infirmières pour être précis) détiennent un diplôme universitaire. Au CHUM, Lcette proportion est encore moindre: environ 18%, alors que dans les hôpitaux du réseau anglophone leur taux est plus élevé. Pour sa part, Lorine Besel, directrice des soins infirmiers à l'hôpital Royal-Victoria, rêve du jour où 30% de ses infirmières auront une maîtrise ou un doctorat.

L'annonce de Mme Marois et de M. Rochon a pris tout le monde par surprise. D'autant plus que, si cette politique était adoptée demain, les économies réalisées ne seraient pas mirobolantes. En effet, selon les données recueillies par Forum après la conférence de presse auprès de Nicole Ricard, professeure à l'Université de Montréal, le taux horaire d'une bachelière en début de carrière est de 16,47$ (ou 29 975$ par année) comparativement à 16,04$ pour une technicienne (ou 29 192$). Après cinq ans d'expérience, l'écart s'agrandit de façon peu significative: 18,16$ l'heure contre 18,78$. Ce n'est donc pas par appât du gain que les infirmières se spécialisent!

Une lueur d'espoir

À titre de président de la CREPUQ, Bernard Shapiro a écrit à la ministre dès que son projet a été rendu public, le 3 mars dernier, afin de lui faire part de son opposition. Dix jours plus tard, Mme Marois lui répondait qu'elle acceptait de prolonger le statu quo jusqu'en 2002. Mais la présence de M. Shapiro à la conférence de presse du 18 mars ainsi que celle du recteur René Simard et du doyen de la Faculté de médecine laissent entendre que les garanties fournies par la ministre ne sont pas convaincantes.

M. Simard avait préalablement cité une résolution unanimement adoptée par l'Assemblée universitaire à sa dernière séance. On y invitait la direction de l'Université à "prier la ministre de surseoir à cette décision jusqu'à ce qu'un débat de société soit fait sur cette question, par exemple dans le cadre de la consultation à venir concernant la politique sur les universités".

En réalité, "on ne sait pas si la porte est ouverte ou fermée", a constaté le recteur Simard. C'est donc une histoire à suivre...

Mathieu-Robert Sauvé


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