La saison littéraire de Réginald Hamel |
Le professeur "retraité" publie trois livres totalisant 1200 pages. |
Le prolifique professeur Réginald Hamel lance ces jours-ci trois livres qu'il a écrits ou dont il a assuré la rédaction: Panorama de la littérature québécoise contemporaine (Guérin), Charles Gill, Poésies complètes, Édition critique (HMH) et une biographie, Charles Gill (Lidec). En tout, près de 1200 pages de texte.
Voilà qui n'est pas négligeable quand on sait que M. Hamel - à la retraite depuis 1990 - a publié il y a moins d'un an une imposante biographie du pianiste Louis-Moreau Gottshalk ainsi qu'un recueil des notes de l'historien Guy Frégault. "Ce n'est rien, lance-t-il au cours d'un entretien téléphonique. J'ai dans mes archives 2000 pages de manuscrits de Charles Gill et 1500 pages de notes d'un récit autobiographique autour du monde."
Toujours actif en enseignement à titre de directeur de 10 étudiants aux cycles supérieurs à Paris et à Montréal, Réginald Hamel a donc plusieurs marrons au feu. Qui a dit que retraite rimait avec golf?
Avant les travaux de M. Hamel, Charles Gill ne figurait dans l'histoire de la littérature québécoise que comme compagnon de foire d'Émile Nelligan. On savait qu'il se disait poète et qu'il fréquentait l'École littéraire de Montréal. N'eût été un recueil publié à titre posthume par un ancien recteur de l'Université de Montréal (Olivier Maureault), peut-être son nom serait-il complètement oublié aujourd'hui.
"J'ai découvert avec ravissement ce recueil alors que j'étais étudiant, raconte M. Hamel. Je ne savais pas encore que ce n'était là que la pointe de l'iceberg."
Autour des années 1950, le chercheur décide d'aller frapper à la porte du fils de Charles Gill dans la propriété familiale, à Pierreville. Roger C. Gill, ravi de rencontrer un littéraire intéressé par le travail de son père, ouvre non seulement sa porte mais l'intégralité des archives du poète. Elles sont volumineuses. Elles révéleront un poète romantique, important, qui a activement participé à l'École littéraire, et un peintre méconnu.
Pour pouvoir travailler à partir de son bureau de l'Université de Montréal, M. Hamel met sur microfilm chaque pièce de cette collection unique. Souci providentiel: la maison de Pierreville est la proie des flammes et les manuscrits s'envolent à jamais en fumée... On doit donc à Réginald Hamel d'avoir sauvé l'essentiel de l'oeuvre du poète.
L'anthologie critique que l'auteur publie ici chez HMH comprend l'intégralité de l'oeuvre poétique. Elle fait suite à la publication de la correspondance du poète, que M. Hamel a rassemblée en 1969.
Mais qui est Charles Gill? Fils de juge, le jeune Charles est un rebelle de la plus pure espèce. À la suite d'un séjour à Paris en pleine ébullition au tournant du siècle, sa carrière de peintre prend son envol. À son retour, il deviendra professeur de beaux-arts. Il écrit alors ses premiers vers et épouse en 1902 l'une des premières femmes journalistes qu'ait connues le Québec: Gaëtane de Montreuil, pseudonyme de Georgine Bélanger. Une femme remarquable, à en croire M. Hamel: "En tant qu'écrivain, nous croyons que Gaëtane avait beaucoup plus de talent que son mari." Cette union "moderne" bien avant la lettre - qui lui valut d'être déshérité - se terminera par une rupture.
Contemporain des grands romantiques (une rumeur veut qu'il ait rencontré Verlaine, mais Hamel n'en a jamais trouvé la preuve), Charles Gill a ébauché une grande oeuvre qui est restée inachevée: le Saint-Laurent. L'auteur reproduit un plan de cette épopée, datée de 1904 et qui fut retravaillée jusqu'en 1911. "Si je me fais un jour imprimer, disait Charles Gill, ce sera dans une édition ne varietur. D'ici là, tous les changements sont permis: pourquoi me presser?"
Comme un vrai poète romantique, il est mort avant de voir ce jour...
Outil à l'usage des étudiants et du grand public, le Panorama de la littérature québécoise contemporaine, rédigé par une équipe qu'a rassemblée Réginald Hamel, vient combler une lacune signalée par le professeur émérite depuis une trentaine d'années. "Depuis le Panorama des lettres canadiennes-françaises, qui date des années 1960, aucun ouvrage de synthèse n'avait été publié", relate-t-il.
Il s'est donc attelé à la tâche avec une partie de l'équipe qui avait participé à la rédaction des 1300 biographies contenues dans le Dictionnaire des auteurs de la langue française en Amérique du Nord (avec la collaboration de John Hare et Paul Wyczinski), publié chez Fides en 1989. Les auteurs venaient de Toronto, Rimouski, Québec et Montréal.
Le résultat - 822 pages bien tassées - présente plusieurs originalités. Non seulement le roman, le théâtre, les essais et la poésie font-ils l'objet d'analyses, mais la nouvelle, la littérature jeunesse, la chanson, l'écriture "féminine", l'écriture dans les médias (incluant les téléromans, qui occupent une place importante dans notre dramaturgie), le cinéma, les revues et même la bande dessinée sont également étudiés.
Ce panorama n'est cependant pas sans défaut. On trouve très peu d'éléments de réflexion sur les essais des années 1990 (à peine une ligne sur la Génération lyrique, de François Ricard, et presque rien sur les écrits de Jean Larose) et l'on s'interroge sur la pertinence du chapitre sur la francophonie, qui semble n'être qu'un faire-valoir de la carrière de Michel Têtu.
Comme l'a expliqué à Forum Réginald Hamel, ce genre de détails échappe au contrôle du responsable de l'ouvrage, car la liberté éditoriale de ses collaborateurs n'avait pas de prix à ses yeux.
Mathieu-Robert Sauvé
Réginald Hamel, Panorama de la littérature québécoise contemporaine, Montréal, Guérin, 1997, 822 pages; Charles Gill, Poésies complètes, Édition critique, Montréal, HMH, 1997, 284 pages; etCharles Gill, Montréal, Lidec, 1997, 62 pages.
Qui n'a pas vu des images du débarquement des soldats en Somalie? De la guerre du Golfe en direct? Du procès de O.J. Simpson et de la folle poursuite en voiture qui a mené à son arrestation? Le &laqno;village global» qu'avait prédit Marshall McLuhan ne s'est-il pas réduit à la vision américaine du monde et ne serait-il pas en train de devenir un véritable &laqno;village CNN»?
AFP, AP, Reuter et UPI, les quatre grandes agences de presse internationales, ont pendant des décennies exercé un grand contrôle sur ce qu'il est dorénavant convenu d'appeler le quatrième pouvoir. Elles font cependant face, depuis le début des années 1980 et l'avènement des nouvelles technologies de communication, à une crise qui remet en question leur rôle et leur existence même. Certaines n'y survivront sans doute pas, les autres en ressortiront profondément modifiées.
Le journaliste Patrick White, également correspondant de Reuter à Québec, analyse ici la crise qui secoue les agences de presse et propose des pistes de réflexion quant à leur avenir et à la façon dont se propagera, au 21e siècle, le &laqno;nouvel ordre mondial de l'information».
Patrick White, Le village CCN, La crise des agences de presse, préface de Florian Sauvageau, Les Presses de l'Université de Montréal, 1997.
Géopolitique & économies, De rivalités économiques en conflits géopolitiques traite des rapports qu'entretiennent la géographie et l'économie des États. À partir d'exemples concrets du passé, comme ceux de Mégare et de Rome, et du présent, comme ceux de la Russie et de Hong Kong, les auteurs analysent les processus de recomposition géopolitique qui ont marqué l'histoire d'hier et d'aujourd'hui en tenant compte de ceux qui sont facilement perceptibles comme de ceux qui le sont moins.
Les auteurs tentent de dégager la philosophie économique qui préside aux destinées des grands ensembles géopolitiques contemporains. Leur recherche débouche sur une véritable remise en question philosophique de la mondialisation/délocalisation, des doctrines économiques et politiques qui les animent et de leurs conséquences pratiques, à savoir un certain &laqno;clash» des civilisations et des économies.
Les questions soulevées peuvent donc intéresser étudiants et chercheurs en géographie, histoire, économie ou sciences politiques aussi bien que philosophie.
Marc Imbeault et Gérard Montifroy, Géopolitique & économies, De rivalités économiques en conflits géopolitiques, Montréal et Paris, Éditions Sciences et Culture et Frison-Roche, 1997, 178 pages.
Pour bien des gens, la philosophie a la réputation d'être la connaissance la plus profonde ou la plus impressionnante qui soit, alors que, pour bien d'autres, elle n'est que jargon prétentieux et simple fumisterie. Par ailleurs, les difficultés de vivre et les malheurs que subissent de nombreux humains de la part d'autres humains ont sensibilisé beaucoup de gens aux droits des personnes et à la responsabilité qu'aurait chacune d'elles de contribuer à l'amélioration de la vie en société.
Gilles Lane a donc cherché à voir comment la connaissance philosophique pourrait constituer un apport culturel important et à quelles conditions les philosophes, loin de vivre en parasites de la société, pourraient être utiles.
Gilles Lane est professeur honoraire de l'Université de Montréal. Il a publié une dizaine d'ouvrages de philosophie, principalement sur la connaissance ordinaire et la connaissance scientifique, la culture et l'éducation, l'éthique fondamentale, la vie en société et la politique.
Gilles Lane, À quoi bon la philosophie?, Montréal, Éditions Bellarmin, 1997.