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Robert Lacroix amorce la transition

Le futur recteur tient des consultations pour constituer son équipe.

Robert Lacroix déborde d'enthousiasme à l'idée d'occuper ses nouvelles fonctions. Tellement que, même si son mandat ne débute que le 1er juin, il a déjà cédé à son collègue Marcel Boyer, également professeur à l'Université de Montréal, la barre du CIRANO. Soit dit en passant, le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, dont il était le président-directeur général depuis cinq ans, se porte très bien, merci, avec ses 35 chercheurs de quatre universités québécoises et ses 20 projets de recherche. Mais son fondateur a désormais d'autres chats à fouetter.

Le futur recteur entreprend dès maintenant des consultations en vue de constituer son équipe. "Tout en m'assurant de l'adhésion de la base, j'ai toujours cherché à m'entourer de collaborateurs qui sont aussi forts et même plus forts que moi parce que c'est comme ça qu'on réussit à faire avancer les choses." L'ancien doyen de la Faculté des arts et des sciences, chez qui plusieurs reconnaissent les qualités de leader et de rassembleur, considère comme une chance de pouvoir consacrer deux mois à opérer cette transition, de son bureau du 25e étage d'un immeuble du centre-ville au pied duquel s'étend l'Université McGill.

 

Sortir du carcan financier

Robert Lacroix s'est donné comme priorité de sortir l'Université du carcan financier qui l'étrangle. À court terme, il veut renverser la vapeur dans le recrutement des étudiants, en chute libre depuis quelques années. "C'est très important non seulement à cause du mode actuel de financement mais aussi parce que nous avons beaucoup à offrir. Il ne s'agit pas de lancer une simple opération cosmétique, en se disant qu'avec un peu de publicité les étudiants vont accourir. Pour réussir, il faut procéder à un réajustement sérieux de nos comportements en ce qui concerne l'accueil et le suivi des étudiants."

Le professeur Lacroix, qui enseigne encore au Département de sciences économiques, a pu constater à quel point les compressions budgétaires ont touché la vie quotidienne de l'Université. Il déplore, par exemple, le peu de moyens informatiques modernes dans les amphithéâtres, ce qui le force à recourir aux acétates alors que son cours a été conçu pour l'utilisation des nouvelles technologies.

À moyen terme, c'est-à-dire d'ici deux ans, le prochain recteur compte sur le Fonds de développement pour augmenter la contribution des entreprises et des diplômés.

"Il y a un élément sur lequel nous avons le contrôle complet et c'est celui de la collecte des fonds externes. Il faut donc augmenter les rentrées régulières de fonds qui nous viennent de nos diplômés et mettre sur pied la grande campagne des années 2000. La précédente, qui a permis d'amasser 85M$, a été un grand succès; la prochaine devrait l'être tout autant. Nous n'avons pas d'autre choix que de réussir."

Le Groupe de travail sur le financement des universités a remis son rapport le printemps dernier. M. Lacroix, qui en faisait partie, se considère en bonne position pour convaincre le gouvernement de réviser les paramètres de la formule de financement afin que ceux-ci collent plus à la réalité des coûts par secteur de formation et par ordre d'enseignement.

 

Priorité à l'éducation

Dernier élément auquel Robert Lacroix veut s'attaquer immédiatement, même si le résultat devrait se faire sentir à plus long terme - "mais pas dans 20 ans!" -: remettre l'éducation au premier rang des priorités de la société québécoise.

Le futur recteur est sidéré de constater que seulement 5,7% des Québécois mettent l'éducation au premier rang des priorités tandis qu'une majorité la classe au dernier rang, selon les résultats d'un sondage rendu public récemment

"C'est dramatique! Jamais l'éducation n'a été aussi essentielle pour faire face à un marché du travail exigeant. Or, ce sondage révèle que la population n'en est pas consciente." Il ajoute que, dans ces conditions, l'éducation risque également de se retrouver au dernier rang des priorités des politiciens.

Il revient donc aux milieux de l'éducation et surtout à l'université de tenter d'inverser cet ordre de priorités, pense M. Lacroix. Pour y parvenir, il faut, selon lui, insister sur le fait suivant: "Si l'on investit maintenant dans l'éducation, on en tirera des bénéfices plus tard; mais, si l'on coupe aujourd'hui, on en paiera aussi le prix plus tard."

Il insiste également sur le fait que, dans une société dont l'économie est fondée sur le savoir, il n'est plus question de rattrapage.

"Il ne s'agit plus de faire de la recherche pour faire de la recherche ni d'enseigner pour le plaisir de donner des diplômes; il faut que notre enseignement et notre recherche soient meilleurs que celui ou celle de nos concurrents et à la fine pointe des connaissances."

Bien sûr, le recteur de l'Université de Montréal ne peut seul infléchir les priorités de la société québécoise, mais il a un rôle majeur à jouer dans ce renversement, pense Robert Lacroix.

 

Courage et imagination

Lorsqu'il entrera en fonction, le nouveau recteur s'attend à ce que professeurs et employés lui emboîtent le pas avec enthousiasme et dynamisme. "Mais il faut accepter que les solutions à nos divers problèmes ne seront ni simples, ni faciles, ni magiques; elles exigeront de l'imagination, de la mobilisation, de la détermination et du courage."

Après plusieurs années de compressions sévères et répétées, il est conscient que le moral des troupes est plutôt à la morosité. "Après nous être occupés pendant deux ans des employés que nous perdions, il nous faut de toute urgence nous occuper de ceux qui sont restés et de ceux qu'il nous faudra embaucher, déclare-t-il. Ces derniers doivent pouvoir de nouveau penser qu'ils ont un avenir dans notre établissement."

Il ajoute cependant que l'intérêt de l'Université doit prendre le dessus sur celui des groupes particuliers. "Dans le cas contraire, on est condamné à l'immobilisme."

 

Accessibilité et qualité

En ce qui concerne l'enseignement, l'économiste est d'avis qu'il faut maintenant être imaginatif pour trouver les moyens de concilier accessibilité et qualité. "Il faut cesser de croire qu'on va admettre seulement les meilleurs étudiants au moment où le premier cycle est en train de devenir une étape aussi obligée pour faire face au marché du travail que l'était le secondaire il y a quelques années." Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut négliger les études aux cycles supérieurs et la recherche. Il s'agit là d'une double mission dont les deux pôles ne s'opposent pas.

Avec les autres universités, M. Lacroix veut poursuivre la collaboration dans les secteurs "où l'on n'a pas intérêt à se faire concurrence", comme les bibliothèques, les services informatiques et les achats en commun. Mais dans d'autres domaines, une saine compétition est nécessaire "pour éviter de s'endormir, ce qui mènerait à un réseau banal et de qualité médiocre".

Loin de critiquer son prédécesseur, Robert Lacroix rend hommage au recteur René Simard, qui a tenu le gouvernail au moment où l'Université de Montréal connaissait la période la plus sombre de son histoire. S'il compte prendre en considération le résultat des travaux déjà en cours (rapports des comités sectoriels, de la Commission de l'Université sur les programmes, etc.), le nouveau recteur veut cependant changer de régime pour relancer l'Université de Montréal.

Françoise Lachance


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