Le grain de sable dans la turbine |
Stephen Bergeron réalise le premier doctorat sous forme de contrat industriel au CERCA. |
Avant même que sa rédaction soit achevée, la thèse de doctorat de Stephen Bergeron a déjà trouvé une application industrielle.
L'étudiant du Département de physique a en effet mis au point un système de modélisation de la dynamique des particules en suspension dans un courant d'eau turbulent. Selon le professeur Alain Vincent, qui a dirigé la recherche, le logiciel issu de ce travail serait "le plus performant qui ait été élaboré à ce jour" pour réaliser une telle fonction. La compagnie General Electric Hydro, de Montréal, l'utilise déjà pour simuler et prévoir l'érosion de l'équipement hydraulique par l'action du sable dans l'eau.
"J'ai commencé mes travaux en m'intéressant à la mécanique des fluides, explique Stephen Bergeron. Puis, j'ai pensé ajouter de fines particules dans l'écoulement et ensuite des particules plus grosses ayant leur propre dynamique. Le travail a donc porté sur la réalisation du logiciel, mais aussi sur les aspects théoriques des écoulements turbulents nécessaires à la conception du logiciel. Ces caractéristiques sont très complexes en soi et difficiles à moduler, et il faut leur ajouter de plus la complexité de la géométrie des turbines."
En cours de route, le chercheur et son directeur ont fait une démonstration de leur simulation à des représentants de GE Hydro, qui se sont montrés convaincus de la pertinence du modèle. L'entreprise a aussitôt proposé un contrat pour concevoir le système de façon à tenir compte de la collision des particules sur les parois des turbines, puis un deuxième contrat pour mesurer le même impact sur les pièces mobiles.
Le travail a été réalisé au Centre de recherche en calcul appliqué (CERCA), dont la mission est de favoriser le transfert technologique de la recherche universitaire vers l'entreprise. "Il s'agit de la première thèse sous forme de contrat industriel au CERCA", souligne l'aspirant au doctorat, qui dispose également d'une bourse du CRSNG.
À partir de paramètres comme le débit d'écoulement, la dimension des conduites, les particularités géométriques et la quantité de sable en suspension, le produit final permet une visualisation en trois dimensions du comportement de milliers de particules dans l'écoulement et une analyse en détail du processus d'érosion de la turbine.
En plus d'assurer une application industrielle à ce logiciel, la compagnie GE Hydro a fourni à Stephen Bergeron l'occasion de tester son modèle en situation réelle. Comme l'eau de nos réservoirs hydroélectriques ne contient pas suffisamment de sable pour provoquer une érosion de l'équipement, c'est une turbine de Warsak, au Pakistan, qui a servi au test.
"Dans cette région, l'eau provient de la fonte des glaciers et contient une grande quantité de particules de quartz arrachées aux rochers. Ces particules sont très dures et, à grande vitesse, ont un effet abrasif majeur. La cartographie des zones d'érosion obtenue par le modèle a correspondu exactement à celles observées sur les turbines en activité", affirme-t-il.
L'industrie possède ainsi un outil permettant de prévoir les zones sensibles de ses installations et d'installer des revêtements protecteurs.
Stephen Bergeron entrevoit l'application de ses travaux à d'autres domaines que l'écoulement des liquides, notamment à la dynamique des aérosols, des pollens et de particules en suspension dans l'atmosphère. Une tâche à laquelle il s'attaquera sitôt son doctorat achevé.
Daniel Baril