[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]




La psychoéducation à la croisée des chemins

Un 25e anniversaire marqué par l'arrivée d'une corporation professionnelle et... la fermeture de Boscoville.

"En 1972, lorsque l'École de psychoéducation a été créée, les bases scientifiques de l'intervention auprès des jeunes en difficulté étaient plutôt faibles. L'intervention était alors fondée sur l'intuition, motivée par l'engagement social ou religieux, et se limitait souvent à l'accompagnement du jeune à Boscoville."

En relatant ces débuts bien intentionnés, l'actuel directeur de l'École de psychoéducation, Claude Gagnon, constate l'ampleur du chemin parcouru tout en étant perplexe devant l'avenir. La psychoéducation a en effet acquis depuis lors des fondements scientifiques reconnus, mais les conditions qui ont permis la recherche dans ce domaine semblent maintenant menacées.

Au cours des deux dernières décennies, les "éducateurs spécialisés", comme on les appelaient à l'origine, ont progressivement occupé des postes comparables à ceux des autres professionnels des réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux, soit les psychologues ou les travailleurs sociaux; ils sont devenus psychoéducateurs avec la délicate et complexe fonction de contrer les déficiences d'ordre socio-économique, affectif, intellectuel ou physique dont souffrent les jeunes en difficulté d'adaptation.

Mais devant les profondes transformations que connaît le réseau de la santé et des services sociaux, la profession de psychoéducateur est elle aussi en mutation. La fermeture de Boscoville enlève un outil précieux aux chercheurs qui ont contribué à élaborer des méthodes d'intervention fiables. Les psychoéducateurs ont également des concurrents formés dans les cégeps, les techniciens en psychoéducation, qui viennent brouiller les cartes.

"Le milieu est présentement cul par-dessus tête", ne craint pas de déclarer Claude Gagnon.

Nuages et espoirs

Au moment où la Corporation professionnelle des psychoéducateurs, annoncée depuis 1992, est sur le point de voir le jour, l'heure du bilan et des prospectives a sonné pour ces professionnels. Les responsables de l'École de psychoéducation ont d'ailleurs organisé, pour souligner le 25e anniversaire de leur école, un colloque où seront présentés une rétrospective de la profession, une réflexion sur les perspectives d'avenir et un survol des recherches en cours.

Le professeur Marc Le Blanc, qui est au nombre des conférenciers, dresse pour sa part un constat et un portrait d'avenir plutôt sombres de la profession. À ses yeux, l'intervention auprès des jeunes est devenue "virtuelle, uniforme, banale, tardive, brève, désorientée et périmée".

Les compressions budgétaires et la scolarisation des jeunes mésadaptés dans les commissions scolaires plutôt que dans les centres de réadaptation seraient les principales causes de cette situation. En dehors des centres spécialisés, on ne dispose pas selon le professeur de l'environnement, du temps et des ressources nécessaires pour encadrer efficacement une démarche de réadaptation.

Qui plus est, la principale méthode d'intervention utilisée au Québec, le conseil et l'introspection, serait la moins efficace pour aider les jeunes en difficulté. Pour couronner le tout, la fermeture de Boscoville, au profit de l'agrandissement des centres en périphérie de Montréal, annonce un mouvement inverse à celui des années 1970, où l'on a découvert l'efficacité des petits centres par rapport aux grands internats.

"Cette fermeture, ajoute Marc Le Blanc, nous fera perdre le seul lieu où l'on pouvait faire à la fois de la recherche et de l'intervention auprès de la clientèle, à l'exemple de ce qui se fait dans les hôpitaux universitaires."

Le professeur n'a toutefois pas perdu espoir pour autant. Il croit qu'il est possible de réformer les programmes de Boscoville, de sauver l'établissement et de ramener la profession à une intervention de plus longue durée centrée sur les cas les plus lourds. "Il faut de la ténacité et s'attacher opiniâtrement à l'idée qu'on peut faire encore mieux, que chaque année quelques jeunes de plus pourraient s'en sortir."

Les critiques de Marc Le Blanc ne manqueront pas de susciter de vifs débats chez les participants attendus à ce colloque. Également au programme, une conférence de Marcel Renou, pionnier de la psychoéducation au Québec et professeur à l'Université de Sherbrooke, exposera de façon un peu plus factuelle l'évolution de la profession et les enjeux de l'heure. Quatre professeurs de l'École de psychoéducation, Frank Vitaro, Pierre Charlebois, Sophie Parent et Michel Janosz, présenteront les recherches qu'ils mènent présentement et qui portent sur la prévention de la violence et des toxicomanies, l'évaluation des interventions et l'intervention en milieu scolaire.

Toujours à l'occasion de ce 25e anniversaire, l'École accueillera un conférencier de marque, John Coie, à qui l'Université remettra un doctorat honoris causa (voir l'encadré). Le tout se déroulera les 20 et 21 mars prochains à la salle M-415 du Pavillon principal.

Daniel Baril


Le Fast Track selon John Coie

Un conférencier de renom est attendu au colloque du 25e anniversaire de l'École de psychoéducation: le professeur John Coie, de l'Université Duke en Caroline du Nord.

Reconnu comme une autorité en psychoéducation, le professeur Coie est à l'origine d'un vaste projet de recherche portant sur la prévention de l'inadaptation psychosociale chez les jeunes d'âge scolaire. "John Coie a mis en évidence le rôle des relations entre enfants dans l'acquisition des compétences sociales, signale Claude Gagnon, directeur de l'École. Il a élaboré une typologie et un concept sociométrique permettant de repérer ceux qui ont un risque d'inadaptation sociale. Il nous en exposera les fondements et la méthodologie."

Le projet en question - connu sous le nom de Fast Track pour "Family and School Together" - vise à prévenir les troubles de comportement chez les jeunes en agissant sur plusieurs facteurs à la fois: famille, école, pairs, entraînement aux habiletés sociales, etc. Il s'agit de l'une des plus vastes recherches américaines sur la question, mettant à contribution six unités de recherche.

Selon M. Gagnon, les données de cette étude seront fort utiles pour guider l'intervention psychoéducative au Québec. Pour souligner la contribution du professeur Coie à l'avancement des connaissances dans ce domaine et marquer les liens que plusieurs professeurs de l'École de psychoéducation entretiennent avec lui, l'Université profitera de son passage vendredi prochain pour lui décerner un doctorat honoris causa.

D.B.


[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]