Soupir de soulagement pour 15 chercheurs
Dans son budget, le ministre Paul Martin a attribué 40 millions de plus que prévu au CRM.
Le dernier budget fédéral a ranimé la flamme de 15 chercheurs en médecine de l'Université de Montréal qui croyaient leur projet mort et enterré à la suite du dernier concours du Conseil de recherches médicales (CRM).
"Je ne m'y attendais plus, souligne Claude Lazure, chercheur à l'Institut de recherches cliniques de Montréal. C'est incroyable et inattendu."
D'abord rejetée, sa demande a été reconsidérée par le jury du CRM, qui a finalement accordé un montant de près de 500 000 $ sur cinq ans pour sa recherche en chimie des protéines. Cette subvention lui a permis de pousser un long soupir de soulagement, car un autre refus aurait signifié pour lui "la clé dans la porte, tout simplement".
Affichant le plus faible taux de succès de son histoire, le CRM avait rejeté plus de 80 % des demandes qui lui avaient été adressées. À peine 22 projets sur les 135 présentés par l'Université de Montréal avaient été approuvés. Avec les 15 nouveaux projets financés in extremis, la moyenne est considérablement plus élevée, même si elle demeure bien en deçà de la note de passage. Comparativement à l'Université McGill, où 58 projets ont été acceptés, la performance demeure faible.
Au pays, l'arrivée d'argent neuf a permis d'augmenter de 50 % l'approbation de projets de haut calibre préalablement refusés. Le taux de succès global passe ainsi de 20 % à 29 %.
C'est principalement la recherche fondamentale qui bénéficiera de ce retournement subi de la situation. M. Lazure, un chimiste et biochimiste moléculaire de 47 ans, correspond parfaitement au profil du chercheur désavantagé par les compressions survenues dans le domaine de la recherche en santé au Canada au cours des dernières années. Spécialisé en enzymologie, il se consacre depuis 20 ans à la recherche fondamentale. Ses études pourraient éventuellement mener à un traitement du diabète, mais dans un avenir si lointain qu'aucune firme privée ne risquera des investissements dans son laboratoire.
"Non seulement je fais de la recherche fondamentale, dit-il, mais en plus mes travaux n'ont rien à voir avec les reins, le coeur ou les poumons, qui sont à la mode ces temps-ci. Je dépends donc totalement des fonds publics et le CRM est de loin l'organisme subventionnaire le plus important."
M. Lazure n'était pas à son bureau lorsque le CRM a voulu lui annoncer que sa demande avait été soudainement acceptée. C'est en arrivant chez lui qu'il l'a appris par télécopieur. "Ça fait un choc dans la vie d'un homme", dit-il en riant.
Des pressions qui ont porté leurs fruits
Choqués par les compressions à répétition dans le secteur de la recherche biomédicale, le doyen de la Faculté de médecine, Patrick Vinay, et le vice-doyen Jean-Luc Malo ont lancé l'automne dernier un appel aux autorités afin de rehausser de 50 millions de dollars le budget du CRM. Cet appel, qui s'est ajouté à une pression nationale allant dans le même sens, ne sera pas resté lettre morte puisque le ministre des Finances, Paul Martin, annonçait le 25 février une hausse du budget du CRM de 40 millions pour l'année 1998-1999.
Il ne fait pas de doute, selon M. Lazure, que les pressions de la communauté scientifique canadienne, et particulièrement de ses porte-parole, ont contribué à faire tourner le vent.
Outre M. Lazure, les chercheurs suivants, reliés à l'Université de Montréal, ont eu la surprise de voir leur projet ressusciter: Roger R. Butterworth (75 168 $), Christian Casanova (48 826 $), Michel Desjardins (56 905 $), Elliot A. Drobetsky (58 572 $), Jocelyn Dupuis (47 500 $), Pierre Haddad (47 500 $), Damian Labuda (49 009 $), Paolo M. Renzi (67 132 $), David J. Roy (57 470 $), Claude Sicotte (37 213 $), Jurgen Sigush (57 000 $), Richard A. Warren (47 205 $) et Muhammad M. Zafarullah (48 140 $). Le montant indiqué est annuel, mais le nombre d'années d'attribution varie.
Mathieu-Robert Sauvé