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À la défense des sciences infirmières

L'Assemblée universitaire veut infléchir la décision de la ministre Marois.

La ministre de l'Éducation, Pauline Marois, et son collègue de la Santé, Jean Rochon, annonçaient au début du mois une révision des programmes de formation en sciences infirmières. L'orientation présentée a pris tout le monde par surprise; les ministres annoncent en effet que la formation des infirmières relèvera dorénavant des cégeps.

Présentement, deux profils de formation sont offerts à ceux et celles qui se destinent aux soins infirmiers: une formation collégiale de trois ans en techniques infirmières ou une formation universitaire en sciences infirmières. Cette dernière habilite les infirmières à pouvoir poser des jugements cliniques dans des situations complexes et à faire preuve de polyvalence dans un environnement peu structuré.

La formation universitaire est accessible aux cégépiens qui ont choisi le programme Sciences de la santé, un programme de deux ans du secteur de l'enseignement général. C'est ce profil qui sera aboli puisque tous ceux qui voudront poursuivre leur formation à l'université devront dorénavant passer par le D.E.C. en techniques infirmières.

"Cela équivaut à réduire la formation de base à une formation technique de niveau collégial et à demander aux universités d'offrir du perfectionnement professionnel", estime Suzanne Kérouac, doyenne de la Faculté des sciences infirmières, qui s'est dite choquée par cette décision.

Contradictions

À l'Assemblée universitaire, le recteur René Simard a souligné les contradictions dont fait preuve la ministre Marois dans ce dossier. D'une part, cette décision - prise sans consultation avec les universités - survient au même moment où la ministre annonce une consultation sur la formation universitaire. D'autre part, "le projet de politique soumis à la consultation dit que les universités doivent miser plus sur la formation fondamentale et moins sur la spécialisation au premier cycle; la réforme annoncée en sciences infirmières dit le contraire", a soutenu le recteur.

Mme Kérouac a par ailleurs fait valoir qu'au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Amérique latine la formation dans cette discipline est à la hausse. "Au Québec, 12 % des infirmières ont un baccalauréat alors que le taux est facilement le double dans les autres provinces. La décision de la ministre entraînera une diminution de cette proportion alors que l'Université demande aux centres hospitaliers qui encadrent nos étudiantes et étudiants de hausser le taux d'infirmières bachelières à 30 %. On risque de se retrouver dans une situation où les techniciennes du cégep auront à encadrer les futures bachelières."

Plusieurs membres de l'Assemblée n'ont pas manqué de soulever l'aberration que constitue une déqualification de la formation des infirmières quand on exige une formation universitaire pour les bibliothécaires ou les relationnistes et qu'on envisage la même chose pour les sages-femmes et les policiers.

Régine Pierre, professeure en sciences de l'éducation, a fait remarquer que ce sont surtout des femmes qui seront pénalisées par cette déqualification. "C'est une raison de plus de s'indigner", a déclaré le doyen de la Faculté de droit, Claude Fabien, ajoutant qu'il serait prêt à donner son "appui enthousiaste à une résolution mordante" dénonçant la décision des deux ministres.

Certains craignent par ailleurs que cette réforme soit un dangereux précédent et qu'un sort semblable attende les autres disciplines paramédicales, comme l'ergonomie, la physiothérapie ou la nutrition, ainsi que l'a soulevé le doyen de la Faculté de médecine, Patrick Vinay.

Pour la doyenne de la Faculté des arts et des sciences, Mireille Mathieu, il est important d'éviter toute attitude corporatiste dans ce dossier. "L'Université doit être présente dans le débat public suscité par cette décision et faire valoir la contribution qu'elle apporte à la société."

Pour les membres de l'Assemblée, il est apparu encore possible de renverser la vapeur en faisant pression sur la ministre Pauline Marois. L'initiative de l'action est revenue au doyen de la Faculté des études supérieures, Louis Maheu, qui a proposé que l'Université demande à la ministre de l'Éducation de surseoir à sa décision tant que le débat de société nécessaire n'aura pas eu lieu, notamment dans le cadre de la consultation sur la politique des universités prévue maintenant pour l'automne.

Daniel Baril


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