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Le doyen Patrick Vinay
s'en prend au CRM

Selon lui, les chercheurs de l'UdeM sont défavorisés.

Patrick Vinay


À peine 16% des demandes acheminées par des chercheurs de l'Université de Montréal et de ses hôpitaux affiliés au dernier concours du Conseil de recherches médicales (CRM) seront subventionnées. Les fonds obtenus, quelque 4,6 millions de dollars, permettront à 22 projets de démarrer.

Cette annonce survient deux mois après une vigoureuse sortie publique du doyen de la Faculté de médecine, Patrick Vinay, pour dénoncer la diminution des fonds accordés dans la recherche en santé par le gouvernement fédéral. Si le doyen prenait place, le 13 février, aux côtés de Martin Cauchon, secrétaire d'État du Bureau fédéral de développement et député d'Outremont, venu annoncer les 15 millions accordés à l'Université de Montréal et à l'Université McGill par le CRM, il n'était pas de meilleure humeur.

"Au total, à peine 216 demandes sur plus de 1000 ont été acceptées, a-t-il déclaré. Cela signifie que plus de 300 projets jugés très bons ou excellents ne seront pas financés. C'est nettement insuffisant."

Pour le Dr Vinay, qui fut chercheur en néphrologie durant 30 ans, c'est l'impartialité même de l'organisme subventionnaire qui est en cause. À son avis, des éléments comme la réputation des chercheurs et le fait qu'ils figurent depuis longtemps dans la liste des groupes subventionnés joueraient un rôle dans l'attribution des fonds. "Les comités de pairs ne parviennent pas à évaluer toutes les demandes objectivement", dénonce-t-il.

En marge de la conférence de presse, il a nuancé ses propos. "Je n'irais pas jusqu'à dire que le CRM manque d'objectivité, mais je constate qu'une plus grande proportion de très bons projets venant de l'Université de Montréal sont refusés. À l'Université de Toronto, la proportion est beaucoup moindre. Que certains chercheurs très performants puissent continuer à travailler, c'est très bien, mais que fait-on de la relève? C'est comme si on leur disait, après avoir dépensé des millions pour leur formation: 'Débrouillez-vous; on n'a plus d'argent pour vous soutenir.'"

 

La réponse des élus

La représentante du CRM, Mona Nemer, a reconnu que son organisme manquait de fonds. "Le taux d'approbation de 19% est le plus bas de l'histoire. Plus de 330 demandes très méritoires, dont 107 au Québec, n'ont pu être financées. On ne connaîtra jamais l'impact scientifique de ces projets qui n'ont pas vu le jour."

M. Cauchon a tenu à faire une mise au point. "Je suis très sensible aux arguments invoqués. Je comprends votre message. Mais le gouvernement du Canada a fait des choix difficiles. Le CRM a subi une baisse de son budget, de même que Santé Canada, les organismes d'aide internationale et d'autres. Tout le monde est passé au couteau, si vous me permettez l'expression. Malgré cela, la province de Québec a reçu 33% du budget de recherche du CRM au cours des cinq dernières années."

Le secrétaire d'État se dit confiant de voir "la lumière au bout du tunnel" - il a laissé entendre qu'il pourrait y avoir de bonnes nouvelles au prochain budget Martin - et ajoute que certaines initiatives telles que le Fonds canadien pour l'innovation sont des pas dans la bonne direction.

Patrick Vinay n'abondait pas dans ce sens. "Le financement des centres d'excellence ou le fonds de l'innovation, c'est autant d'argent qui ne va pas au CRM. Ce sont des petites fleurs plantées ici et là. Les élus trouvent peut-être cela politiquement 'payant', mais ce n'est pas scientifiquement rentable."

 

L'Université McGill moins touchée

Avec un taux de succès de 31% et des fonds totalisant 10 millions, l'Université McGill exprimait un peu moins d'amertume à cette conférence de presse. Le doyen de la Faculté de médecine, Abraham Fuks, a tout de même exprimé une convergence de vues avec le Dr Vinay. Pendant qu'on rognait le budget du CRM, le National Institute of Health, aux États-Unis, doublait le sien, a-t-il rappelé...

Mais comment expliquer que McGill ait eu deux fois plus de succès dans ses demandes que l'Université de Montréal? Y aurait-il réellement un problème d'objectivité?

Comme nous l'a expliqué Jacques Drouin, un chercheur de l'Institut de recherches cliniques de Montréal qui siège souvent à des comités de pairs, il est en général assez facile pour un jury de départager les 5% de projets indiscutablement valables et les 5% qu'on écarte sans remords. Au centre se retrouvent des projets extrêmement prometteurs mais dont une minorité seulement pourront démarrer à cause de l'insuffisance des fonds.

C'est là que des facteurs subjectifs comme la réputation peuvent entrer en ligne de compte. Et comme le monde scientifique est petit, même au Canada, il ne suffit pas de masquer le nom des chercheurs pour garantir l'anonymat au moment de l'étude des demandes de subvention. Le système du jugement par les pairs n'est peut-être pas parfait, mais il demeure le meilleur, a laissé entendre le Dr Drouin.

Rappelons qu'au dernier concours du CRM, en août dernier, l'écart entre l'Université de Montréal et l'Université McGill était beaucoup moins prononcé. L'Université de Montréal avait alors reçu 15,2 millions de dollars contre 16,4 millions pour l'Université McGill.

Mathieu-Robert Sauvé


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