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Un Big Brother un peu myope

La criminalité est à la baisse dans le métro, mais les caméras de surveillance n'y seraient pour rien.

Le plus grand nombre de crimes commis dans le métro surviennent dans les wagons. Par contre, la majorité des caméras de surveillance ont été installées sur les quais.

La présence de caméras de surveillance dans les stations du métro de Montréal n'aurait que très peu, voire pas du tout d'impact sur les infractions commises dans ces stations.

C'est du moins ce que démontre une analyse1 effectuée par Pierre Tremblay, professeur à l'École de criminologie, et Rachel Grandmaison, agente de recherche, à partir des données d'une expérience menée dans 13 stations de métro entre juillet 1991 et décembre 1993.

Les chercheurs ont procédé à tous les recoupements possibles: nombre total de crimes, types de délits, endroits où ils sont commis, taux de fréquentation des stations, taux de criminalité avant et pendant l'expérience, emplacement des caméras, utilisation qu'on en fait, leur visibilité, le tout comparé chaque fois avec des stations témoins.

Les résultats s'avèrent constamment les mêmes: la présence de caméras n'a eu aucun effet sur la diminution du nombre de délits rapportés à la police.

 

Moins de délits sans caméras!

Les données brutes sur le nombre de crimes indiquent même une incidence annuelle de deux à trois fois plus élevée dans les stations équipées de caméras que dans les stations témoins. De juillet 1991 à juin 1992, on a enregistré une moyenne de 43 crimes dans les premières, contre 17 dans les secondes.

En tenant compte de l'achalandage, le taux de délits demeure de 10,3 (par million) pour les stations expérimentales contre 6,2 pour les autres. Et cela, même si l'on retrouve autant de stations à risque parmi les stations témoins que parmi celles expérimentales.

Entre janvier 1991 et décembre 1993, soit six mois après l'installation des caméras, les données indiquent par ailleurs une baisse significative de la criminalité de l'ordre de 0,52 délit par mois. "Une bonne nouvelle", soulignent les auteurs de l'étude. La mauvaise nouvelle pour la STCUM, c'est que la baisse enregistrée est de l'ordre de 0,66 délit dans les stations témoins!

La diminution de la criminalité est non seulement observable dans toutes les stations, mais vaut également pour tous les types de crimes, que ce soit des vols, des agressions ou d'autres méfaits.

Les chercheurs se sont également demandé si les caméras étaient placées là où les crimes étaient les plus nombreux. C'est en fait dans les wagons du métro qu'il se commet le plus de crimes rapportés, soit près de 27%. Or, il n'y a aucune caméra dans les wagons. Soixante pour cent des caméras sont de fait installées sur les quais, là où l'on n'enregistre que 16% des méfaits. Au grand dam sans doute des responsables de cette expérience pilote, les quais sont les seuls endroits où il n'y a pas eu de diminution significative de la criminalité!

 

Les causes de l'échec

Faut-il conclure de cette étude que la présence de caméras dans les endroits publics n'a aucun effet dissuasif sur l'accomplissement de délits?

Ce n'est pas la conclusion qu'en tirent Pierre Tremblay et Rachel Grandmaison. Des études semblables effectuées dans les métros de Londres et de Hong Kong ont d'ailleurs montré un effet positif de la présence de caméras dans ces lieux.

"Comparativement à d'autres métros, le taux de criminalité dans celui de Montréal est très faible, souligne Pierre Tremblay, et cela peut rendre difficile l'étude d'impact des caméras." Ce faible taux peut être le reflet du climat relativement sécuritaire du grand Montréal de même que l'effet environnemental du métro caractérisé, selon lui, par un "climat de bonhomie".

Mais la principale cause de cet impact nul serait due au caractère plutôt improvisé du projet pilote. D'une part, les caméras ont été "saupoudrées" au hasard dans 13 stations alors qu'il aurait été préférable de les concentrer dans les stations les plus à risque.

Le type d'appareils ne permet pas de maximiser leur usage; les caméras sont fixes, ne sont pas munies de zoom, donnent des images en noir et blanc, et personne n'a pour fonction de surveiller les moniteurs.

L'expérience a de plus été menée avec le moins de publicité possible, ce qui semble être son point le plus faible. "Dans les métros de Londres et de Hong Kong, lit-on dans l'étude, les caméras ont été installées à grand renfort de publicité."

Mais se pourrait-il que la baisse de criminalité enregistrée dans l'ensemble des stations soit un effet de la présence des caméras dans certaines stations, les gens pouvant croire qu'il y en a d'installées dans chacune? "Cela me paraît peu vraisemblable et même tiré par les cheveux, répond Pierre Tremblay. Il y a eu une baisse de la criminalité dans tout Montréal et même dans l'ensemble du Québec. La STCUM semble avoir succombé à l'effet d'une mode en installant des caméras sans trop se poser de questions et sans plan bien défini, peut-être par seul souci de relations publiques."

L'échec observé, conclut-il, "n'est pas un échec de la télésurveillance, mais un raté de sa mise en oeuvre."

Quoi qu'il en soit, la Société de transport a poursuivi l'implantation des caméras, comme on a pu le constater avec le "meurtre au marteau" survenu en novembre dernier. Les images captées aux stations Joliette et Pie-IX, qui ne faisaient pas partie des stations expérimentales, auraient contribué à l'identification du coupable.

À la station Berri-UQAM, on a également désigné par des affiches les zones de surveillance sur les quais. Une mesure que Pierre Tremblay considère comme un pas dans la bonne direction.

Daniel Baril

1. Rachel Grandmaison et Pierre Tremblay, "Évaluation des effets de la télésurveillance sur la criminalité commise dans 13 stations du métro de Montréal", revue Criminologie, vol. 30, no 1, printemps 1997.

 

Station Université de Montréal:
la plus sécuritaire de toutes!

Les données sur le taux de crimes enregistré dans les stations de métro entre juillet 1991 et juin 1992 indiquent que le campus de l'Université de Montréal possède deux des trois stations les plus sécuritaires du réseau.

Pour chaque million d'usagers, la station Université de Montréal affiche même un magnifique et unique score de zéro crime! La deuxième station au palmarès est celle d'Iberville, où l'on n'a enregistré qu'un seul crime pendant cette période. Vient ensuite la station Édouard-Montpetit avec deux méfaits par million d'usagers.

À titre de comparaison, la station la plus à risque est la station Atwater, où le nombre de crimes déclarés pour cette période est de 38, soit un taux de 31 par million. Viennent ensuite les stations Beaudry (29 crimes pour un taux de 27,5) et Berri-UQAM (212 crimes pour un taux de 22 par million).

D.B.


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