L'Institut Nazareth et Louis-Braille s'associe à l'École d'optométrie

L'agent de réadaptation Marcel Dion (à droite) conseille une "cliente" de l'Institut sous le regard de Jacques Gresset, professeur à l'École d'optométrie. Dans le rôle de la cliente handicapée visuelle: Lyne Lemay, agente de réadaptation.

L'Institut Nazareth et Louis-Braille, qui offre des services professionnels aux quelque 54,000 handicapés visuels du Québec, inaugure cette semaine un point de service à l'École d'optométrie. Ce centre, le seul sur l'île de Montréal, permettra à près de 3000 personnes souffrant d'un handicap visuel grave d'éviter de se rendre à Longueuil ou à Laval pour leur examen annuel; de plus, il bénéficiera de l'expertise des professeurs de l'École.

"C'est une alliance naturelle qui nous réjouit", commente le directeur de l'École, Pierre Simonet, qui a été le premier professeur d'optométrie de l'Université de Montréal à donner des soins à des usagers de l'Institut dans les années 1970.

Cette alliance, explique-t-il, a de quoi enchanter les deux parties, car la présence de cette nouvelle clientèle permettra à l'École d'entamer plusieurs nouveaux projets de recherche en optométrie. L'entente prévoit en outre une compensation financière qui permettra l'embauchage, à demi-temps, de deux jeunes professeures qui ont acquis une expertise dans le domaine, Judith Renaud et Caroline Faucher. "Dans un contexte de compressions, c'est une bonne nouvelle", signale le directeur.

Les 13 spécialistes de l'Institut qui ont désormais un bureau au deuxième étage du Pavillon 3744 Jean-Brillant continueront leurs visites à domicile, ce qui constitue l'essentiel de leur travail, mais ils pourront également faire des consultations sur place.

En ce qui concerne la formation de la relève, la collaboration entre les deux établissements est saluée par les spécialistes. Julie-Anne Couturier, chef de programme à l'Institut Nazareth et Louis-Braille, qui sera bientôt la première professeure associée à l'École, explique que l'Université de Montréal vient combler une lacune dans le domaine de la réadaptation visuelle. "Avant 1989, il fallait se rendre aux États-Unis pour se spécialiser. En 1989, l'Université de Sherbrooke a mis sur pied un programme, mais elle y a mis un terme en 1992. Désormais, les étudiants pourront suivre une formation à l'Université de Montréal."

Un immeuble adapté

Avant de concrétiser ce projet, plusieurs éléments ont dû être pris en considération. Pour répondre aux besoins des handicapés visuels, le Pavillon 3744 Jean-Brillant a subi des modifications coordonnées par la Direction des immeubles. Le Pavillon possède désormais des ascenseurs parlants munis de tableaux indicateurs en braille. Les toilettes, à l'étage, sont également plus éclairées de façon à convenir aux usagers qui ont une faible vision. Même les feux de circulation à l'angle du chemin de la Côte-des-Neiges et de la rue Jean-Brillant posséderont sous peu un signal sonore.

De l'avis général, bien des progrès ont été accomplis, mais la signalisation de l'Université de Montréal comporte encore des lacunes. Par exemple, sur les panneaux, la norme veut que l'information soit en noir sur fond gris, un contraste presque imperceptible pour un handicapé visuel...

"Pour nous, l'ouverture de ce point de service représente un meilleur accès pour les usagers, explique Gabriel Collard, directeur général de l'Institut Nazareth et Louis-Braille. Notre siège social demeure à Longueuil et nous continuerons d'y offrir des services. Mais comme 48% de la population souffrant de déficience visuelle habite Montréal, il était devenu nécessaire de nous rapprocher d'elle."

L'Institut Nazareth a été fondé en 1861 et logeait rue Sainte-Catherine. L'Institut Louis-Braille, du nom de l'inventeur de l'alphabet tactile, s'est installé quant à lui à Longueuil en 1950. C'est à l'occasion de la fusion des deux établissements, en 1975, que les handicapés visuels ont cessé d'avoir un accès à l'Institut sur l'île. Outre les services généraux de soutien, l'Institut a pour fonction de distribuer les "aides mécaniques, électriques et optiques" (AMEO) aux usagers. Parmi ces outils qui permettent de lire et d'écrire, on trouve des lunettes munies d'objectifs et des rétroprojecteurs. Ces appareils sont offerts gratuitement par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Mais encore faut-il apprendre à s'en servir. C'est à cette tâche que se consacre l'Institut et maintenant l'École d'optométrie.

Une inauguration et un symposium

Désormais, quelques optométristes seront donc formés chaque année pour devenir des spécialistes de la basse vision. Mais tous les étudiants de premier cycle suivront des stages d'une durée de deux semaines dans la nouvelle clinique. Leur formation n'en sera que plus complète.

Dès l'inauguration des locaux, qui aura lieu le 3 février, la complémentarité clinique-recherche se fera sentir, car après les discours officiels et le vin d'honneur quatre spécialistes participeront à un symposium sur l'incapacité visuelle et la réadaptation.

Il s'agit de François Vital-Durand, directeur de recherche à l'INSERM, qui prononcera une conférence intitulée "Développement et vieillissement de la fonction visuelle"; Jacques Gresset, professeur à l'École d'optométrie ("L'incapacité visuelle au troisième âge: causes, prévalence et utilisation des services de réadaptation"); Jocelyn Faubert, de l'École d'optométrie ("Vision spatiotemporelle: effets fonctionnels du vieillissement et du handicap visuel"); et Maurice Ptito, professeur de psychologie et d'optométrie à l'Université de Montréal ("Substitution corticale de la fonction visuelle: perspectives face au handicap visuel").

Fait original, les invitations officielles ont été faites en braille, heureusement traduites en français pour ceux qui ne sont pas bilingues. Mais tous sont les bienvenus.

Mathieu-Robert Sauvé