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Les adolescentes et les bandes de jeunes

Dans un groupe structuré, elles ont moins tendance à exprimer leur délinquance.

Nadine Lanctôt

Pour une jeune adolescente au profil antisocial, le fait d'appartenir à une bande structurée pourrait atténuer son potentiel de délinquance.

C'est la conclusion paradoxale à laquelle parvient Nadine Lanctôt, étudiante au doctorat à l'École de psychoéducation, au terme d'une étude de comportement effectuée auprès de 150 adolescentes de 15 ans ayant fait l'objet d'une ordonnance de la Chambre de la jeunesse de Montréal.

Les jeunes contrevenantes qui font partie de bandes mixtes présentent d'une part un profil beaucoup plus sombre que celles qui n'en font pas partie, a observé l'étudiante; elles sont moins réceptives aux contraintes sociales, investissent moins dans les études, reçoivent moins de supervision parentale, consomment plus de drogues et transgressent plus facilement les règles. Elles présentent donc des difficultés d'adaptation sociale accrues.

L'agression physique, soit la participation à des batailles et l'utilisation d'une arme, s'avère d'ailleurs l'indicateur le plus sûr pour distinguer les jeunes filles faisant partie ou non d'une bande. L'étude a même démontré que plus la bande est structurée, plus la dysfonctionnalité personnelle des filles et leurs problèmes de personnalité sont importants.

Le fait d'appartenir à une bande est donc un indice de mésadaptation sociale et de "potentiel de passage à l'acte" délinquant chez la fille, soutient Nadine Lanctôt. "Ceci indique que le fait d'être ou non dans une bande montre que la jeune fille a déjà des difficultés d'adaptation, déclare-t-elle. Les études antérieures soutenaient que les filles adhéraient aux bandes surtout pour être comprises et aimées afin de surmonter un manque d'estime personnelle. Mais le phénomène de la bande chez les filles répond à un processus de sélection au même titre que chez les garçons."

Un autre trait qui ressort de cette recherche est la tendance à l'autisme chez ces jeunes filles, qui les porte à "déformer la réalité selon leurs besoins et à s'inventer un pouvoir d'efficacité".

 

Rôle d'auxiliaires

Fait étonnant, la recherche de l'étudiante montre également que la disposition à la délinquance chez les jeunes filles de bandes s'exprime moins lorsque la bande est très structurée (avec un chef, un nom et des rites d'initiation) que lorsqu'il s'agit d'une "quasi-bande" ou d'un réseau de connaissances.

Seules l'agression physique et la rébellion contre la famille se retrouvent plus fréquemment chez les membres de bandes structurées. Par rapport à un "corridor de normalité", les autres méfaits tels le vandalisme, le vol, la promiscuité sexuelle et la consommation de drogues sont plus fréquemment commis par les filles membres de groupes peu organisés.

"L'organisation de la bande semble avoir pour effet de confiner les filles à des rôles d'auxiliaires, de soutien aux gestes faits par les garçons - comme le transport d'armes et la participation aux confrontations entre bandes rivales - plutôt que de leur permettre d'actualiser leur potentiel antisocial par des actes graves, souligne Nadine Lanctôt. La dynamique de la bande ne leur permet pas de décharger leurs tensions et leurs frustrations et atténue donc leur potentiel antisocial."

Cet aspect est particulier aux filles et s'avère totalement différent de ce qui s'observe chez les garçons, pour qui le développement structuré de la bande influe à la hausse sur les gestes délinquants.

L'effet quasi inhibiteur de la bande sur les gestes délinquants des filles avait déjà été observé dans d'autres études menées sur la question. L'élément nouveau du travail de Mme Lanctôt est la reconnaissance claire du réel potentiel délinquant de ces filles.

Par ailleurs, ces constatations ne signifient pas que la délinquance occupe peu de place dans le comportement des filles membres de bandes structurées. Nadine Lanctôt est plutôt d'avis que la dysfonctionnalité de ces filles se manifeste en dehors du contexte de la bande. C'est du moins une piste qui, a ses yeux, mériterait d'être approfondie.

Les résultats de cette recherche ont été publiés dans le numéro de printemps 1997 de la revue Criminologie avec la cosignature du professeur Marc Le Blanc, directeur de thèse.

Daniel Baril


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