Dons testamentaires: déjà 2M$ pour 1997-1998 |
Les mentalités évoluent, estime Bernard Goyette. |
Au tableau, Bernard Goyette, entouré des agents de développement Jocelyne Gonthier (à gauche), Chantal Thomas, Luc Bernier et Stéphane Bordeleau (à droite.) |
Des personnes décédées récemment ont légué par testament à l'Université de Montréal un total de près de deux millions de dollars au cours de l'année 1997-1998. C'est un montant très important compte tenu de la moyenne annuelle de quelque 100,000$. Plus de la moitié de cette somme, soit 1,2 million, vient d'une seule donatrice, Annette Valois, et c'est le Département d'ophtalmologie qui en profitera.
"Il y a une évolution très sensible de l'opinion des gens à l'égard des dons par voie testamentaire, signale Bernard Goyette, directeur de la division des dons majeurs et des dons planifiés au Fonds de développement. Il y a six ans que nous essayons de favoriser cette forme de philanthropie, et je crois que nous commençons à récolter les premiers fruits de nos efforts."
Outre le legs de Mme Valois, Aubrey Vincent Senez et George Cédric Ferguson ont légué à l'Université des sommes substantielles (respectivement 400,000$ et 281,000$). Bien qu'il n'ait pas étudié ici, M. Ferguson a choisi d'encourager des étudiants en chant de la Faculté de musique. Cet amateur d'opéra laisse ainsi son nom à des bourses qui lui survivront.
Bien sûr, tous ne sont pas prêts à léguer à leur alma mater une partie de leur héritage, mais ce geste, très courant chez les Anglo-Saxons, commence à être plus populaire qu'autrefois auprès des francophones. "Il y a six ans, quand je suis arrivé au Fonds de développement, tout était à faire dans ce domaine, explique M. Goyette. De temps à autre, l'Université recevait un chèque provenant de telle ou telle succession, et c'était tout. On m'a donné un téléphone et un classeur et l'on m'a souhaité bonne chance!"
S'inspirant des campagnes menées dans les grands établissements universitaires américains et canadiens, M. Goyette a réussi en quelques années à créer une banque de données de 2000 noms. Il s'agit de personnes susceptibles de faire un don "majeur" (plus de 25 000$) ou testamentaire au Fonds de développement. Ce réseau a été établi principalement grâce à la publication Patrimoine, envoyée à tous les diplômés de plus de 45 ans. Les lecteurs sont invités à retourner un carton sur lequel ils peuvent faire part de leurs intentions.
Mais dans un monde où la sollicitation est de plus en plus omniprésente et persistante, qui donne? "Le donateur type a trois qualités, note M. Goyette: il a de l'argent, il est sensible à la 'cause' et il manifeste des qualités philanthropiques. Si l'une de ces caractéristiques fait défaut, cela peut compromettre l'ensemble. J'ai déjà dit à quelqu'un que le montant qu'il voulait donner était trop élevé pour ses moyens. De même, une personne qui a beaucoup d'argent et qui est sensible à la cause mais qui n'a jamais participé à une campagne de financement pourrait refuser de faire un don à l'Université. Nous devons donc toujours être à l'écoute du public. Il nous faut être discrets et patients."
À l'Université McGill, où la sollicitation pour les dons testamentaires existe depuis près de 20 ans, ce sont de cinq à sept millions de dollars que le fonds de dotation récolte annuellement. Les intérêts sur le capital de quelque 550 millions permettent notamment d'offrir des bourses aux meilleurs candidats pour les inciter à s'inscrire dans cette université. Par comparaison, ce fonds ne dépasse pas 36 millions à l'Université de Montréal, et c'est l'un des plus élevés parmi les universités francophones...
Diplômé en éducation physique et en gestion, Bernard Goyette travaille à l'Université de Montréal depuis 24 ans. Après avoir été directeur du Service des sports pendant plusieurs années, il s'est joint à l'équipe du Fonds de développement en 1991. "En un sens, je vends l'Université, dit-il. Plusieurs personnes me disent: 'Pourquoi léguerais-je mes biens à l'Université de Montréal? Donnez-moi trois bonnes raisons de le faire.' Il vaut mieux que je sache quoi répondre."
Selon lui, la formation de la relève est un argument de poids. Tous ceux qui lisent les journaux savent que les difficultés financières que connaissent les universités sont subies, en partie, par les étudiants. La création de bourses peut les aider à surmonter cet obstacle. Deuxième argument: la performance des chercheurs et professeurs de l'Université est reconnue à plusieurs titres. Enfin, l'aspect patrimonial du geste. Léguer une partie de ses biens à l'Université, c'est participer à la vie collective et à l'histoire.
Avec quatre agents de développement couvrant huit facultés - Chantal Thomas (Médecine et Musique), Jocelyne Gonthier (Pharmacie et Médecine vétérinaire), Luc Bernier (Arts et sciences et Aménagement) et Stéphane Bordeleau (Droit et Médecine dentaire) -, Bernard Goyette tâche de conseiller convenablement les donateurs éventuels. Les services que cette équipe peut offrir touchent également à la fiscalité et à la comptabilité.
"Dans le cas d'une personne qui nous signifie son intention de donner, disons, 100,000$ à sa mort, nous pouvons lui conseiller de verser maintenant le quart de cette somme pour qu'elle bénéficie d'une série d'avantages fiscaux immédiats. L'Université et le donateur en sortiront gagnants. Cela s'appelle un don planifié."
Le "don en nature" est un autre exemple de contribution. Les biens cédés à l'Université (collections de livres, oeuvres d'art, immeubles, actions, matériel, etc.) retrouvent une nouvelle vie tout en permettant d'éviter les conflits familiaux qui résultent parfois du partage posthume. D'autres méthodes (rentes en charité, dons d'assurance-vie) sont aussi possibles.
Mathieu-Robert Sauvé