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Le CEPSUM transformé en refuge

En deux heures, des bénévoles mettent sur pied un centre d'hébergement d'urgence.

Deux sinistrées du verglas réfugiées au CEPSUM.

Quand l'appartement de Rickie Roy, qui vit avec sa femme Josée et leurs deux enfants dans le quartier de la Petite-Bourgogne, est tombé dans le noir le vendredi 9 janvier, plus aucun centre d'hébergement autour de chez eux ne pouvait les recevoir, faute de places disponibles. On les a dirigés vers le centre d'urgence de l'Université de Montréal.

"On a été bien accueillis, raconte Josée. Trois repas par jour, de l'espace pour les enfants, des douches. Rickie a même joué au basket-ball. Franchement, un trois étoiles."

À cause de la panne d'électricité, la petite famille a passé quatre jours et quatre nuits dans la salle omnisports du Centre d'éducation physique et des sports de l'Université de Montréal (CEPSUM). Le centre d'hébergement a été mis sur pied en catastrophe le jeudi 8 janvier quand une poignée de cadres administratifs ont constaté l'ampleur de la tempête de verglas.

"À 9 h du matin, quelques personnes avaient déjà communiqué entre elles. À 14 h 30, la décision officielle était prise. Deux heures plus tard, nous recevions des lits de la Croix-Rouge et les premiers sinistrés", raconte Raymond Carbonneau, directeur de la Direction des communications, l'un des membres de l'équipe de gestion de crise qui s'est mise en place.

Le choix du CEPSUM s'imposait: ce vaste immeuble était facilement accessible et situé au milieu d'une zone fortement touchée. De plus, une salle à manger spacieuse, le Resto-Pub du Pavillon J.A.-DeSève, est située à cinq minutes de marche. Enfin, le CEPSUM est pourvu d'une génératrice qui pouvait assurer son autonomie. Le besoin ne s'est toutefois pas manifesté.

Jeudi, 17 h. Quelques heures après l'ouverture du centre d'hébergement, une centaine de bénévoles recevaient les premières directives d'usage.

L'équipe de crise a vite fait face à un problème: les 1250 étudiants en droit venus de toutes les facultés du Canada dans le cadre des Law Games pouvaient-ils poursuivre normalement leurs compétitions sportives alors que des centaines de sinistrés étaient dans la pièce voisine et que le mot d'ordre était de réduire la consommation d'énergie? Après discussion, les responsables ont choisi de permettre la tenue des principaux tournois sans entraver la bonne marche du centre.

Autre problème, survenu au moment de la panne d'eau de l'aqueduc de Montréal: les toilettes ne fonctionnaient pas. Voilà qui n'est pas négligeable quand 160 personnes résident dans un même endroit. "Quelqu'un a eu l'idée, explique le responsable de la sécurité, Marcel Descart, d'utiliser la piscine. Pour actionner la chasse d'eau, les gens puisaient donc un seau d'eau dans un réservoir rempli dans la piscine, à l'entrée de chaque salle de toilettes."

Jean Porret, directeur du Service d'action humanitaire et communautaire (au centre), a été chargé de coordonner le travail des bénévoles faciles à reconnaître avec leur t-shirt rouge du CEPSUM.

 

Une équipe de bénévoles bien rodée

Appelé à la rescousse pour regrouper des bénévoles, Jean Porret, directeur du Service d'action humanitaire et communautaire, a réuni les membres de l'équipe bien rodée qui avait participé, quelques semaines plus tôt, à la campagne des paniers de Noël. À cette équipe se sont ajoutés plusieurs volontaires du Service des sports.

"Nous avons senti très vite la solidarité de tous, signale Alain Vienneau, le coordonnateur de cette équipe. Les membres de la communauté voulaient faire quelque chose. D'ailleurs, à un certain moment, notre problème était que nous avions trop de bénévoles."

La première journée, seuls les "membres de la communauté universitaire et leur famille" étaient invités au centre d'hébergement. Manifestement, ces gens avaient trouvé d'autres solutions pour se reloger. L'invitation a été étendue à l'ensemble de la population. Résultat: quelque 180 personnes ont dormi au centre d'hébergement le vendredi soir. Le samedi a été presque deux fois plus occupé puisque les Services alimentaires ont servi 340 repas. Par la suite, le nombre de sinistrés réfugiés au centre a suivi la courbe descendante de l'ensemble de l'île. Le centre a fermé officiellement ses portes le mardi 13 janvier, à 18 h.

Le travail des bénévoles a demandé beaucoup d'empathie et de disponibilité. Ici, Raymond Carbonneau explique le déroulement de la journée.

 

Des gestes généreux

Un journaliste de Radio-Canada a qualifié le centre de l'Université de l'un des mieux organisés de la région de Montréal. Cela a comblé de fierté les organisateurs, qui en ont attribué le mérite aux 150 bénévoles, des étudiants pour la grande majorité et plusieurs employés.

Chaque jour, l'équipe de crise tenait deux réunions pour suivre l'évolution de la situation. Quand elle a été informée que plusieurs bénéficiaires âgés manquaient de médicaments, quelqu'un a téléphoné à un "contact" aux pharmacies Jean-Coutu. Peu après, un bénévole s'approvisionnait gratuitement à l'une des succursales.

"Des gens nous ont offert de la nourriture, signale Jean Porret. Quelqu'un nous a même proposé le contenu de son congélateur. Il nous a dit de tout prendre! Les rôtisseries Saint-Hubert nous ont donné 150 poulets."

 
Les bénévoles ont aussi travaillé à la cafétéria, qui a servi 1000 repas chauds en 5 jours.

Une mention spéciale va au chef cuisinier de la cafétéria des Sciences sociales, Alain Parent, qui a fait "de la magie" durant ces cinq jours, où il aura servi plus de 1000 repas. Pas facile, en effet, de se préparer à servir un nombre variable de repas (de 50 à 340) à quelques heures d'avis et d'offrir deux choix de menu. "Je l'appelais pour lui dire: 'À midi, nous serons 150', relate Réjean Duval, directeur des Services auxiliaires. Puis, si le nombre changeait en cours de route, je le rappelais pour qu'il se rajuste. Lorsque je l'ai présenté à l'équipe, il a été ovationné."

Au plus fort de l'activité au cehtre d'hébergement, 300 personnes avaient trouvé refuge au CEPSUM.

M. Parent, qui habite la Rive-Sud, a même couché à l'Université. Il savait que, s'il traversait un pont, il n'aurait peut-être pas pu revenir. Plusieurs membres actifs de l'équipe d'urgence ont aussi dû coucher sur place. Mentionnons Russell Adams, Lise Fecteau et Réjean Duval. Le doyen de la Faculté de médecine, Patrick Vinay, venu faire son tour, est reparti avec deux personnes mal en point pour les héberger chez lui. Puis, il est revenu parcourir les lits, stéthoscope au cou, pour assurer le service médical parmi les sinistrés.

À la question "qui va payer?", les organisateurs répondent simplement: "Nous nous poserons la question après."

M. Carbonneau explique tout de même que le centre du CEPSUM faisant partie du réseau officiel de Montréal, il aura droit comme les autres à une compensation gouvernementale. Quand? Combien? Qui vivra verra.

Mathieu-Robert Sauvé


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