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L'intégration dans une société divisée

L'exemple de l'Irlande du Nord et de son école publique.

Valerie Morgan

L'Irlande du Nord n'est pas le Québec. Toute proportion gardée, il s'agit toutefois de deux sociétés présentant certaines similitudes sur le plan du pluralisme culturel et religieux et qui, de ce fait, font face à des problèmes similaires.

Pour Valerie Morgan, professeure au sein du groupe Initiatives sur la résolution de conflits et l'ethnicité à l'Université d'Ulster, il est important de maintenir des échanges entre les chercheurs et les décideurs des "sociétés divisées" afin d'élargir ses horizons et d'éviter de reproduire les mêmes erreurs.

Mme Morgan était au nombre des conférenciers invités au congrès de la Société canadienne d'études ethniques, tenu du 20 au 23 novembre sous les auspices du Centre d'études ethniques de l'U de M et portant sur les problématiques d'intégration et de citoyenneté dans les sociétés pluralistes.

À la lumière de son exposé, le dicton "se comparer, c'est se consoler" prend toute sa signification. Le conflit irlandais, qui dure depuis 800 ans, est en fait une série de conflits aux dimensions économiques, religieuses, culturelles, ethniques et constitutionnelles. Au cours des 50 dernières années, il a fait 3000 morts et 6000 blessés dans une population de 1,5 million d'habitants.

Le pouvoir britannique a toujours eu tendance à vouloir résoudre ce conflit aux multiples aspects et à régler les problèmes d'intégra-tion par la solution unique de nouvelles structures gouvernementales. "C'était naïf, affirme Valerie Morgan. Tout ce qui a été proposé dans ce sens a échoué parce qu'il y avait deux pouvoirs sur la même scène politique. Même les discussions sont devenues impossibles parce qu'il n'y avait plus de confiance ni de respect entre les représentants." Ça nous rappelle quelque chose...

 

L'école commune

Là comme ailleurs, le pouvoir politique s'est montré à la remorque des initiatives communautaires fondées sur le concept de la société civile pour briser les barrières des divisions sociales. C'est du moins ce qui se produit dans le domaine de l'éducation, "un secteur qui illustre la complexité de l'intégration selon le modèle civil", a fait valoir la conférencière.

L'exemple de l'école ne pouvait être plus actuel pour le Québec. Comme ici, l'école d'Irlande du Nord comporte de nombreuses divisions: elle est séparée à la fois selon la religion, le sexe, le rendement scolaire et la classe sociale. Valerie Morgan n'a étonné personne en soulignant que "les recherches ont montré un faible taux de contact entre les jeunes des différentes communautés et une mauvaise connaissance les uns des autres".

Au début des années 1980, sous la pression de citoyens qui croyaient que l'école a un rôle à jouer dans la résolution de conflits sociaux, le gouvernement a instauré un programme d'éducation au multiculturalisme. "Mais le gouvernement n'a pas fourni le soutien nécessaire et n'a pas assuré la formation des enseignants", a déploré Mme Morgan.

Dans les mêmes années, des groupes de parents commençaient à proposer des écoles communes pour catholiques et protestants. Comme il s'est avéré impossible d'arriver à un tel regroupement à partir des écoles déjà existantes, les parents favorables à cette idée ont dû créer leurs propres écoles à partir du financement privé.

La réussite de l'initiative a par la suite incité le gouvernement à investir dans cette voie. Un quart du budget de l'éducation est mainte-nant consacré à l'ouverture d'écoles communes. On en compte présentement 37, qui accueillent quelque 10,000 élèves, soit 3% de la clientèle scolaire. Sur ce point, l'Ulster est en avance sur notre réforme puisqu'ici catholiques et protestants continueront de fréquenter des écoles séparées.

Mais la mise en place de ces écoles intégrées a suscité une opposition et la volonté politique semble s'estomper. Cette année, trois nouvelles écoles communes ont été ouvertes, mais sans financement public.

"La question de l'intégration est une question qui divise, en conclut la professeure Morgan. Il est possible d'agir à l'échelle communautaire, ce qui est beaucoup plus difficile sur le plan des mesures formelles. La progression n'est pas linéaire. La réalité, c'est que l'on construit des ponts qui parfois peuvent réanimer des tensions. Ces avancées et ces reculs ne doivent pas nous faire perdre de vue qu'il y a toujours des accommodements possibles."

À défaut de progrès, "nous avons la consolation qu'il y aura toujours du travail pour les chercheurs qui se penchent sur ces problèmes...", a-t-elle ajouté.

Le quatorzième congrès de la Société canadienne d'études ethniques, dont la présidente est Marie McAndrew, a attiré quelque 400 chercheurs de tous les coins du Canada. Plus de 200 communications ont été présentées de même que 13 films traitant de relations interethniques.

Daniel Baril


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