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La chirurgie esthétique est au programme

Pas de dérapage en vue comme c'est le cas au États-Unis.

Le Dr Charles-Hilaire Rivard traite les cas de scoliose et les tumeurs chez les enfants. On le voit ici en train d'étudier la radiographie d'un patient qu'il allait opérer.

Chaque année, des médecins québécois procèdent à quelque 20 000 interventions chirurgicales dans le but d'améliorer la beauté des femmes et, de plus en plus, celle des hommes, qui comptent pour 20% de la clientèle. La chirurgie esthétique est un domaine en pleine croissance: liposuccion, remodelage facial, augmentation du volume des seins et autres dermabrasions sont devenus une industrie prospère. Risque-t-on le dérapage comme aux États-Unis, où l'on va chercher les "patientes" en limousine avant de leur envoyer une facture salée?

"Les programmes d'études des 16 universités canadiennes qui comptent une faculté de médecine offrent aux étudiants une formation en chirurgie plastique qui inclut un volet esthétique, explique le Dr Charles-Hilaire Rivard, directeur du Département de chirurgie. Il en a toujours été ainsi. Mais au Québec, les spécialistes n'ont pas développé la chirurgie esthétique en 'business' comme aux États-Unis. Il y a des choses qui ne passeraient pas, pour des raisons morales."

Non remboursée par l'assurance-maladie, la chirurgie esthétique est une branche de la chirurgie plastique qui, elle, est assurée par l'État. Au Centre des grands brûlés du Centre hospitalier de l'Université de Montréal, une centaine de patients reçoivent chaque année des soins très spécialisés. Souvent entre la vie et la mort, ces patients subissent de 10 à 15 chirurgies majeures, dont des greffes de peau et des interventions visant à remodeler les cicatrices.

Évidemment, les besoins des grands brûlés qui doivent leur survie à la chirurgie plastique sont différents de ceux des personnes désireuses d'avoir un nez plus élégant ou un tour de taille un peu moins volumineux. Mais le spécialiste qui opère les uns comme les autres doit avoir reçu la même formation de base.

 

Rajeunissement à vendre

Chirurgien esthétique professionnel, le Dr André Camirand annonce sur Internet (http://pages. infinit.net/acamiran/) les divers services offerts à sa clinique. "Le spécialiste en chirurgie esthétique doit posséder un sens de l'harmonie des formes, de la beauté et une précision du geste, peut-on lire. Sans toutefois être miraculeuse, la chirugie esthétique peut corriger une insuffisance ou un excès congénital ou atténuer les ravages du temps."

Par "insuffisance ou excès congénital", on suggère que la graisse excédentaire peut être enlevée ou le volume des seins corrigé par le chirurgien. La réduction comme l'augmentation mammaires sont parmi les interventions les plus fréquentes. Mais on offre aussi parmi la gamme de services l'addition de prothèses mentonnières et malaires, la lipectomie abdominale, la chirurgie visant à recoller les oreilles, etc.

En cliquant sur la rubrique Chirurgie des seins, l'internaute peut voir des photos de type "avant/après". Même principe en ce qui concerne la chirurgie du visage. À noter, le mot anglais facelift est ici traduit par "rajeunissement facial". Le client peut demander un "rajeunissement complet" ou s'en tenir à un rajeunissement partiel...

 

Indications médicales et psychologiques

Selon l'Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique, moins de 10% des plasticiens ne vivent que de chirurgie esthétique, une proportion de six à sept fois inférieure à celle de leurs collègues américains. Mais la demande, influencée par la publicité, serait à la hausse. D'ailleurs, la proportion d'hommes qui se présentent dans les cliniques a doublé en une décennie.

"S'il n'y avait pas de demande pour ce type d'interventions, c'est sûr qu'il ne s'en ferait pas, lance le Dr Rivard. Il est vrai que certains médecins deviennent des 'entrepreneurs' en chirurgie esthétique, mais je pense que c'est justifié. Il vaut mieux que ce type d'interventions soit pratiqué par des professionnels que par des charlatans."

Le spécialiste a tout de même une certaine responsabilité quand il évalue la demande de son client. Une femme qui n'aime pas la forme de son nez peut avoir d'excellentes raisons - non médicales - de recourir à la chirurgie. "Je ne vois pas pourquoi on devrait lui refuser cela! Après son intervention, elle sera plus heureuse, rendra son environnement familial et professionnel plus heureux...", ajoute de Dr Rivard

Mais dans certains cas, le médecin refusera la demande de la personne qui se présente à lui, car il jugera que les risques sont trop grands pour le bénéfice souhaité. Ce n'est pas la seule raison. Comme elle paie les interventions de sa poche, la clientèle est plus exigeante et intente plus de poursuites contre le médecin que la population en général.

Par ailleurs, le Dr Rivard prescrit deux ou trois fois par an des réductions mammaires. L'oeil avisé peut percevoir dès l'adolescence que le volume des seins de sa patiente peut amener des problèmes morphologiques permanents, notamment au dos. Il vaut mieux alors prévenir que guérir. La réduction mammaire est alors couverte par l'assurance-maladie.

Selon le Dr Rivard, la chirurgie esthétique est donc un service auquel la population a droit, et il n'y a rien à craindre des dérives de la médecine du désir. Au contraire. À son avis, imposer des restrictions aux chirurgiens esthétiques pourrait ouvrir la porte à ceux qui exploitent la crédulité des gens. "Ce serait comme de revenir au temps où les avortements étaient interdits et étaient effectués en cachette, dans des conditions dangereuses."

Mathieu-Robert Sauvé


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