Le CRI-VIFF des victimes de violence |
Où en sont les recherches sur la violence faite aux femmes huit ans après le massacre de Polytechnique? |
Maryse Rinfret-Raynor |
L'onde de choc produite par cet événement tragique a conduit à la création du Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes, dont l'acronyme, CRI-VIFF, est très explicite.
Créé en 1992 grâce à une subvention du CRSH et de Santé Canada, à la demande de l'Association canadienne des professeurs d'université, ce réseau regroupe une vingtaine de chercheurs des universités de Montréal, Laval et McGill et autant d'intervenants communautaires en lien avec la Fédération des CLSC et l'organisme Relais-femmes.
Si la subvention doit prendre fin ce mois-ci, l'oeuvre du CRI-VIFF ne se termine pas pour autant. "La subvention du réseau a permis le démarrage d'une vingtaine de recherches qui se poursuivent, explique la coordonnatrice du CRI-VIFF, Solange Cantin. Elle a également permis de tenir plusieurs activités de transfert des connaissances - comme des séminaires et des colloques annuels - destinées aux intervenants institutionnels ou communautaires. Modeste au départ, cette subvention a ainsi entraîné dans son sillage des centaines de milliers de dollars en financement de projets de recherche."
Pour la codirectrice du CRI-VIFF, Maryse Rinfret-Raynor, également vice-doyenne à la FAS, "l'ensemble de ces travaux permet de mieux comprendre les différentes composantes des situations de violence vécues par les femmes. Nous connaissons maintenant mieux les facteurs associés à ces situations, comme l'isolement social, la dépendance économique, l'alcoolisme, le stress lié au chômage ou à la maladie. Le transfert de ces connaissances auprès des intervenants du milieu a aussi permis de faire du dépistage et de la prévention."
Professeure à l'École de service social, Mme Rinfret-Raynor a elle-même travaillé, en collaboration avec Solange Cantin et Lise Fortin du même département, à l'élaboration et à l'évaluation d'un protocole de dépistage de la violence conjugale parmi la clientèle du CLSC de Saint-Hubert.
"Un questionnaire a été distribué à toutes les femmes qui ont fréquenté le CLSC afin de repérer les cas possibles de violence. Le dépistage est important parce que la violence conjugale est un sujet tabou et que les victimes ne sont pas portées à demander de l'aide", explique la chercheuse. Le ministère de la Santé et des Services sociaux envisage maintenant d'étendre ce protocole à tous les CLSC du Québec.
Les recherches du CRI-VIFF ont couvert tous les aspects de la violence familiale, dont la violence envers les enfants. Ann Pâquet-Deehy et Chantal Hamel, elles aussi de l'École de service social, ont procédé à l'évaluation de méthodes d'intervention auprès d'enfants et d'adolescents victimes ou témoins de violence familiale.
Dans le même domaine, Andrée Fortin et Mireille Cyr, du Département de psychologie, se sont intéressées aux conséquences, sur les enfants, de la violence conjugale dont ils sont témoins. Les chercheuses veulent également vérifier si les facteurs de protection destinés à ces enfants ont le même effet sur les garçons et sur les filles.
Une autre équipe, composée de Jacques Moreau et Claire Chamberland, de l'École de service social, se penche sur les facteurs prédisposant à la transmission de comportements violents chez les jeunes enfants en cherchant à cerner les variables propices à ces comportements chez les parents et les grands-parents. Les chercheurs étudient aussi les conditions inhibitrices de la maltraitance afin de prévenir les troubles de comportement dès la petite enfance.
Comme il n'y a pas de victimes sans agresseurs, le CRI-VIFF s'est également intéressé au problème des hommes violents. Gilles Rondeau et Normand Brodeur, de l'École de service social, avec Serge Brochu et Guy Lemire, de l'École de criminologie, étudient les facteurs familiaux et sociaux favorisant, chez les conjoints violents, la persévérance à suivre des traitements. Avec Jean Proulx, de cette même école, cette équipe a aussi analysé les solutions de remplacement aux mesures pénales comme mode d'intervention face au problème de la violence sociale.
Une dizaine d'autres recherches ont été prises en charge par des chercheurs et chercheuses des universités Laval et McGill.
Solange Cantin |
Comme le soulignait plus haut Solange Cantin, la subvention du CRSH a fait des petits. Une nouvelle subvention triennale et renouvelable de 150 000$, provenant du fonds FCAR, permettra de maintenir un réseau de recherche portant sur les mêmes objectifs que le CRI-VIFF, circonscrits toutefois à la violence conjugale.
Délaissant l'identification à la victime, l'équipe codirigée par Maryse Rinfret-Raynor s'est donné cette fois une image plus triomphale avec le nom de VICTOIRE, pour Violence conjugale: transformer et orienter par l'intervention et la recherche.
Comme le CRI-VIFF, VICTOIRE travaillera en étroite collaboration avec les intervenants sociaux et visera à la fois la compréhension des comportements violents et l'évaluation des pratiques préventives.
Daniel Baril
Selon une enquête effectuée par Statistique Canada en 1993, la moitié des Canadiennes âgées de 16 ans et plus ont été victimes d'un acte de violence.
Pour les trois quarts de ces femmes, la violence a été causée par des hommes qu'elles connaissaient; pour le quart de celles-ci, la violence provenait du conjoint.
Les femmes agressées par leurs conjoints représentent un sixième de la population féminine du pays.
Pour plus d'une femme sur dix victime de violence conjugale, cette violence a été jusqu'à lui faire craindre pour sa vie.
Les femmes dont le beau-père est violent sont trois fois plus susceptibles d'être agressées par leur conjoint que celles dont le beau-père n'est pas violent.
Les agressions contre la conjointe sont plus fréquentes chez les jeunes gens et chez les couples en union depuis moins de deux ans.
Les enfants ont été témoins des agressions contre leur mère dans 40% des cas de violence conjugale.