Des plans d'urbanisme qui intègrent le paysage

François Tremblay

Quand un Québécois fait bâtir sa maison sur un terrain qu'il vient d'acquérir, le premier geste de l'entrepreneur est généralement de couper tous les arbres. Il coule ensuite les fondations et élève le bâtiment. Après quoi il plante quelques arbustes décoratifs et fait le terrassement. "C'est une question culturelle", explique l'urbaniste François Tremblay, agent de recherche à la chaire Environnement et paysage et étudiant au doctorat. "On gâche souvent le site avant de commencer."

François Tremblay a entrepris la mission d'intégrer la notion de paysage dans les projets de développement. Pour lui, l'aspect esthétique d'un endroit ne devrait jamais être négligé, ni par les constructeurs de maisons ni par les entreprises qui exploitent les ressources naturelles. Au-delà des retombées possibles de cette gestion intégrée, notamment sur le plan de l'écotourisme, ce sont les valeurs qui sont touchées.

"Le paysage est un élément esthétique, explique-t-il. Par le regard que l'on pose sur le paysage, on peut percevoir des valeurs politiques, culturelles et sociales. C'est justement ce qui m'intéresse. À partir d'un projet concret dans une forêt publique, j'essaie de voir comment ces valeurs peuvent être conciliées avec les intérêts des compagnies forestières, des chasseurs, des randonneurs, etc."

La chaire en paysage et environnement

Le titulaire de la chaire, Philippe Poullaouec-Gonidec, a justement participé à un projet d'urbanisme à Verchère. Plutôt que de se baser sur un plan de développement traditionnel, les gens du milieu se sont entendus pour établir leur schéma à partir d'un élément significatif du paysage: des îlots boisés qui cerclent la ville.

Selon François Tremblay, on ne peut pas dire que la situation soit très encourageante à l'échelle du Québec actuellement. Mais ici et là, on voit surgir des projets comme celui de Verchère qui tentent de concilier les valeurs esthétiques et écologiques avec les intérêts économiques des entrepreneurs. Les "forêts habitées" du Québec ou les "forêts modèles" du gouvernement fédéral en sont des exemples. Il s'agit de lieux gérés par les communautés locales et où les amateurs de plein air ont autant voix au chapitre que la chambre de commerce du coin.

Le projet de François Tremblay consiste d'abord à observer ce qui se fait dans cette voie au Québec, puis à jouer un rôle, celui de conciliateur, dans l'un de ces projets. L'étudiant n'a pas encore décidé quel terrain il choisirait pour sa "recherche-action", mais il hésite entre l'Estrie et la Gaspésie. Dans le premier cas, des citoyens veulent faire connaître le mont Gosford (un massif méconnu au sud-est du mont Mégantic) en valorisant le développement écotouristique sans stopper l'exploitation forestière. En Gaspésie, les gens d'un village veulent revaloriser des terres en friche en conciliant un nouveau type d'agriculture et le tourisme.

Une bourse de 25 000$

"Ce n'est pas moi qui signerai le projet, dit François Tremblay. Mon rôle consistera à établir un terrain d'entente entre les intervenants. Je serai quelque part entre les architectes de paysage, les citoyens et les groupes de pression."

Ce projet d'intégration dans le milieu lui a valu une bourse de 25 000$ remise le 14 octobre dernier par le président du mouvement des caisses Desjardins, Claude Béland. Cela permettra à l'étudiant d'aller vivre durant un an dans la région où se déroule le projet qu'il aura choisi.

"Cette bourse me permet de réaliser mon doctorat dans des conditions pratiquement inespérées, dit-il. Ajoutée à la bourse FCAR, elle me permet d'avoir les moyens de mener un projet à long terme en ayant les mains libres. C'est fantastique que Desjardins encourage un projet comme le mien. J'ose croire qu'ils ont jugé que mon travail rejoignait leurs valeurs de coopération."

Mathieu-Robert Sauvé