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Haro sur les programmes de préretraite

Oscar Firbank dénonce la mise au rancart des vieux... trop jeunes.

Oscar Firbank

Le départ massif d'un grand nombre d'employés du secteur public qui ont tiré leur révérence à 60 ans, 55 ans et même plus tôt s'inscrit dans une tendance nord-américaine qui fait fausse route. La société n'a pas besoin de gens qui se retirent tôt mais au contraire de gens qui demeurent plus longtemps actifs.

Voilà du moins l'opinion du sociologue Oscar Firbank, qui étudie depuis plusieurs années les personnes âgées et leurs rapports avec le monde du travail. Il s'inquiète de la mise au rancart de cette population expérimentée, souvent en excellente santé, dont le départ se traduit moins par l'entrée massive des jeunes sur le marché du travail que par l'abolition de milliers de postes. À son avis, il faut au plus vite "renverser le mouvement" et permettre aux gens de travailler plus longtemps, quitte à aménager des horaires plus souples.

"Quand on pense que l'espérance de vie atteint 86 ans pour ce groupe d'âge, la retraite constituera pour plusieurs la plus longue étape de leur vie. Sur le plan économique, on a une vision idyllique de ces retraités. Il y a bien sûr une partie des gens qui s'en tirent avec des revenus confortables, mais ce n'est pas le cas de la majorité."

La majorité? Elle vit dans des conditions souvent très précaires. "En moyenne, le revenu d'un préretraité n'atteint que 45% du salaire moyen d'un salarié, rapporte le chercheur. C'est moins de la moitié. Souvent, ce préretraité devra gruger ses épargnes et arrivera essoufflé à 65 ans, moment où il commencera à toucher des allocations gouvernementales."

Un chiffre qui ne ment pas: le taux de suicide chez les 45-64 ans (26,2 pour 100,000). Il est supérieur au taux des 15 à 24 ans (23,8). Pourtant, à en croire les médias, les jeunes sont les seuls à atteindre le fond du baril...

 

Un bouleversement spectaculaire

"Le taux d'activité des personnes âgées a chuté de façon phénoménale en une décennie, explique le professeur du Département de travail social. Aujourd'hui, trois personnes sur cinq ont cessé leur activité à l'âge 'normal' de la retraite, 65 ans."

Mais les fêtes d'adieu n'ont pas la même connotation pour tout le monde. Des sondages mentionnés dans un texte de M. Firbank (à paraître) rapportent que les travailleurs canadiens seraient prêts à travailler plus longtemps si le contexte le permettait. D'ailleurs, plus de 20% des préretraités reviennent sur le marché du travail à titre de consultants, souvent dans le bureau qu'ils ont quitté quelques mois auparavant.

Selon le chercheur, un bon nombre de retraités qui figurent dans les statistiques sont en réalité des chômeurs de longue durée qui n'ont rien à voir avec l'image de Liberté 55, où les retraités vivent sur le bord de la mer en jouant perpétuellement au golf. En réalité, leur souhait le plus cher aurait été de se trouver du travail; ils en ont cherché mais en vain.

Alors que les premières cohortes de baby-boomers prennent actuellement leur retraite, une autre inquiétude point: l'aggravation des inégalités. D'une part, les employés des secteurs public et parapublic bénéficient de conditions économiques favorables (aux dépens en partie des fonds de retraite des générations suivantes) et, d'autre part, les préretraités du privé ont des revenus moindres qui voisinent parfois avec le seuil de pauvreté.

 

Les solutions

Pour Oscar Firbank, le point de vue dominant chez les employeurs canadiens a été jusqu'à récemment de concevoir la retraite anticipée comme un instrument de gestion du chômage et des mutations industrielles. On commence cependant à comprendre que cela ne peut pas durer. D'où l'idée de "renverser le mouvement".

Mais les solutions sont rares et peut-être même inapplicables à court terme. Les économistes suggèrent d'augmenter l'âge de la retraite jusqu'à 67 ans. On espère ainsi inciter les gens à demeurer plus longtemps sur le marché du travail. Mais comme on l'a vu, plusieurs retraités sont en réalité des chômeurs de longue durée. Retarder l'âge où ils toucheront des allocations n'aura sur eux qu'un effet irritant de plus. En outre, de telles mesures incitatives ont été expérimentées aux États-Unis sans grand succès.

Le partage de l'emploi est une autre solution. Il permettrait de faire entrer des jeunes par une porte sans que les aînés sortent par l'autre. Mais on discute de cette solution depuis 20 ans et les expériences menées jusqu'ici ont été peu concluantes.

Enfin, la retraite partielle séduit. Plutôt que de partir du jour au lendemain, les employés apprivoisent leur nouvelle vie sur une période de cinq ans. Cette approche, fort prisée par les préretraités de l'Université de Montréal au cours des dernières années, présente les avantages du partage des heures de travail sans les inconvénients. Seul défaut: elle coûte cher. "Ça ne fonctionne que si les offres sont assez généreuses, rapporte M. Firbank. Or, actuellement, les programmes de préretraite sont mis sur pied afin de réaliser des économies..."

C'est la quadrature du cercle. À défaut de renverser le mouvement, il restera une solution: changer le monde.

Mathieu-Robert Sauvé


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