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Les «nouveaux M.D.»
entament leur résidence

Des médecins qui ont été formés pour apprendre par eux-mêmes.

Les étudiants passent une journée par semaine en milieu hospitalier dès le début du programme.
Photo: Luc Lauzière, CHUM  

Depuis le mois de juin, 155 jeunes médecins qui ont obtenu leur doctorat de premier cycle (M.D.) ont entamé leur résidence en médecine familiale ou dans une spécialité. Pour le commun des mortels, cette cohorte n'a rien de spécial, mais pour la Faculté de médecine elle représente l'aboutissement d'un long processus de refonte du programme de premier cycle en médecine.

"C'est simple: nous sentions le besoin de tout repenser, dit Claude Morin, vice-doyen aux études de premier cycle. Il fallait adapter le programme d'études à la médecine de l'an 2000."

Selon le responsable, l'un des grands changements entre l'ancien et le nouveau programme préclinique (les deux années qui précèdent les stages en milieu hospitalier) réside dans la façon d'enseigner. "Auparavant, environ 75% des cours étaient magistraux. Un professeur donnait le cours devant une salle remplie d'étudiants qui prenaient des notes. À la fin du programme, l'étudiant était lancé dans la pratique et c'est là qu'il apprenait à se présenter, à communiquer avec les patients, à travailler en équipe..."

Les cours magistraux sont désormais beaucoup moins nombreux. On procède plutôt selon l'apprentissage par problèmes. Un professeur présente à son groupe de huit étudiants de l'information sur un cas vraisemblable, sinon réel, et ils doivent élaborer leur approche, discuter, consulter la documentation disponible, y compris Internet ou les banques de données internationales.

"L'autre "révolution" de la réforme, c'est que l'étudiant passe une journée par semaine en milieu hospitalier dès le début du programme. L'objectif est de permettre au futur médecin d'apprendre son métier comme il se pratique."

Change-t-on une formule gagnante?

Ironie du sort, les diplômés de l'ancien programme de M.D. ont été reconnus comme les meilleurs au pays par le Conseil médical du Canada au cours des trois dernières années.

Les étudiants des 16 facultés de médecine au Canada reçoivent tous le même test d'aptitude à la fin des études médicales. On peut alors évaluer leurs connaissances et leurs aptitudes à résoudre des problèmes cliniques dans six disciplines: pédiatrie, obstétrique-gynécologie, psychiatrie, chirurgie, médecine interne et médecine sociale et préventive.

Tout en se montrant très fier de cette première place et en reconnaissant que les prochains résultats revêtiront un caractère particulier, le vice-doyen souligne qu'il s'agit principalement dans cet examen d'évaluer des connaissances. Or, la médecine, c'est plus qu'avoir la tête bien pleine. "Avant, résume le Dr Morin, on remplissait la tête de l'étudiant; aujourd'hui, on lui apprend à apprendre, de façon à ce qu'il devienne un 'apprenant continuel' en sortant d'ici."

Il est devenu cliché de dire que la médecine a plus évolué depuis 30 ans qu'elle ne l'a fait au cours des derniers siècles. Or, toutes les facultés de médecine sont confrontées à cet éclatement: comment enseigner une matière qui ne cesse de se diversifier? "On rajoutait un cours ici, un autre là. C'était devenu difficile à gérer pour l'étudiant."

Un bon médecin, ce n'est pas seulement celui qui connaît par cur les lois de l'anatomie; c'est une personne qui sait parler aux gens, les écouter et qui se tient au courant des dernières découvertes dans sa discipline, même s'il a quitté l'école depuis longtemps.

Cinq compétences sont souhaitables, selon les auteurs du nouveau programme: la maîtrise de la démarche clinique; l'autonomie dans l'apprentissage; la pratique de l'analyse critique et du raisonnement scientifique; les aptitudes à la communication et au travail en équipe et le développement de la personnalité nécessaire à une vie professionnelle réussie.

Des étudiants de divers horizons

Actuellement, un peu plus de 700 étudiants sont inscrits dans le programme de médecine. Chaque année, selon le contingent permis par le ministère, un peu moins de 150 nouveaux étudiants entament leur scolarité. Cette année, par exemple, 138 Québécois ont eu l'autorisation formelle d'étudier la médecine à l'Université de Montréal.

La procédure de sélection à ce programme hautement contingenté a elle aussi été modifiée à la suite de la réforme. Un premier tri sur l'ensemble des dossiers soumis permet de garder les meilleurs étudiants selon leurs performances scolaires. Mais celles-ci ne compteront que pour 50% de la note finale. Une évaluation aussi importante sera faite de l'attitude générale du candidat, de ses motivations, de sa façon de communiquer, etc.

"Nous retenons de 2,5 à 3 étudiants en moyenne pour chaque poste disponible", explique le vice-doyen. Cela signifie que les professeurs de la Faculté ont reçu en entrevue près de 400 candidats pour en retenir 138. Et pas nécessairement que les cracks. Un bon dossier scolaire est un atout certain, mais d'autres qualités humaines, plus difficiles à évaluer, sont également prises en considération. D'ailleurs, les étudiants en médecine proviennent de différents horizons. Plusieurs ont un baccalauréat en sciences humaines.

Cette volonté d'humaniser la profession fait écho aux critiques formulées au cours des dernières années à l'endroit de la médecine. "Il y avait un effort à faire, reconnaît le Dr Morin. Ce n'est pas du côté des connaissances qu'il y avait des lacunes. On reproche rarement aux médecins de ne pas maîtriser leur matière. Mais on critique le fait qu'ils sont pressés, qu'ils communiquent mal, qu'ils manquent d'empathie, etc."

Autre volet apprécié de la réforme: elle est assez souple pour s'adapter aux nouvelles règles du système de santé québécois, qui connaît d'énormes transformations. "Il aurait été difficile de prévoir l'ampleur du virage ambulatoire, dit le Dr Morin, mais nous savions dès le début que les patients de nos hôpitaux seraient des cas de plus en plus lourds, et que leur séjour en établissement aurait tendance à raccourcir. De plus, une partie des stages se font déjà en milieu de soins ambulatoires."

Bien que la réforme du programme de M.D. soit terminée, elle doit maintenant faire ses preuves et continuer d'évoluer. Le Dr Morin et son équipe ont mis en place un système d'évaluation permettant une amélioration continue du programme. La population sera-t-elle entre de bonnes mains? "Notre but est toujours de former de meilleurs médecins", répond le vice-doyen.

Mathieu-Robert Sauvé


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