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Réchauffement climatique:
la pire menace de l'histoire de l'humanité

Steven Guilbeault, étudiant en sociologie, représente le pays à l'ONU.

Au cours d'une conférence qu'il a donnée au cégep de Shawinigan, dans la circonscription électorale du premier ministre Jean Chrétien, Steven Guilbeault a brandi le fameux livre rouge qui présente le programme du Parti libéral du Canada. «On y promet que les émissions de gaz à effet de serre seront réduites de 20 % au pays. Non seulement elles ne diminuent pas, mais elles augmentent», a-t-il dénoncé.

Pour cet environnementaliste qui a siégé à trois reprises, à Genève et à Berlin, au sein d'une division de l'ONU chargée d'appliquer la Convention sur les changements climatiques, ce fléau pourrait provoquer encore plus de dommages que les bouleversements qui ont mené à la disparition des dinosaures. «C'est, selon l'ONU, la pire menace à avoir pesé sur l'humanité», dit-il.

En 1988, un groupe de travail avait réuni 2000 spécialistes mondiaux pour faire la lumière sur les changements climatiques. Leur rapport, déposé deux ans plus tard, laissait croire à un grave danger provoqué par l'activité humaine. Mais ils faisaient savoir que d'autres études étaient nécessaires. Elles ont été menées et, grâce notamment aux données enregistrées dans le nord canadien, leur second rapport, daté de décembre 1995, est catégorique: il faut agir vite.

«Le climat s'est réchauffé, en moyenne, de 0,3 à 0,6 °C sur le globe depuis le début de l'ère industrielle, vers 1850, explique M. Guilbeault. Cela peut paraître insignifiant, mais c'est très grave, car certaines régions du monde se réchauffent (au Canada notamment, on note une augmentation de 3 à 6 °C, soit 10 fois plus que la moyenne) alors que d'autres se refroidissent, comme l'ont montré les vagues de froid en Europe.»

Des bouleversements records

Tous ces changements provoquent des bouleversements météorologiques non négligeables. Les compagnies d'assurances rapportent que 1996 a été la pire année au chapitre des catastrophes naturelles au Canada. Cela est principalement dû au déluge du Saguenay, mais d'autres ont fait des constats semblables: la multinationale de l'assurance Munich Re signale dans son dernier rapport annuel que le nombre de catastrophes naturelles a augmenté de 400 % chez ses clients.

À cause de ce réchauffement, on peut s'attendre à connaître des pluies abondantes et subites après une période de sécheresse, particulièrement dans les régions côtières. Si tous ont en tête les maisons emportées par les eaux à Chicoutimi en juillet 1996, on oublie que la région de Montréal avait connu l'année précédente l'une des plus grandes sécheresses de son histoire. Pendant ce temps, sur la côte ouest, tornades, ouragans et tempêtes tropicales se succèdent à un train d'enfer.

«Quelque 130 pays ont approuvé le rapport du groupe d'experts mandatés par l'ONU, explique Steven Guilbeault. On ne conteste plus les données scientifiques. Le débat s'est déplacé vers l'économie. On se demande comment effectuer une transition vers le développement durable sans trop ébranler l'économie. Nous travaillons de plus en plus avec des économistes. Certains sont très sensibles à ces questions.»

Un militant vert pur

Étudiant à la maîtrise en sociologie sous la direction de Jean-Guy Vaillancourt (sujet de mémoire: le réchauffement climatique), Steven Guilbeault est un militant écologiste comme il ne s'en fait plus. Actuellement, il est président de la Coalition québécoise sur les changements climatiques, vice-président du Conseil régional de l'environnement (Montréal), membre du Comité aviseur sur les négociations internationales sur les changements climatiques, bénévole au GRIP-Université de Montréal et à Greenpeace et conférencier invité dans plusieurs régions du Québec. Sans parler de ses travaux au sein de la délégation canadienne à l'ONU... Ouf! On peut dire que lui n'économise pas l'énergie.

Tout en sonnant l'alarme, ce cédérom ambulant qui cite des chiffres précis pour appuyer ses arguments refuse de baisser les bras. «Il ne faut pas se leurrer. Des Saguenay, il y en aura d'autres, ici ou ailleurs. Pire: quand on aura cessé toute production de gaz à effet de serre, on en aura pour 100 ans à subir encore des bouleversements. Malgré tout, les améliorations sont possibles, à la portée de tous. Ce sont des gestes tout simples qui font la différence: adhérer à un service de covoiturage, par exemple, ou recycler son aluminium.»

Inutile d'essayer de rejeter la responsabilité sur les pays du tiers-monde. Cette fois, la balle est dans le camp des pays industrialisés, car ce sont eux qui contribuent le plus, et de loin, au réchauffement climatique. Or, quelques initiatives sont encourageantes. L'Inde, qui en avait assez de dépendre du pétrole des autres, est devenue en quelques années le deuxième producteur mondial d'énergie éolienne. Ailleurs, c'est l'énergie solaire qui fait une percée. Il faut suivre ces exemples.

Mathieu-Robert Sauvé


Une journée dans la délégation canadienne

Steven Guilbeault a siégé à trois reprises à la Conférence des parties, une division de l'ONU chargée d'appliquer la Convention sur les changements climatiques. «Je partage, avec deux autres représentants canadiens, le siège réservé aux organismes non gouvernementaux. Nous siégeons donc à tour de rôle. Cela ne nous donne pas le droit de parole, mais nous sommes assis avec la délégation et nous pouvons assister aux briefings et aux rencontres non officielles qui ont lieu en marge de ces rencontres internationales.»

Pour le militant, cela se passe à deux niveaux. Il doit se faire entendre parmi les autres membres de la délégation canadienne, composée des deux présidents (envoyés par Environnement Canada et le ministère des Affaires extérieures et du Commerce international), d'un représentant du ministère des Ressources naturelles et de deux délégués du secteur industriel. Et il doit défendre sa cause à l'échelle internationale. «Il ne faut pas se faire trop d'illusions quand on va à l'ONU, dit-il. Les changements sont très lents, paraissent imperceptibles. Mais ce qu'on adopte dans ces tribunes donne souvent le ton aux pays membres. C'est le concept du "penser globalement, agir localement".»

Les journées commencent à sept heures et s'étirent souvent tard dans la soirée. Les discussions de corridor et les négociations officieuses sont constantes. «J'essaie de faire valoir des arguments environnementalistes et de santé humaine. C'est sûr que j'aurais plus de poids si j'étais président de Shell Canada, mais je crois que notre contribution est utile.»

Au nombre des petites victoires auxquelles il a participé figure la reconnaissance, par 130 pays, du rapport scientifique sur les changements climatiques en décembre 1995.


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