Le multimédia
en éducation semble là pour rester. Mais il faudra
«penser autrement» pour intégrer intelligemment
cet outil dans le milieu particulier qu'est l'éducation:
«voir l'école autrement, réfléchir
à la pédagogie autrement, appréhender l'apprenant
autrement, se distancier du cognitif pur pour accorder une place
appropriée à l'affectif, considérer le plaisir
comme élément intégrant de l'éducation».
C'est la conclusion que tire Claire Meunier des 13 entrevues qu'elle
a menées avec autant de spécialistes du multimédia,
soit trois Européens, deux Américains et huit Québécois.
Elle vient de publier le contenu de ces entretiens dans un récent
volume, Points de vue sur le multimédia interactif en éducation.
Claire Meunier est professeure en technologie éducative
à la Faculté des sciences de l'éducation
et fondatrice du Groupe de recherche sur l'apprentissage et l'évaluation
multimédias interactifs (GRAEMI).
Ses interlocuteurs abordent sept thèmes liés au
multimédia, soit l'apprentissage, l'analyse, la pédagogie,
l'évaluation, l'interactivité, l'expressivité
et le design.
Trois professeurs de la Faculté des sciences de l'éducation
sont du nombre. Clément Dasa et Michel Laurier abordent
les questions d'évaluation; plus précisément,
le premier traite du dialogue comme élément d'interaction
et le second de la «modélisation de l'apprenant».
Max Giardina, directeur du GRAEMI, traite pour sa part d'interactivité
et de la représentation des connaissances.
L'avenir du multimédia
Dans ses entretiens, Claire Meunier a posé une question
identique à tous: quel est l'avenir du multimédia
interactif? «Tous voient un avenir prometteur pour le multimédia,
même ceux qui affichent un certain scepticisme», observe-t-elle.
On y voit un accès facilité et élargi à
l'information, une avancée technique vers la «multisensorialité»,
une démocratisation ou même une révolution
de l'apprentissage. Gilbert Paquette, directeur du Laboratoire
en informatique cognitive et environnements de formation de la
Télé-université, est sans doute le plus enthousiaste.
Dans la préface du volume, il voit le multimédia
comme «un réseau sémantique qui reflète
la structure d'un domaine de connaissance». Le multimédia
permettrait en outre des «projets collaboratifs»,
une interaction avec les connaissances, et formerait un ensemble
significatif sons et images assistant «l'apprenant dans
la construction de ses connaissances».
Jacques Rhéaume, de l'Université Laval, entrevoit
pour sa part la disparition du terme «multimédia
interactif» au profit de «genres», à
l'image des différents genres littéraires. Le terme
«interactivité» commence d'ailleurs à
être vidé de son sens, reconnaît Claire Meunier.
Michel Laurier espère que le multimédia nous livrera
une connaissance plus approfondie des mécanismes d'apprentissage,
connaissance qui pourra être réinvestie dans de nouvelles
méthodes d'apprentissage. Nicole Poissant, de l'UQAM, craint
que l'école ne puisse pas suivre l'évolution technologique.
Imaginez une école qui n'aurait pas suivi la révolution
Gutenberg, donne-t-elle comme comparaison.
Geneviève Jacquinot, de l'Université de Paris VIII,
considère que le multimédia modifie tellement les
conditions d'apprentissage «qu'il nous faudrait un Piaget
du 21e siècle qui observe et expérimente avec des
enfants de ce monde» qui est le nôtre.
Dans la transcription de ses entrevues, Claire Meunier a choisi
de respecter «l'oralité» de l'entretien, ce
qui rend parfois plus difficile la compréhension de l'analyse
ou des propos de ses interlocuteurs. On aurait souhaité
également une conclusion plus commentée sur les
perspectives d'avenir ouvertes par les témoignages présentés.
Daniel Baril
Claire Meunier, Points
de vue sur le multimédia interactif en éducation,
Montréal-Toronto, Chenelière/McGraw-Hill, 1997,
290 pages.
Les travaux du Groupe
de recherche sur l'apprentissage et l'évaluation multimédias
interactifs ont donné lieu, l'année dernière,
à la production d'un cédérom destiné
aux élèves du primaire et portant sur l'exploration
de l'art visuel.
«Le but est de former un "regardeur" compétent»,
souligne Claire Meunier, qui a eu l'idée de ce cédérom.
À partir d'illustrations d'une ville imaginaire ou réelle,
Explor'Art donne au jeune la possibilité de se promener
dans cette ville, d'observer les murales et même d'entrer
dans différents endroits où il peut s'initier au
monde des arts: musées, ateliers d'artistes, galeries,
antiquaires. Une carte du réseau du métro de la
CUM lui indique de plus les stations où il peut entrer
observer les oeuvres d'art qui s'y trouvent.
À chacun de ces endroits, une foule d'information écrite
ou auditive sur la démarche de l'artiste, les matériaux
et la technique utilisés est offerte avec divers degrés
d'approfondissement.
Le jeune peut également développer ses habiletés
artistiques en créant ses propres oeuvres à l'aide
d'outils électroniques reproduisant l'effet du crayon,
du pinceau, de la peinture, du vaporisateur ou du collage.