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Sur la piste d'Andromède

Grande première: deux professeurs organisent un colloque au Louvre.

La belle Andromède enchaînée à un rocher est menacée par un monstre envoyé par Poséidon pour ravager le pays. Heureusement, Persée, un jeune et fringant prince sur son cheval ailé, survient directement des nuages pour délivrer la jeune fille, dont il est tombé amoureux. Le monstre? Tué de quatre coups d'épée.

Ainsi peut-on résumer l'une des Métamorphoses, du poète Ovide, qui ont marqué le plus les arts aux 15e et 16e siècles. Cette histoire d'Andromède, qui prend ses racines dans l'Antiquité, a en effet inspiré plusieurs créateurs de cette époque.

Partout en Europe, ce thème figure sur des tableaux, dans des pièces de théâtre, des drames musicaux (l'opéra n'existait pas à l'époque), des poèmes et bien d'autres oeuvres. Il y a même des récupérations politiques du mythe, le monstre personnalisant pour la France le protestantisme, et la princesse la foi catholique. Persée devient ainsi le roi. Ou inversement, en Angleterre...

Il en reste des traces aujourd'hui puisque les remakes de jeune princesse délivrée in extremis par un prince n'ont jamais cessé. Un exemple: la Belle au bois dormant.

Alain Laframboise et Françoise Siguret ont consacré plus de neuf années aux représentations de ce mythe dans les différents arts en vogue durant la Contre-Réforme (1545-1685). En clôture de leurs travaux, ils ont eu un privilège exceptionnel: organiser un colloque sur la question au musée du Louvre, à Paris, réunissant des experts mondiaux. C'était la première fois que le Louvre invitait une université à organiser un colloque de cette envergure. Habituellement, les universitaires sont confinés dans un rôle de conférenciers.

Pour une université étrangère, la chose est remarquable étant donné la difficulté de percer dans le circuit établi des intellectuels de la Ville lumière. «Nous avons eu carte blanche, explique M. Laframboise, professeur au Département d'histoire de l'art. Cela nous a permis d'attirer des gens que nous n'aurions pas pu réunir à Montréal. De même, pour nous comme pour nos étudiants, c'était une occasion unique.»

Le colloque, tenu les 3 et 4 février 1995, a été un succès. Il a fait salle comble les deux jours et l'on en parle encore comme «l'un des mieux réussis» du musée du Louvre, selon Mme Siguret.

Tout commence en Italie

C'est au retour d'un voyage en Italie, en 1986, que Françoise Siguret, professeure au Département d'études françaises, prend conscience de l'importance du mythe d'Andromède tant dans la littérature que dans les beaux-arts et dans les spectacles. Elle suggère à Alain Laframboise d'élaborer un projet de longue haleine pour explorer ses diverses manifestations. C'est lui qui, à la suite de deux voyages à Paris, en 1989 et 1990, parviendra à convaincre les autorités du Louvre que ce colloque s'impose.

Entre-temps, une délégation de sept étudiants accompagnés des deux professeurs se rend en Italie pour ratisser les bibliothèques de Parme, Venise, Bologne et Ferrare à la recherche des traces d'Andromède. Ils en rapportent, notamment, 1200 clichés qui serviront de matière première à des publications diverses et à des travaux de deuxième et de troisième cycle.

Durant ces recherches sur le «terrain», ils font quelques découvertes. À Parme, notamment, ils mettent la main sur un livre présentant en parallèle le récit de saint Georges et celui de Persée. Saint Georges, c'est ce héros chrétien qui tue le dragon à qui une princesse va être sacrifiée. Ce livre démontre que les légendes traversaient les frontières confessionnelles.

Comment ont-ils pu mettre la main là-dessus? «Facile, répond Mme Siguret. En Italie, les fonds sont si riches que personne n'a idée de leur contenu intégral. Alors, vous fouillez et vous êtes presque certain de trouver des choses extraordinaires...»

Un livre rare acquis par la BLSH

Ce voyage a aussi été l'occasion d'enrichir la collection de livres rares de la Bibliothèque des lettres et des sciences humaines (BLSH). Un exemplaire de l'édition italienne du très célèbre ouvrage Les métamorphoses d'Ovide, de Ludovico Dolce, appartient désormais à cette collection.

«C'est fabuleux d'avoir en main cette édition que Titien a peut-être lue», confie M. Laframboise. Daté de 1568, cet ouvrage illustré de gravures est remarquablement bien conservé. Les pages sont à peine altérées par le passage du temps. C'est que le papier, à cette époque, ne contenait pas de cet acide qui jaunit à la longue. «Je n'aimerais pas voir les pages de nos livres dans 400 ans!» lance Mme Siguret.

Pour les deux chercheurs, la publication des actes du colloque dans une édition extrêmement soignée comprenant des planches en couleurs (Andromède ou le héros à l'épreuve de la beauté, Éditions Klincksieck, en vente au musée du Louvre) marque la fin de leurs travaux sur Andromède. Mais ils conservent tous deux un excellent souvenir de leur collaboration multidisciplinaire ainsi que du soutien dont ils ont bénéficié.

«Nous avons eu un grand appui de notre université, signale Mme Siguret. Le recteur René Simard et la vice-rectrice Claire McNicoll étaient même présents à l'ouverture du colloque.»

Mathieu-Robert Sauvé


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