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Recherche fondamentale:
le Canada traîne la patte

La création de la Fondation canadienne pour l'innovation
est perçue comme une bonne nouvelle, mais...


Pendant que la plupart des pays industrialisés, notamment le Japon et les États-Unis, augmentent leur soutien à la recherche fondamentale, le Canada diminue sa part et privilégie le financement de la recherche en partenariat», déplore le Dr Serge Rossignol, directeur du Centre de recherche en sciences neurologiques de l'Université de Montréal.

Le Dr Rossignol fait partie du Conseil pour la recherche en santé du Canada (CRSC), une coalition regroupant neuf établissements de recherche, dont l'Institut neurologique de Montréal et l'Institut de recherches cliniques de Montréal. Inquiet de la diminution - annoncée avant le budget! - des subventions accordées par le Conseil pour la recherche médicale (CRM), ce regroupement a entrepris de sensibiliser les décideurs politiques à l'importance de maintenir un financement adéquat pour la recherche fondamentale dans le domaine biomédical et de la santé.

«La création de la Fondation canadienne pour l'innovation est une bonne nouvelle et ceci pourra avoir des retombées bénéfiques même pour la recherche fondamentale, reconnaît-il. Mais il aurait également fallu augmenter les budgets des conseils subventionnaires. La Fondation force un modèle de recherche en partenariat, ce qui n'apporte rien à la personne du chercheur dans son laboratoire. Il y a de très bonnes recherches qui ne seront pas admissibles à ce type de financement.»

Un recul

Selon la réduction annoncée au budget du CRM, le Canada aura réduit de 10 millions, en 1997-1998, sa contribution au financement de la recherche universitaire biomédicale par rapport à 1990. Au cours des quatre dernières années, la réduction enregistrée a été de 25 % alors que tous les autres pays du G7 augmentaient leur financement dans ce domaine.

Les chiffres tirés du document de sensibilisation du CRSC indiquent qu'entre 1990 et 1998 les États-Unis auront augmenté leur financement de la recherche en santé de 55,8 %, le Royaume-Uni de 38,6 %, la France de 40,4 %, l'Allemagne de 37,9 % et l'Australie de 48,5 %. Quant au Japon, il investira un surcroît de 155 milliards de dollars américains dans les différents domaines de la recherche universitaire au cours des cinq prochaines années, ce qui représente une augmentation de 50 % par rapport à maintenant.

Le Canada sera quant à lui à -1,4 % du taux de 1990 alors que les subventions provenant du CRM atteignaient 242 millions de dollars.

Création d'emplois

Toujours selon les chiffres du CRSC, chaque augmentation de un million de dollars versée par le CRM crée 62 nouveaux emplois. Ces subventions ont par ailleurs un effet d'entraînement. Depuis 1994, environ 1000 emplois directs et 3000 emplois indirects auraient été créés par des entreprises associées aux projets financés par le CRM, même si les projets n'étaient pas directement en lien avec les applications commerciales auxquelles ils ont donné lieu.

«La masse critique de nouvelles connaissances acquises grâce à ces recherches [universitaires] a attiré des investissements du secteur privé, abouti à la création d'entreprises et permis la création d'emplois de haut niveau», fait valoir le CRSC.

Au cours des 13 dernières années, 156 entreprises auraient été créées au Canada grâce aux découvertes réalisées par les principaux établissements universitaires du pays; 29 d'entre elles ont été créées dans la seule année de 1994, alors que le financement dans le domaine biomédical et de la santé connaissait une augmentation d'environ 8 %.

Le CRSC estime également que les établissements universitaires de recherche sont en soi d'importants employeurs puisque l'on dénombre quelque 45 000 chercheurs, techniciens et employés de soutien dans ces différentes maisons au Canada, ce qui est supérieur au nombre d'employés de la plus grande entreprise canadienne, General Motors.

Parmi les 250 entreprises de biotechnologie canadiennes comptant plus de 8000 employés, on retrouve 62 entreprises liées aux secteurs public et parapublic tels hôpitaux et universités.

Malgré cela, le Canada tirait déjà la patte en 1992 alors qu'il se situait derrière les principaux pays de l'OCDE avec un taux de chercheurs de 5,2 pour 1000 habitants, contre 7,6 aux États-Unis et 9,5 au Japon.

Demeurer compétitif

La diminution du financement public fait peser des risques sur les progrès enregistrés ces dernières années, craignent les membres du CRSC. «Réduire les subventions de recherche fédérales revient littéralement à se couper l'herbe sous les pieds», affirment-ils.

Parmi les effets néfastes appréhendés, ils soulignent que les scientifiques canadiens seront tentés de s'établir à l'étranger, que les carrières scientifiques auront moins d'attrait sur les étudiants qualifiés, que le Canada prendra du retard sur ses concurrents, décrochera moins de contrats, attirera moins de capitaux à risque et perdra des milliers de postes de haut calibre.

La Fondation canadienne pour l'innovation vient toutefois pallier au moins une des craintes exprimées, soit la dégradation des infrastructures de recherche.

Serge Rossignol considère par ailleurs comme une très bonne nouvelle le maintien des Réseaux des centres d'excellence (RCE). Selon l'information provenant du RCE en neurosciences, ces réseaux auraient même reçu, en marge du budget Martin, leur consécration comme structure permanente.

«Le discours de Paul Martin, dans lequel la recherche universitaire est très présente, témoigne d'une reconnaissance des besoins de ce secteur, estime le chercheur. Mais les mesures annoncées ne comblent pas tous les besoins et l'action du Conseil pour la recherche en santé demeure pertinente et nécessaire.»

Daniel Baril


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