Le 1er avril prochain,
les étudiants aux cycles supérieurs qui ont trimé
dur pour terminer leurs études dans les délais prescrits
(deux ans pour la maîtrise, quatre pour le doctorat) en
vue de profiter du programme de remise de dettes verront cet avantage
disparaître. Ils ne toucheront jamais les 25 % de remboursement
de prêt, que le ministère assure depuis 1990 pour
inciter les étudiants à concentrer toutes leurs
énergies dans leur programme d'études.
Cette modification à la Loi sur l'aide financière
aux étudiants est l'une des plus importantes parmi celles
adoptées à toute vapeur, le 18 décembre dernier,
en guise de réponse de la ministre de l'Éducation
à la victoire des étudiants sur le dossier du gel
des droits de scolarité. On compte d'autres mesures touchant
des groupes d'étudiants plus restreints.
«À ma connaissance, signale Jean-Marc Létourneau,
responsable du Bureau de l'aide financière, c'est la première
fois qu'on modifie les règles en cours d'année,
de façon rétroactive. Je comprends que le ministère
ait trouvé que ce programme n'avait pas atteint ses objectifs
de manière satisfaisante, mais était-ce à
ce point dramatique?»
Selon M. Létourneau, de nombreux étudiants préféraient
bénéficier de ce programme plutôt que de se
trouver un travail pendant leur scolarité. Plusieurs études
ont démontré qu'un emploi nuit à la persévérance
et aux performances scolaires.
Selon lui, on a carrément «manqué d'imagination»
en modifiant cette mesure qui rendait service sans coûter
trop cher au gouvernement. Selon les statistiques officielles,
1451 personnes auraient bénéficié de ce programme
en 1994-1995, ce qui a coûté 2,9 millions de dollars
sur un budget total de plus de 800 millions. Une moyenne de 2000
$ par étudiant.
La FAECUM en colère
On s'en doute, les représentants étudiants sont
en colère. «Cette tendance à adopter des règles
rétroactives, c'est pernicieux et dangereux, dit Alexandre
Chabot, secrétaire général de la FAECUM.
Les modifications n'ont pas été débattues
démocratiquement. Elles ont été adoptées
alors que les étudiants étaient en pleine période
d'examens.»
Pourtant, ni M. Chabot ni M. Létourneau ne s'opposaient
à une réforme de la Loi sur l'aide financière.
Même la ministre de l'Éducation, Pauline Marois,
avait accepté, à l'issue des états généraux
sur l'éducation, de créer un comité spécial
présidé par Claude Montmarquette, professeur au
Département de sciences économiques, afin de revoir
cette loi. «Malheureusement, dit M. Chabot, elle a pris
ses décisions avant de connaître les recommandations
de ce comité.»
Les médias ont beaucoup fait état de la «taxe
à l'échec» visant à favoriser la réussite
scolaire au cégep. Or, l'abolition de la remise de dettes
risque d'avoir l'effet contraire à l'université.
En outre, cette mesure touchait directement les «bons»
étudiants, par opposition à ceux qui n'en finissent
plus d'accumuler les trimestres.
D'autres mesures
Prenant effet quelques semaines plus tard, les mesures suivantes
viendront diminuer les revenus des étudiants qui bénéficient
des programmes d'aide financière.
Ces nouvelles règles sont d'une certaine manière
«habiles», constate Jean-Marc Létourneau, car
elles n'attaquent pas l'ensemble des étudiants mais de
petits groupes épars. Les mesures visant à diminuer
les dettes sont certes louables mais «il faudrait, ajoute-t-il,
peut-être mieux répartir l'effort» de manière
à alléger le fardeau de ceux qui sont les plus mal
pris. «Pourquoi offre-t-on encore des bourses à ceux
qui n'ont que 8000 $ de dettes après la maîtrise?»
demande-t-il.
Mathieu-Robert Sauvé
Un groupe d'experts est en train d'y voir...
Dix fois
plus d'anciens étudiants débiteurs du gouvernement
qu'en 1987 déclarent faillite. Cela représente,
pour la dernière année, un manque à gagner
de 45 millions de dollars.
«C'est devenu une façon de se débarrasser
de ses dettes d'études. D'autant plus qu'il y a très
peu de conséquences après une faillite», déclare
Claude Montmarquette, président du Groupe d'experts sur
les modalités de remboursement de la dette étudiante,
mis sur pied en janvier dernier par la ministre de l'Éducation,
Pauline Marois.
Composé, outre son président, de trois étudiants,
trois représentants des établissements financiers,
deux administrateurs scolaires et deux représentants du
ministère, ce groupe de travail a pour mandat d'«examiner
les modalités du remboursement de la dette étudiante
et de définir les balises d'une loi-cadre sur l'aide financière
aux étudiants».
Dans son rapport à remettre à la fin avril, il devra
notamment avoir examiné «la situation qui a cours
à l'extérieur du Québec» et «proposer
des solutions novatrices et concrètes qui permettront de
passer à l'action dans les meilleurs délais».
«Notre but, c'est de proposer des moyens de rendre le système
plus efficace, résume le professeur du Département
de sciences économiques. Nous allons tout examiner: l'aide
financière aux niveaux collégial et universitaire,
les prêts pour l'achat d'ordinateur, etc. Et je peux vous
dire que nous avons déjà de bonnes idées.»
M.-R.S.