Des chercheurs tentent de réaliser une castration
génétique.
Des cochons sans sexe,
ça ne fait pas des enfants forts, mais la conception de
tels animaux par manipulation génétique pourrait
améliorer la qualité de la production porcine.
C'est du moins une des hypothèses de travail du Dr David
Silversides et de collègues professeurs-chercheurs de la
Faculté de médecine vétérinaire qui
mènent des recherches afin d'intervenir génétiquement
sur la détermination du sexe des porcs.
«Nos études visent deux grands objectifs: mieux comprendre
le développement du sexe des mammifères et voir
s'il y a moyen de contrôler ce développement»,
explique le Dr Silversides.
Ce que l'on tente de concevoir, c'est un type de porc possédant
le même rythme de croissance que les mâles tout en
ayant certaines caractéristiques propres aux femelles.
Les expériences sont menées sur des souris transgéniques.
Pour transférer la technologie chez le porc, il faudra
investir des sommes importantes, ce qui n'est pas du ressort des
chercheurs. Il reviendra à l'industrie porcine de prendre
les décisions en conséquence.
Dans la production porcine actuelle, les mâles demandent
moins d'énergie que les femelles pour être engraissés,
ce qui se traduit par un meilleur rapport investissement-rendement.
Par contre, lorque le mâle atteint la maturité sexuelle,
à l'adolescence, il dégage des odeurs qui peuvent
être perceptibles même à la cuisson de la viande.
Cela peut déranger certaines personnes et avoir des conséquences
sur la consommation.
Pour contrer ce problème, une solution est appliquée
depuis plusieurs années: les mâles qui ne sont pas
destinés à la reproduction sont castrés entre
un et sept jours après leur naissance. Mais cette mesure
a pour effet de... ralentir leur croissance. Pour les producteurs,
c'est la quadrature du cercle!
On a donc pensé à remplacer la castration physique
par une castration génétique. Obtenir un porc qui
croît comme un mâle mais sans dégager d'odeurs
sexuelles, ni être agressif, un autre de ses caractères
que la femelle ne possède pas, voilà le défi!
Si la recherche est nouvelle, le principe ne l'est pas, car on
a déjà trouvé le moyen de concevoir des fruits
sans pépins. Dans le jargon scientifique, pépin
est synonyme de gonade.
Selon les connaissances actuelles des chercheurs, l'intervention
doit se faire au moment précis où s'exprime le gène
dit SRY dans le développement foetal. C'est l'activation
du gène au bon ou au mauvais moment qui déterminerait
le sexe de l'animal. Seules quelques centaines de cellules expriment
ce gène. L'intervention relève donc de la haute
voltige... microscopique.
«Jusqu'à maintenant, nous avons cloné les
gènes SRY chez le porc et nous essayons de pratiquer la
castration génétique chez des souris transgéniques.
Nous croyons qu'à la suite de cette castration les sujets
posséderont un phénotype femelle», ajoute
le Dr Silversides.
Toutes ces recherches sont importantes pour la compréhension
du développement du système reproducteur dans le
processus d'organogenèse. «Pour nous, c'est encore
comme une boîte noire», dit le chercheur, un brin
philosophe.
Les travaux de ce dernier et de ses collègues pourraient
déborder la question de l'industrie porcine. On pourrait
ainsi tenter de modifier le ratio mâles-femelles dans les
productions bovine, laitière et avicole. «Le fait
d'avoir environ 50 % de bébés mâles n'est
pas idéal pour maximiser ces productions», dit le
Dr Silversides.
Pour augmenter les productions laitière et d'oeufs, il
suffirait d'adapter les manipulations génétiques
faites chez le porc aux vaches et aux poules de façon à
faire augmenter le ratio de femelles.
André Duchesne