Le Département de communication étudiera l'impact
du projet UBI.
L'inforoute est déjà
une réalité au Saguenay. Le consortium UBI - pour
universalité, bidirectivité et interactivité
- a amorcé l'implantation de quelque 30 000 terminaux permettant
d'avoir accès à une foule de services à domicile
comme le paiement de comptes, les téléachats, la
messagerie électronique ou les offres d'emploi.
Chaque mois jusqu'à la fin avril, 7000 terminaux seront
installés gratuitement dans les foyers pour atteindre 70
% de la population de la vaste région de Chicoutimi-Jonquière.
Les partenaires d'UBI, soit la Banque Nationale, Hydro-Québec,
Loto-Québec, Vidéotron et Postes Canada, font preuve
de prudence et veulent éviter les erreurs déjà
commises dans de telles aventures. C'est pourquoi ils ont confié
au Laboratoire de recherche sur les nouvelles technologies de
communication, du Département de communication, le mandat
d'analyser l'appropriation, la fréquentation et l'appréciation
de ce service par la population.
«Il s'agit d'une première mondiale, affirme Luc Giroux,
directeur du Département et du Laboratoire. Aucune expérience
semblable n'a précédé l'implantation d'Internet
ou du minitel.»
Le système UBI ne nécessite pas d'ordinateur; il
est branché sur le téléviseur et contrôlé
par télécommande, ce qui est moins rebutant pour
une population peu familiarisée avec les outils informatiques.
On ajoutera une imprimante, pour les transactions bancaires, et
éventuellement un lecteur de cartes à puce ou à
bande magnétique. Certains services seront gratuits, d'autres
payants et d'autres encore seront aux frais des fournisseurs.
«Pour le public, le principal avantage est d'épargner
du temps dans les transactions et de réduire les frais
de services ou de poste, tout en permettant, notamment aux personnes
âgées, d'éviter les déplacements, souligne
le chercheur. Quant aux fournisseurs, ils pourront réaliser
d'importantes économies d'échelle et de frais de
gestion. Mais l'implantation d'un tel système auprès
d'une large population demeure en soi un défi et nous ne
savons pas si les gens vont l'utiliser ni de quelle façon.»
Habitudes sociales
Luc Giroux reconnaît qu'un tel système nécessite
des changements dans les habitudes de chacun et peut entraîner
certaines modifications dans les habitudes sociales. «Les
usagers devront apprendre à gérer différemment
leurs reçus de transaction par exemple. Le téléviseur
devient un appareil à usages multiples et modifiera les
habitudes familiales. Même l'espace privé du salon
devient un espace public de transactions.»
La technologie elle-même peut inquiéter ceux qui
craignent un Big Brother dans leur salon. Il est en effet possible
de connaître tous les usages faits par chaque foyer et cela
est d'ailleurs nécessaire à l'évaluation
du projet. «Mais, précise Luc Giroux, tout se déroule
sous la surveillance de la Commission sur l'accès à
l'information, qui s'assure que les renseignements nominatifs
ne sont pas accessibles.»
Par ailleurs, l'effet d'influence ne se fait pas uniquement dans
le sens de la technologie sur l'usager. «La technologie
est aussi modulée par l'usage qu'en font les gens qui se
l'approprient et les produits évoluent de façon
différente de ce que l'on imagine au départ. Graham
Bell avait conçu le téléphone pour l'écoute
des concerts; il ne pouvait imaginer qu'un jour des chaînes
de restaurants fonctionneraient uniquement sur appels téléphoniques.
Les responsables du minitel, en France, n'avaient pas non plus
envisagé l'éclosion des messageries roses et de
nouveaux clubs sociaux créés grâce à
Internet.»
C'est ce genre d'habitudes acquises par les usagers qu'entend
analyser le laboratoire de Luc Giroux en recueillant toutes les
données nécessaires d'avril à novembre prochains.
«À l'automne 1997, UBI prendra la décision
de poursuivre l'expérience, de l'étendre ailleurs
ou de tout arrêter.»
«Quoi qu'il en soit, poursuit le directeur, ce genre de
service et de technologie connaîtra un développement
inévitable dans les 20 prochaines années et l'expérience
nous permettra de prévoir à plus long terme quels
peuvent être les enjeux du développement de l'autoroute
électronique.»
Le chercheur estime également que le projet aura des retombées
intéressantes sur le plan de la technologie. «Il
a fallu concevoir des réseaux bidirectionnels, des appareils
robustes et conviviaux, une télécommande multifonctionnelle.
Ceci assure le développement des compétences québécoises
dans le domaine des télécommunications et de l'informatique.»
UBI a investi 100 millions de dollars dans le projet. Le Laboratoire
de recherche sur les nouvelles technologies de communication bénéficie
pour sa part de contrats de recherche totalisant 300 000 $.
Daniel Baril