[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]


Où sont passés les critiques
de la trempe de Jean Vallerand?

Marie-Thérèse Lefebvre publie sa biographie.

Le biographe a la lourde tâche de nous faire revivre de façon vivante l'itinéraire parcouru par son sujet à travers le temps. Marie-Thérèse Lefebvre, professeure et vice-doyenne de la Faculté de musique, s'est fort bien acquittée de cette mission dans son dernier ouvrage, Jean Vallerand et la vie musicale du Québec, 1915-1994, publié aux Éditions du Méridien.

Non seulement emploie-t-elle tous les éléments nécessaires à la rédaction d'un tel ouvrage - recherche, style journalistique, esprit de synthèse -, mais elle n'hésite pas à brasser la cage de la critique musicale, institution sacro-sainte du journalisme québécois.

En fait, nous voyons dans les deux ou trois passages consacrés à cette question un sujet de débat incontournable: où sont passés les critiques de la trempe de Jean Vallerand?

Au-delà de la simple exploitation d'une nouvelle et de l'analyse en quelques lignes du concert entendu un soir pour l'édition du lendemain, le critique devrait réfléchir sur la musique, disait Jean Vallerand.

Mme Lefebvre adhère à ce principe et rappelle l'époque où les critiques, Jean Vallerand en tête, consacraient une partie de leurs écrits à la réflexion. Les sujets ne manquent pas: éducation musicale, fonction de l'artiste, métier du compositeur, aspects financiers de la musique.

Mieux. Dans sa conclusion, elle égratigne le journal Le Devoir, qui serait le média écrit de Montréal le plus susceptible d'aborder cet angle. Or, «Le Devoir se contente d'imiter le journal d'information culturelle Voir, ne présentant plus que des résumés de dossiers de presse pour annoncer les événements musicaux et concède à son critique musical deux concerts par semaine et une chronique de disques dans l'édition du samedi. Nous sommes donc loin des articles de réflexion qui font la force de ce journal dans les autres domaines.»

L'auteure se désole d'autant plus de faire ce constat qu'elle a une grande considération pour le critique du Devoir, François Tousignant.

L'immense carrière de Jean Vallerand

Outre cet aparté, tout le reste du petit volume d'une centaine de pages est consacré à la carrière de Jean Vallerand, qui fut secrétaire du Conservatoire de musique du Québec, critique musical, compositeur, chef d'orchestre, animateur, diplomate et professeur d'histoire de la musique à la Faculté de musique de l'U de M.

Exception faite de quelques rares anecdotes et de l'évocation des principaux traits de caractère de l'homme, toute la dimension personnelle de sa vie est laissée de côté. Malgré cette zone d'ombre, il reste entre nos mains un ouvrage fort bien documenté sur sa prolifique carrière.

Le travail de Jean Vallerand s'inscrit dans l'histoire de la musique québécoise au XXe siècle autant qu'il a marqué celle-ci. C'est en dépouillant de nombreuses sources premières, auxquelles s'ajoutent une bonne quantité d'entrevues, dont quelques-unes avec le critique au cours des deux dernières années de sa vie, que Mme Lefebvre a tracé ce portrait.

Plus tôt cette année, Forum avait consacré un article au rôle des archives de l'U de M dans le maintien de la mémoire collective. Curieusement, la lecture de cette biographie a permis de confirmer l'importance de ce service. Il est intéressant de lire quelques lettres adressées à Jean Vallerand et signées par... Jean Drapeau et Hubert Reeves, en 1940 et 1947!

Les liens entre Jean Vallerand et l'Université de Montréal ne se limitent pas à ses tâches professorales. Au début de l'ouvrage, on apprend qu'il fut rédacteur du Quartier latin. En 1937, il était un des leaders du mouvement étudiant qui s'est opposé à l'entrée du Canada dans un autre conflit mondial.

Quelle que soit la nature des activités menées par Jean Vallerand à un moment ou à un autre de sa carrière, elles convergaient toutes vers un objectif: éduquer le public. «Ce fut sa passion», écrit Marie-Thérèse Lefebvre. En dépit d'un ou deux reproches sur l'ensemble de ce travail, comme ces 316 annotations en bas des 90 pages de texte, l'auteure a su transmettre cette passion avec ardeur et avec souffle.

André Duchesne


[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]