Si les cordes vocales
de Céline Dion sont trèèèèèès
sensibles et que celles de Roger Brûlotte, ce commentateur
sportif aux matchs des Expos de Montréal, sont en acier
inoxydable, on peut qualfier l'organe des chanteurs de gorge de
Touva de magique.
Ces artistes émettent des sons extraordinaires et reproduisent
avec une finesse déconcertante des bruits qui semblent
appartenir à d'autres éléments sonores.
Tantôt très bas, tantôt hauts, ces sons deviennent
une source de plaisir et de curiosité. Leur secret: le
contrôle de la cavité résonantielle, un attribut
que possèdent tous les mortels!
Des dizaines d'étudiants de la Faculté de musique
ont pu s'en rendre compte mardi dernier, à l'occasion du
passage de chanteurs touvas à la salle Claude-Champagne.
Les trois musiciens-chanteurs ont présenté un tout
petit récital, suivi d'une conférence donnée
par Bernard Dubreuil, propriétaire du Studio de chant harmonique
de Montréal. Cette rencontre avait lieu dans le cadre du
cours Introduction à l'ethnomusicologie de la professeure
Monique Desroches.
Le Touva est un minuscule pays, une ancienne république
de l'ex-URSS, coincé entre la Sibérie et la Mongolie,
au nord-ouest de celle-ci.
Les habitants ont développé une technique vocale
basée sur le contrôle de la cavité résonantielle
de leur gorge. Essentiellement, il s'agit de maîtriser deux
éléments: l'ouverture de la cavité et la
quantité d'air qui y passe. Lorsque la cage résonantielle,
qui est contrôlée par les lèvres, se rapetisse,
les sons émis sont plus bas. Et vice versa. La quantité
d'air varie quant à elle grâce au pharynx et aux
narines.
Les chanteurs travaillent le chant entre la 3e et la 16e harmonique
de la voix. Au-delà, le contrôle de la cage résonantielle
devient beaucoup trop complexe pour que l'on parvienne à
distinguer les notes. Mais dans la bande d'harmoniques utilisées,
les harmoniques naturelles de la voix sont isolées et amplifiées.
Mieux: ces chanteurs peuvent produire deux ou trois notes en même
temps, ce qui donne l'impression qu'autant de personnes chantent
alors qu'il n'y en a qu'une seule. De son côté, la
seule femme du groupe réussit à chanter tout en
jouant de la bombarde!
Il est difficile de décrire en mots l'éventail des
sons produits. Disons que les sons bas gutturaux nous ont fait
justement penser à ceux d'une bombarde. Les sons les plus
aigus, ceux de la chanteuse, se rapprochaient de ceux d'une flûte
à deux sous, comme ces serpentins dans lesquels soufflent
les enfants.
Lorsque les chants de gorge font place à des chants traditionnels,
ces derniers expriment les sentiments comme l'émerveillement
devant la nature. Les chanteurs s'accompagnent d'instruments tels
que la vielle à tête de cheval, la guitare, le tambour,
la tyanzi et la bombarde.
André Duchesne