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La nifédipine réduit
la mortalité due à l'hypertension

Une étude sino-québécoise montre qu'elle est moins dangereuse qu'on ne le croyait.

Un médicament contre l'hypertension, la nifédipine, contribue à diminuer de 62 % les risques d'accidents cérébrovasculaires et la mortalité chez les personnes âgées souffrant d'hypertension.

C'est ce qu'a démontré une étude effectuée auprès de 1632 patients et étalée sur trois ans. L'expérimentation comme telle a été réalisée en Chine, par l'Institut d'hypertension de Shanghai affilié à l'Université de Shanghai, et les données ont été analysées ici sous

la direction du Dr Pavel Hamet, di-recteur du Centre de recherche de l'Hôtel-Dieu et professeur à la Faculté de médecine.

On connaissait déjà l'effet de la nifédipine pour diminuer la pression artérielle, mais c'est la première fois que l'on démontre son efficacité dans la prévention des complications causées par l'hypertension.

La nifédipine est un inhibiteur qui bloque les canaux calciques par lesquels le calcium pénètre dans les cellules. Chez les personnes souffrant d'hypertension, le transport du calcium est altéré, ce qui provoque une contraction des vaisseaux et un épaississement de leur paroi dû à une prolifération des cellules musculaires à l'intérieur des vaisseaux. Le blocage des canaux ne prive pas les cellules du calcium dont elles ont besoin mais rétablit un niveau normal.

Nombreuses analyses

La moitié des personnes âgées souffrent d'hypertension et cette maladie affecte plus souvent les hommes que les femmes. Les médecins croient que des facteurs génétiques peuvent être la source du mauvais fonctionnement cellulaire, qui peut aussi être causé par l'abus d'alcool et de tabac, le stress, l'obésité et la surconsommation de sel.

En provoquant le durcissement des artères, cette maladie entraîne des accidents cérébrovasculaires et des troubles cardiaques. Près de50 % des gens affectés meurent de maladies cardiaques, 33 % d'accidents cérébrovasculaires et entre 10 % et 15 % d'un arrêt du fonctionnement des reins. L'étude à laquelle le Dr Hamet a participé est donc d'une importance capitale puisque l'on estime que seulement 21 % de ceux qui souffrent d'hypertension sont actuellement traités adéquatement.

Plus précisément, l'étude montre que chez les 817 patients traités à la nifédipine seulement 32 ont connu des complications cardiaques ou cérébrovasculaires, alors qu'on en a compté 77 chez les 815 patients ayant reçu un placebo, soit un écart de 62 %.

«Ce résultat significatif ne va-rie pas, quelle que soit la méthode statistique utilisée sur un total de 32 analyses différentes, affirme le

Dr Hamet. Un des résultats les plus importants est la diminution des accidents cérébrovasculaires. En diminuant le nombre de ces accidents, le traitement peut avoir des effets bénéfiques non seulement sur la vie des patients, mais aussi sur les coûts des soins de santé puisqu'il contribue à réduire le nombre des hospitalisations.»

Pourquoi la Chine?

C'est dans le cadre d'une collaboration entre l'Université de Montréal et l'Université de Shanghai que le Dr Hamet a pris connaissance de l'étude effectuée par ses collègues chinois entre 1987 et 1990. L'étude indiquait une corrélation entre le taux d'accidents cérébrovasculaires et le taux d'hypertension enregistré dans différentes régions.

«L'Institut d'hypertension de Shanghai n'avait pas les outils et les systèmes informatiques nécessaires pour effectuer toutes les analyses», nous a expliqué Johanne Tremblay, directrice du Laboratoire de biologie moléculaire de l'hypertension de l'Hôtel-Dieu. «C'est pourquoi le Dr Hamet leur a proposé de transférer les données à Montréal pour en faire l'analyse.»

Autre élément important, l'étude ayant été menée en Chine, les chercheurs ont pu recourir à un placebo comme élément de comparaison, ce qui est impossible ici. «Lorsqu'un médicament efficace est déjà en usage, l'utilisation d'un placebo chez des patients va à l'encontre du code de déontologie puisqu'on les prive alors d'un véritable traitement, poursuit la Dre Tremblay. Mais en Chine, il n'y a pas de traitement prescrit chez les personnes souffrant d'hypertension, ce qui fait que le placebo était plus acceptable.»

Cet élément ajoute à l'intérêt de la recherche puisqu'ici on ne peut que comparer deux médicaments entre eux et que les personnes âgées sont souvent surmédicamentées.

Controverse

Aux États-Unis, où une vive controverse a cours au sujet de la nifédipine, des études antérieures ont conclu que ce médicament présentait certains dangers.

«Ces conclusions viennent d'études rétrospectives, souligne Johanne Tremblay. On a observé plus de complications chez des personnes recevant de la nifédipine que chez d'autres qui n'en recevaient pas, mais les conditions de santé étaient au départ différentes.»

Pour l'étude de Shanghai, des groupes homogènes ont été formés, tenant compte de l'âge, du sexe, du taux de cholestérol, du poids et des habitudes alimentaires, et les résultats montrent que la nifédipine est bien tolérée par l'organisme, particulièrement chez les personnes âgées.

Par contre, au chapitre des troubles cardiovasculaires, les résultats de l'étude ne peuvent être extrapolés à nos populations parce que les Chinois souffrent beaucoup moins de maladies coronariennes que les Nord-Américains.

Cette étude alimente la controverse chez nos voisins du Sud où le Dr Hamet a dû défendre ses résultats auprès des grands médias, dont le Times, le Wall Street Journal et le réseau CBS.

Daniel Baril


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