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Opinions


Mois de l'histoire des femmes

L'année 1996 marque la cinquième présentation du Mois de l'histoire des femmes au Canada. Ce mois a été institué par le gouvernement fédéral en 1992 afin de sensibiliser davantage la population à la contribution historique des femmes à notre société et de reconnaître leurs réalisations en tant que composante essentielle de notre patrimoine. Cette année, le thème est «Les femmes et les arts: un héritage culturel». Ce thème souligne la nécessité de valoriser les points de vue des femmes et leurs réalisations artistiques, qu'elles soient créatrices, interprètes, administratrices, mécènes ou professeures.

Le Comité permanent sur le statut de la femme désire vous faire mieux connaître l'une d'elles, Colette Dufresne-Tassé, professeure au Département de psychopédagogie et d'andragogie de la Faculté des sciences de l'éducation et directrice de la maîtrise en muséologie.

En tant que muséologue, à la fois comme professeure, responsable de programme et chercheuse, elle se penche sur l'expérience de l'adulte en situation d'apprentissage au musée. Mme Dufresne-Tassé déplore que, pour des raisons de rentabilité, la dimension éducative des musées soit négligée au profit du divertissement. On conçoit trop souvent les musées comme un moyen de rentabiliser certains produits culturels, alors que leur but premier, soit le développement des personnes et des sociétés à travers la culture, n'est pas assez présent comme préoccupation, constate Mme Dufresne-Tassé.

Par ses recherches, elle a tenté de combler les connaissances en ce sens, témoignant, par la même occasion, de la fonction critique des universités. Ici, c'est «monsieur et madame tout le monde» en tant qu'utilisateurs de musées qui sont visés. Mme Dufresne-Tassé forme les personnes qui seront appelées à travailler dans les musées, des muséologues, les aidant à concevoir des expositions s'adressant à une clientèle adulte. Les objets retenus pour ces expositions, comme dans les recherches de Mme Dufresne-Tassé, seront aussi bien des objets d'art, des artefacts de l'histoire que des objets scientifiques. Bref, Colette Dufresne-Tassé est doublement éducatrice. Elle forme les muséologues et autres éducateurs d'adultes à mieux former leurs clientèles.

Le rayonnement tout à fait exceptionnel de Mme Dufresne-Tassé dans le monde de l'éducation des adultes et dans celui de la muséologie aura certainement eu un impact dans l'esprit et le coeur des étudiantes qui l'ont connue, les femmes étant majoritaires dans les programmes de muséologie. Mais c'est d'abord et avant tout par sa crédibilité en tant qu'enseignante, chercheuse et directrice de recherche qu'elle aura su s'imposer, non en faisant valoir quelque attitude spécifiquement féminine, s'il en est.

Colette Dufresne-Tassé a à coeur la place des femmes dans les institutions muséales. Elle constate que, comme dans la plupart des grands établissements, elles sont peu présentes à la haute direction des musées, même si elles constituent la majorité des travailleurs dans ces lieux. Sa principale action à ce niveau aura été d'encourager fortement les femmes à poursuivre leurs études, doctorat compris. «Il faut que les femmes aient la formation nécessaire pour ne pas être obligées d'en faire 10 fois plus» pour démontrer leurs capacités. Elle est donc consciente que les femmes ont à faire leurs preuves, et un atout important jouant en leur faveur sera leur formation. Les études poussées, croit-elle, «augmentent la puissance du raisonnement, les capacités d'expression et l'accès aux sources de connaissances», qualités essentielles pour détenir des postes de haut niveau dans les établissements de la culture.

L'apport de Mme Dufresne-Tassé au domaine des arts est fort important autant par la qualité que par la quantité de ses interventions, écrits et communications auprès de sociétés savantes, d'organismes subventionnaires et de revues spécialisées. Elle a fortement contribué au développement de la muséologie au Québec, discipline quasi inexistante il y a 20 ans. Ses recherches témoignent d'une grande originalité quant aux méthodes utilisées. Elle a fait montre d'un engagement continu en ce qui concerne ses préoccupations, la dimension éducative des musées et le développement des adultes, qui ont trouvé leur prolongement dans ses multiples activités de coopération internationale. Partenaire dans l'action auprès d'organismes nationaux (Conseil supérieur de l'éducation) et internationaux (Unesco), elle est en mesure d'influencer dans le sens du développement culturel des adultes.

Pour l'ensemble de sa contribution tant à la science et à la société qu'à la cause des femmes, nous tenons à remercier Colette Dufresne-Tassé.

Andrée Labrie et Lucie Girard
Comité permanent sur le statut de la femme



À propos de la dignité humaine

J'ai toujours été surpris par l'expression "mourir dans la dignité". Elle est employée par de multiples personnes, dont certaines font preuve d'un très grand respect à l'égard de ceux qui s'approchent de leur mort... Mais que veut dire cette expression? La dignité est-elle un état dans lequel on est ou hors duquel on se trouverait?» Telle fut l'interrogation pour le moins insolite du professeur Patrick Verspieren au début d'une conférence prononcée à l'Université le 27 septembre dernier. Directeur du département d'éthique biomédicale au centre Sèvres, à Paris, le conférencier a expliqué son propos en distinguant quatre sens donnés au mot «dignité».

«Un premier sens du terme "dignité", sans doute le sens initial, est relatif à l'échelle des honneurs officiellement décernés dans une société. Le terme de dignité désigne alors le rang éminent reconnu à une personne [...]»

Très fréquent aussi aujourd'hui est «l'emploi du mot dans un sens moral. Il est lié au précédent, car les dignités sociales sont accordées, en théorie, en fonction des mérites personnels. Sans qu'aucun titre social ne soit accordé, l'opinion publique peut aussi en venir à reconnaître les grandes qualités, le courage, la "grandeur d'âme" de certaines personnes. On dit alors que celles-ci font preuve de dignité, de grande dignité.»

À ce qui précède, continue le conférencier, est plus ou moins lié un troisième sens, relatif non plus à une attitude morale, mais simplement à l'état de la personne. Sa simple existence et son apparence, le spectacle qu'elle offre peuvent être source de gêne, de malaise pour autrui, de répulsion même. «En ce sens est réputé digne celui ou celle qui correspond à l'image idéale qu'on se fait dans la société de la personne humaine, ou ne s'en éloigne pas trop. Cela concerne le corps et le psychisme. Il s'agit de conserver un corps présentable, qu'on peut montrer sans gêner autrui, et, dans notre société qui valorise tellement l'indépendance et l'autonomie, de garder la maîtrise de soi.» Quand le corps est trop (!) altéré ou la maîtrise de soi trop (!) diminuée, on qualifiera alors cet état d'indigne, ou l'on parlera de perte de dignité.

«Un tel langage est désormais couramment employé en Europe occidentale mais sans doute aussi dans d'autres pays. Cela apparaît nettement dans une série de lettres envoyées spontanément à une association française et analysées par la sociologue Raymonde Courtas.»

L'opposition des termes dignité-indignité, la distinction entre dignité et perte de dignité ont une grande portée. Celle-ci provient du fait que, dans les sociétés occidentales, chacun garde en mémoire une quatrième acception du terme «dignité». «Au cours d'un processus qui s'est étalé sur de nombreux siècles, le terme "dignité" en est venu à désigner la grandeur, et donc le droit au respect, de tout homme et de toute femme, en raison de son humanité, c'est-à-dire de son humanitude si l'on désigne ainsi le fait d'être un humain avec ce qui caractérise un tel mode d'exister, et de son appartenance à l'ensemble de l'humanité, ensemble tissé de multiples liens.» Que ce sens du mot «dignité» soit gardé en mémoire par tous donne une grande portée à l'emploi de termes tels qu'«indignité» ou «perte de dignité». Certains ne veulent ainsi désigner que des situations humaines caractérisées par des altérations graves. Mais, recourant à la problématique de la dignité, ils contribuent, volontairement ou non, à la négation de l'humanité de ceux qui ne correspondent plus à l'image idéale que nos sociétés se font de la personne humaine.

Cela apparaît nettement dans certains termes couramment employés en Europe francophone et notamment dans la série de lettres évoquées plus haut. Les malades ou vieillards atteints de graves alté-rations y sont désignés par des ex-pressions telles que «légume», ou «épave», «loque», «déchet», et sont ainsi relégués au rang de végétal ou d'objet, d'objet de rebut même, ce qui leur dénie toute «humanité». Voilà, à mon avis, ce qui demande réflexion.

Cette conférence se tenait dans le cadre de la Journée des diplômés du DESS en bioéthique. Quatorze personnes étaient à l'honneur: trois médecins, trois infirmières, deux travailleuses sociales, un philosophe, un théologien, une avocate, une biologiste, une historienne, une anthropologue. Cette énumération fait voir la grande multidisciplinarité de ce programme, telle que le doyen de la FES, Louis Maheu, l'a rappelée.

La multidisciplinarité, ou mieux l'interdisciplinarité, a justement été l'objet d'une table ronde l'après-midi. Six collègues se sont exprimés sur ce sujet, moins d'une manière théorique que d'une manière existentielle, concrète: comment cette interdisciplinarité se pratique-t-elle au quotidien dans le monde de la santé? Malgré un objectif noble commun, bien des tensions subsistent, nous a-t-on fait savoir.

Guy Durand
Professeur au DESS en bioéthique


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