Le professeur Bob Hardy étudie l'architecture traditionnelle
laotienne.
Dans les villages anciens
du Laos, la façade longue des maisons sur pilotis faisait
face aux rivières. Plus tard, dans les villes, les rues
ont été tracées vis-à-vis d'une des
façades latérales de ces maisons. Résultat,
ce qui était autrefois le côté est devenu
le devant!
Ce changement en a entraîné plusieurs autres. Ainsi,
le traditionnel auvent qui courait tout le long de la façade
des maisons d'autrefois est devenu symbolique dans l'architecture
actuelle. La pièce réservée aux visiteurs,
qui se trouvait à une des extrémités des
habitations d'hier, s'est transformée... en porche dans
celles d'aujourd'hui. Phénomène plus curieux encore,
le nom de cette pièce, labyeng, est demeuré inchangé,
même si sa définition s'est modifiée!
Ces étonnantes constatations ont été faites
par Bob Hardy, professeur invité à l'École
d'architecture, et quatre étudiants de cet établissement,
lors d'un récent voyage d'études au Laos. Les résultats
de leurs travaux seront résumés au cours d'une conférence
intitulée «L'habitat sur pilotis au Laos» présentée
le 30 octobre dans le cadre de la série des conférences
de l'École d'architecture.
«Cette étude portait sur l'habitat traditionnel,
raconte le professeur, qui vit la moitié de l'année
dans ce pays. Nous avons passé plusieurs semaines dans
des villages dont un, Ban Nagnang, a 400 ans. Il n'a jamais été
incendié ni endommagé par les bombardements durant
la guerre du Vietnam (en raison de la proximité de la piste
Hô Chi Minh). Il a donc conservé son caractère
original. C'est là que nous avons découvert une
maison dont l'architecture s'inspirait d'habitations bâties
dans le sud de la Chine.»
Enrichissante découverte que celle-là, car elle
permet d'ébaucher des hypothèses quant à
l'origine du patrimoine bâti du pays. Récompense
d'autant plus satisfaisante que, pour atteindre ce village tapi
au coeur de la forêt, il faut faire 35 minutes d'avion,
8 heures de bateau sur le Mékong, 90 minutes de camion
et entre 3 et 4 heures de marche. Tout cela en trois jours à
cause des horaires!
Les trois autres endroits étudiés, un village déplacé
et reconstruit, un village moderne comptant plusieurs services
publics et une petite ville, permettaient d'établir des
comparaisons.
Les pilotis là-dedans? Disons qu'à l'origine ils
avaient une triple fonction: protéger la maison située
en zone inondable, fournir un abri surélevé aux
animaux domestiques dont les buffles et protéger les habitants
contre les malfaiteurs. C'est également à ce niveau
que se trouvaient le métier à tisser et le pilon
à riz.
Tout cela a bien changé à partir de l'époque
où des murs ont été érigés
entre les pilotis, fermant le rez-de-chaussée. À
la suite de cette transformation, le salon a migré vers
cet étage et a côtoyé la pièce destinée
au tissage. La chambre des maîtres a suivi le même
chemin lorsqu'on s'est aperçu qu'il faisait moins chaud
à l'étage du bas!
En dépit de ces transformations architecturales, le concept
de la maison sur pilotis n'est pas prêt de s'éteindre
dans ce petit pays d'Asie. Par contre, les maisons de style ancien,
avec pilotis visibles et matériaux naturels (bambous, paille,
etc.), disparaissent.
Le professeur et ses étudiants n'ont pas chômé
durant ce séjour. Ils ont répertorié des
centaines de maisons, dressé leur plan intérieur,
pris des photos, fait des plans des villages, etc. Quelques jours
avant leur départ, ils ont rencontré le ministre
laotien de la Construction (dont dépend la Direction de
l'habitat et de l'urbanisme), qui a souhaité voir leur
travail publié.
Deux des quatre étudiants ayant fait le voyage, Carolyne
Fontaine et Mikio Yamamoto, présenteront la partie la plus
importante de la conférence, avec dispositives et autres
documents. Avec François Beaulieu et Fanie Bélair,
ils se sont rendus au Laos après avoir décroché
une des bourses décernées annuellement par l'Institut
royal d'architecture du Canada, en collaboration avec l'ACDI.
Ces bourses sont destinées à financer des projets
de recherche en architecture dans les pays en voie de développement.
La conférence du mercredi 30 octobre a lieu à 18
h, au Pavillon 5620 Darlington, salle 2040.
André Duchesne