Le recours au financement privé ne fait pas encore
l'unanimité.
Signe des temps, de
plus en plus de chercheurs en médecine doivent créer
leur propre compagnie ou s'associer avec l'entreprise privée
pour financer leurs recherches. Ce qui, il n'y a pas si longtemps,
aurait été vu comme une alliance contre nature devient
pour plusieurs la seule planche de salut devant un financement
public qui rétrécit comme peau de chagrin.
La situation engendrée par le contexte de compressions
budgétaires est apparue suffisamment «préoccupante»
aux yeux du doyen de la Faculté de médecine, Patrick
Vinay, pour qu'il organise un colloque sur les solutions de rechange
que sont les sociétés ou compagnies de chercheurs.
Ce colloque, qui avait lieu le 11 octobre dernier à l'Hôtel-Dieu,
a fait le tour de la question en livrant toute l'information nécessaire
sur les aspects pratiques, administratifs, juridiques et éthiques
liés à ces compagnies.
Certains chercheurs, tel le Dr Denis Gauvreau, fondateur de la
compagnie Algène, y sont allés de leur témoignage
alors que des entreprises comme Theratechnologies et le cabinet
Heenan & Blaikie ont prodigué de précieux conseils
financiers et juridiques.
Le Dr Eugénio Rasio, professeur au Département de
nutrition et directeur du Centre de recherche Louis-Charles-Simard
de l'hôpital Notre-Dame, a pour sa part apporté une
note quelque peu dissidente dans le discours. Avec un humour mordant,
le Dr Rasio a d'abord souligné que les propos entendus
sur le sujet du jour lui laissaient «un bon goût dans
la bouche. Mais, ajoutait-il, les aliments qui ont bon goût
ne sont souvent que des saloperies alimentaires...»
Devant le tarissement de la vache à lait du financement
de la recherche fondamentale et le trop grand nombre de petits
à nourrir, il s'est montré surpris que l'on veuille
développer au maximum la recherche appliquée puisqu'elle
n'est, à son avis, que l'aboutissement de la recherche
théorique et fondamentale. Encourager ce type d'activités
commanditées lui paraît sans avenir puisque le développement
technologique appliqué présente un risque de stérilisation.
Eugénio Rasio ne croit pas que les compagnies de chercheurs
en médecine puissent être compétitives. «La
durée des contrats obtenus, de trois à cinq ans,
est trop limitée; ces contrats sont moins payants que dans
l'industrie pharmaceutique; nous avons moins de renom que McGill
ou d'autres universités.»
La situation de ces compagnies lui semble en outre ambiguë.
«Le chercheur est attaché à une faculté,
mais on lui dit qu'il est libre et on l'encourage à devenir
homme d'affaires pour vendre son produit. La situation n'est ni
transparente ni opaque, disons qu'elle est opalescente...»
Par contre, les situations confuses ne sont pas mauvaises en soi
«puisque la clarté est parfois paralysante»!
L'Université devrait donc, à son avis, se préoccuper
plutôt du développement de la matière grise
de ses chercheurs et les garder à son service en créant
des fonds pour financer la recherche fondamentale. «Il faut
trouver les façons de détourner les fonds de la
recherche appliquée vers la recherche fondamentale»,
conclut-il avec un brin de subversion.
Quand j'ai les BLEU...
Jean-Yvon Thimothy, directeur du Bureau de liaison entreprises-Université
(BLEU), a tenu pour sa part à répliquer aux propos
de Denis Gauvreau qui laissait croire que les BLEU se traînaient
les pieds.
Après avoir passé en revu les services offerts par
le Bureau dans la signature de contrats, le transfert de technologies,
les droits d'auteur, les brevets et l'encadrement pour les chercheurs-entrepreneurs,
M. Thimothy a souligné que le BLEU de l'Université
de Montréal conclut entre 100 et 125 contrats par année,
pour des montants totalisant 8 à 10 millions de dollars.
«Notre mission est de vendre l'expertise de l'Université»,
a-t-il rappelé.
Pour les sept BLEU que comptent les universités québécoises,
le total des contrats négociés en recherche, incluant
les chaires industrielles, la R-D et le partenariat avec l'entreprise,
grimpe à 122,4 millions de dollars, ce qui représente
25 % de l'ensemble des fonds de recherche. Les BLEU signent en
outre quelque 346 contrats liés à la propriété
intellectuelle.
«Le tout, précise Jean-Yvon Thimothy, avec une équipe
de seulement 25 cadres et professionnels.»
Daniel Baril