L'implantation de la consultation à distance soulève
plusieurs questions.
Le projet d'implantation
d'un réseau interrégional de télémédecine,
lancé en juin, suscite beaucoup d'espoir au Québec,
car on croit qu'il améliorera le système de santé.
Mais l'efficacité de cette nouvelle technologie devra d'abord
être évaluée, tout comme les incidences qu'elle
aura sur la pratique médicale.
Tout le volet de l'évaluation a été confié
au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS)
de l'Université de Montréal. Mandat délicat
que celui-là, car à partir des conclusions du rapport
découleront une partie des orientations prises pour l'avenir.
Dans ce projet, quatre établissements hospitaliers (Hôtel-Dieu
de Montréal, Centre hospitalier régional de Lanaudière,
Centre hospitalier de Trois-Rivières et Centre hospitalier
de Rouyn-Noranda) seront reliés grâce à un
réseau basé sur l'imagerie médicale et utilisant
l'autoroute de l'information. Tout cela se fait en temps réel.
Les champs d'application seront, au départ, de deux ordres:
formation continue et consultation à distance. On estime
qu'à long terme la télémédecine permettra
de réduire les coûts, augmentera la productivité
et maximisera l'utilisation des ressources. Elle permettra aux
centres hospitaliers situés en régions éloignées
d'avoir accès à des spécialistes de Montréal,
sans aucun déplacement.
Mais l'introduction de cette pratique pose de multiples questions.
«Il faut évaluer toute la dimension médicolégale,
donne en exemple Claude Sicotte, un des chercheurs du GRIS rattaché
au projet. Ordinairement, le médecin traitant est responsable
du patient. Avec la télémédecine, si l'on
fait appel à un spécialiste à distance, qu'il
donne un avis, qu'on le suive et qu'il survienne un problème,
auquel des deux médecins incombe la responsabilité?»
Autre situation possible, la mobilisation accrue des ressources.
Si le cas d'un patient se trouvant à distance mobilise
un groupe de spécialistes dans un hôpital du centre-ville,
y aura-t-il des économies comme prévu? Et comment
se fera alors la rémunération des médecins?
«Un des effets recherchés de la télémédecine
est une plus grande productivité. Mais si une productivité
accrue se traduit par un temps d'intervention et des coûts
plus élevés, il faudra voir si l'implantation de
la technologie à grande échelle en vaut la peine»,
mentionne M. Sicotte.
Les six participants du GRIS, trois professeurs et trois étudiants
au doctorat, orienteront leurs travaux dans cinq champs d'évaluation:
les caractéristiques technologiques, les conditions d'utilisation,
l'utilisation en tant que telle, l'efficacité et l'efficience.
Prenons l'exemple des caractéristiques technologiques,
autrement dit la quincaillerie. Les qualités sonores et
visuelles de l'équipement ainsi que l'intégrité
de la transmission (être sûr qu'il n'y a pas de pertes
dans les données transmises) seront scrutées à
la loupe. La maîtrise des instruments, les coûts d'acquisition
et d'installation feront également l'objet d'une évaluation.
«Notre travail sera d'évaluer les effets recherchés
et non recherchés, qu'ils soient positifs ou négatifs,
de la télémédecine et de déterminer
les mécanismes qui engendrent ces effets», résume
le professeur Sicotte.
On veut établir qui utilisera les nouvelles technologies
(des médecins consultant des spécialistes, des spécialistes
faisant appel à d'autres spécialistes, etc.), pour
quelle raison, à quelle fréquence... Du côté
des malades, on se demandera si la consultation à distance
leur plaît, si elle les rassure ou si, à l'opposé,
elle dépouille la relation avec le médecin de tout
caractère humain.
Le projet pilote est échelonné sur 18 mois. Les
premières séances de travail ont commencé
et portent essentiellement sur la formation. Ainsi, à la
première rencontre en temps réel, les médecins
des quatre hôpitaux ont présenté chacun un
cas en endocrinologie. Ce n'est que dans six mois que seront soumis
les premiers cas de consultation avec des malades.
Évidemment, la première étape consiste à
maîtriser les équipements. Celle-ci est réalisée
conjointement avec les techniciens des entreprises privées
participantes. Si, pour ces médecins, la manipulation d'un
stétoscope ou d'un scalpel n'a plus de secret, il n'en
est pas nécessairement de même avec un modem et autres
gadgets destinés à tenir une vidéoconférence.
André Duchesne