[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]


Entretiens Jacques Cartier


Infrastructures urbaines
et développement durable

Le travail à domicile contribue
à l'étalement urbain

L'autoroute de l'information ne remplacera pas l'autoroute de béton.

Dans 20 ans, il faudra en moyenne près d'une demi-heure de plus, en période de pointe du matin, pour se rendre de la Rive-Sud à Montréal et la vitesse moyenne sera de 13 km/h. Cette prévision, qui fera damner plus d'un banlieusard, nous vient du ministère des Transports du Québec, qui, dans sa planification du transport pour la région de Montréal, cherche à freiner l'étalement urbain.

Plusieurs urbanistes, notamment aux États-Unis, ont vu dans le télétravail, c'est-à-dire le travail à domicile recourant aux télécommunications, un remède à ce problème de l'étalement urbain. Ainsi, le télétravail réduirait les déplacements «pendulaires» entre le lieu de travail et le lieu de résidence, diminuant d'autant la congestion des autoroutes aux heures de pointe et du même coup la pollution par émission de gaz carbonique. La réduction de la circulation automobile permettrait également d'éviter d'avoir à étendre davantage les réseaux routiers.

Diminution ou augmentation des déplacements?

Mais la solution ne semble pas aussi simple qu'il y paraît à première vue, s'il faut en croire Paul Lewis, professeur à l'Institut d'urbanisme. Il présentait un survol des différentes études sur le sujet au colloque «Les nouvelles infrastructures urbaines à l'heure du développement durable».

L'ensemble des études citées par le professeur apparaissent pour le moins contradictoires dans leurs résultats si bien qu'aucun des effets escomptés du travail à domicile ne fait l'unanimité chez les chercheurs. Là où certaines montrent une diminution des déplacements, d'autres indiquent un accroissement.

Si les télétravailleurs contribuent à diminuer les déplacements pendulaires aux heures de pointe, «ils doivent par contre augmenter leurs déplacements pour des raisons autres que le travail - comme les loisirs et les achats - qui auparavant pouvaient être faits lors des déplacements liés au travail», explique M. Lewis.

De plus, «le télétravail encouragerait l'utilisation de l'automobile au détriment du transport en commun puisque les déplacements des télétravailleurs se font en dehors des heures de pointe, quand les services de transport sont moins fréquents». Ceci peut être néfaste pour le transport en commun.

Par ailleurs, si le travail à domicile venait à désengorger les autoroutes, cette amélioration des conditions de circulation pourrait n'être que de courte durée. «La réduction de la congestion pourrait encourager une augmentation de l'utilisation de l'automobile», prévient l'urbaniste.

Autre élément à considérer: les emplois dans le secteur de l'information sont parmi ceux qui se prêtent le mieux aux conditions du travail à domicile et ces emplois sont actuellement concentrés dans les centres-villes. Ces zones que l'on veut revitaliser pour contrer l'exode vers les banlieues pourraient donc souffrir du télétravail.

Toutes ces conséquences annulent du même coup les avantages environnementaux que certains attendent de cette forme de travail.

Complémentarité

Paul Lewis ne croit donc pas que les télécommunications vont se substituer aux transports et rendre les villes inutiles. «Nous ne pouvons inférer des possibilités techniques les comportements des usagers, déclare-t-il. Il ne nous est pas possible de projeter ainsi la logique apparente des outils.» L'autoroute de l'information ne remplacera donc pas automatiquement l'autoroute de béton.

Au terme de son analyse, le professeur estime que «l'impact le plus significatif du télétravail réside dans la poursuite de l'étalement urbain. En ce sens, favoriser le télétravail pourrait causer davantage de problèmes qu'il n'est susceptible d'en résoudre.»

Comme ce phénomène va continuer de se développer puisqu'il permet une production à moindre coût et qu'il est attrayant à la fois pour les entreprises et pour les employés, Paul Lewis invite donc les responsables de la planification du transport dans la région de Montréal à tenir compte de ce facteur et à considérer les rapports entre télécommunications et réseau de transport en fonction d'une complémentarité plutôt qu'en fonction d'une substitution.

D.B.


[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]