Monsieur Poirier,
Dans votre réplique
(Forum du 7 octobre) à ma lettre ouverte parue le 23 septembre,
vous prétendez que je n'aurais pas dû me fier à
la véracité de ce qui est rapporté dans ce
même journal des propos de Serge Larivée au sujet
de la psychanalyse (Forum du 9 septembre). Curieux argument! D'une
part, vous n'indiquez pas en quoi Forum aurait mal cité
M. Larivée. D'autre part, c'est à l'article de Forum
que je réagissais, et je précisais à l'endroit
de M. Larivée: «Si Forum vous a bien cité...».
Votre exigence eût été, par ailleurs, légitime
si tous les lecteurs de Forum avaient lu l'article complet dans
la Revue canadienne de psycho-éducation. L'élémentaire
respect veut au contraire que je ne me base que sur ce que les
lecteurs de Forum avaient eux-mêmes pu lire.
Mais même en suivant votre discutable exigence, que trouvons-nous
dans l'article complet de M. Larivée? Vous avez des arguments
décisifs du genre: «[...] Van Gijseghem, un psychanalyste,
ainsi qu'une bonne vingtaine d'auteurs dont les travaux démontrent
d'une façon convaincante que les théories psychanalytiques
sont érigées en dogme.» Votre argument a lui
aussi de quoi faire pirouetter Popper dans son caveau. Ne remarquez-vous
pas que vous employez exactement le raisonnement que M. Larivée
et d'autres attribuent, en leur reprochant, aux psychanalystes
«pile je gagne, face tu perds»? Car, que l'on soit
d'accord ou non avec les déclarations de M. Van Gijseghem,
que dites-vous d'autre, sinon ceci: «Voilà, un psychanalyste
avoue que la psychanalyse est dogmatique, c'est bien la preuve
qu'elle l'est; et tous ceux qui nient, eh bien, ils résistent»?
Nulle falsifiabilité dans ces propos, mais un procédé
de pur style inquisitorial.
M. Larivée, dans la version complète de son article,
ne fait pas autre chose. Dans ses références figurent
les attaques de Michel Trudeau publiées dans La Presse,
mais pas les réponses à Michel Trudeau parues dans
le même journal; il cite Mahony, un autre psychanalyste;
au fait, ne trouvez-vous pas curieux que plusieurs psychanalystes
continuent à se réclamer de la discipline qu'ils
critiquent par ailleurs? M. Larivée cite donc Mahony quand
celui-ci semble apporter de l'eau à son moulin, mais pas
quand Mahony s'en prend à Trudeau pour la déformation
que celui-ci avait faite de sa pensée; il cite l'article
de Roland Jaccard publié dans Le Monde, mais pas la réponse
d'André Green; il cite Frederick Crews, mais pas les critiques
de Jonathan Lear à son sujet; il cite Grünbaum, mais
pas les nombreux articles critiquant son approche (soit dit en
passant, Grünbaum se situe plutôt du côté
de ces empiristes qui feraient frémir Popper). Et ainsi
de suite. En fait, aucun auteur contredisant le point de vue a
priori de M. Larivée n'est mentionné. Pour qui se
réclame de la méthode scientifique, et qui plus
est de Popper, cela ressemble plutôt au voleur qui crie
au voleur... Fait curieux, Grünbaum et d'autres critiques
de la psychanalyse trouvent régulièrement place
dans les publications et dans les congrès psychanalytiques.
La réciproque n'est pas aussi vraie; cela parce que tout
un chacun se croit autorisé à exiger que la psychanalyse
se plie à l'approche empirique, voire à l'expérimentalisme,
comme si c'était le nec plus ultra de la pensée
scientifique (contrairement à l'esprit de Popper). Mais
ces mêmes empiristes n'hésitent pas, à la
manière de M. Larivée, à invoquer Popper
contre la psychanalyse.
C'est pourquoi, quand vous laissez entendre que je confronte,
à tort, son rappel du code de déontologie avec sa
référence à Popper, je ne peux que m'interroger
sur la logique de votre propre raisonnement. Vous trouvez légitime,
vous, que, d'une part, M. Larivée invoque Popper pour attaquer
la psychanalyse et que, d'autre part, il soutienne, du même
souffle, des principes en parfaite contradiction avec la pensée
de Popper? Moi, je dis que c'est pour le moins manquer de cohérence
et que la référence à Popper est de pure
convenance, voire... dogmatique. Les citations de Popper que j'ai
insérées dans ma lettre ouverte indiquent ce que
Popper entendait par «critique (et pensée) scientifique».
Quant à l'injonction que vous me servez, ainsi qu'à
mes cosignataires, je laisse les lecteurs de Forum juger du sérieux
et du respect de l'éthique dans nos argumentations respectives.
Dominique Scarfone, m.d.
Professeur au Département de psychologie
Forum signalait, le 30 septembre, que la baisse des admissions
la plus importante à l'Université, soit 25 %, avait
été enregistrée à la Faculté
des sciences infirmières. Cette donnée concerne
le nombre d'étudiants autorisés à s'inscrire
au premier cycle en septembre 1996 comparativement à celui
de 1995 sans tenir compte de paramètres comme le statut
(plein temps, temps partiel) de ces étudiants.
C'est un des programmes courts (certificat en milieu clinique)
qui a attiré cette année moins de candidats (-64
%). Dans ce programme, 9 étudiants sur 10 sont inscrits
à temps partiel et suivent un ou deux cours par trimestre.
Parmi eux, un certain nombre se dirige vers le programme de baccalauréat,
qui a reçu un nombre exceptionnel de nouveaux étudiants
en septembre 1994 (349) et en septembre 1995 (345) pour revenir
à 299 en septembre 1996.
Par ailleurs, on observe au baccalauréat une augmentation
constante et progressive des étudiants à plein temps
depuis 1990; ceux-si sont passés de 65 % à 73 %
en 1996. Ainsi, les crédits étudiants du baccalauréat
ont connu une augmentation con-sidérable depuis 1990, passant
de 11 171 (1990-1991) à 22 841 (1995-1996). L'effectif
total pour les trois années du baccalauréat était
de 1066 étudiants (767 à plein temps) en 1995; il
est sensiblement le même en 1996 (777 à plein temps).
Des stratégies visant à réduire l'attrition
en première année, mises en place lors de l'implantation
d'un nouveau programme en 1995, ont atteint leur but. Ainsi, le
pourcentage d'attrition, qui était de 28 % à 32
% de 1990 à 1995, a été réduit à
14,5 % en 1995-1996. Outre les nouveaux cours (contenus, format,
méthodes d'enseignement), la disponibilité des professeurs,
la présence et l'appui des conseillers pédagogiques
ont, selon les données fournies par les étudiants,
contribué à la persévérance dans ce
programme.
Des facteurs contextuels liés à la reconfiguration
des services de santé et des services sociaux incitent
les infirmières à poursuivre leurs études
aux cycles supérieurs. Évolution des savoirs, développement
technologique, complexité des situations de soins, rapidité,
simultanéité et ampleur des transformations, interdisciplinarité
amènent l'infirmière à faire preuve d'expertise
dans des environnements de soins extrêmement variés
où il y a de moins en moins de soutien professionnel ou
administratif. C'est ainsi que, depuis 1990, on a observé
une hausse progressive des étudiants au baccalauréat
et aux cycles supérieurs; parallèlement, le montant
des fonds de recherche a plus que doublé. Un programme
d'études doctorales, qui en est à sa quatrième
année d'existence, compte 13 étudiants. L'intérêt
des infirmières pour les études supérieures
persiste et continuera à croître au cours des prochaines
années.
En raison de sa mission, qui est de développer et de transmettre
les connaissances en sciences infirmières, la Faculté
a mis l'accent sur la formation fondamentale et professionnelle
au baccalauréat ainsi que sur la formation de spécialistes
et de chercheurs. Un programme de maîtrise offert à
distance et un nouveau programme de DESS offrent toute la souplesse
pour répondre à la demande d'expertise des infirmières
et ouvrir la voie à la recherche et aux études de
deuxième cycle. Les infirmières, quoi qu'en disent
leurs représentants syndicaux, réclament une formation
«à la hausse» et nous y répondons de
façon optimale compte tenu de nos ressources. Les professeurs
font preuve d'engagement, d'imagination et de créativité
pour enseigner à des groupes de 300-350 étudiants
ou pour diriger des séminaires qui en comptent de 20 à
30 au deuxième cycle. Par la qualité de ses recherches,
l'orientation de ses programmes d'études, le dynamisme,
l'engagement de ses professeurs et collaborateurs, la Faculté
«innove» de diverses façons au profit de ses
clientèles qui recherchent le développement de compétences
propres au niveau supérieur.
Par conséquent, la baisse de la clientèle à
un des programmes courts en 1996 est largement compensée
par l'augmentation des étudiants au baccalauréat
et aux études supérieures, étudiants qui
recherchent chez nous un encadrement soutenu et un environnement
de recherche stimulant. Il va sans dire que la flexibilité
des formules pédagogiques, les stratégies visant
le recrutement d'étudiants de qualité et la réduction
de l'attrition sont essentielles et méritent toute l'attention
à l'heure des grandes transformations sociales que nous
connaissons.
Dans cette perspective, un seul indicateur présenté
hors de son contexte pourrait être bien trompeur!
Suzanne Kérouac
Doyenne de la Faculté des sciences infirmières