Une intersyndicale universitaire et quelques recteurs se
lancent
à la défense des universités.
Les universités
sont essentielles à la santé économique d'une
société. Elles sont une force de développement
intellectuel, culturel et social et elles s'acquittent très
bien de leur mission. Le financement public est la juste contrepartie
de ce service.
Ces propos constituaient en substance l'introduction de la conférence
présentée par Patrick Kenniff au Sommet universitaire,
tenu du 4 au 6 octobre derniers. L'événement était
organisé par une coalition d'organisations syndicales et
étudiantes. L'ex-recteur de l'Université Concordia,
actuellement chargé de cours à la Faculté
de droit de l'Université de Montréal, s'est modestement
présenté comme «sans autre titre que membre
de ce que certains ont appelé une académie de vacataires».
Haro sur les pourfendeurs
Malgré leur mission essentielle, les universités
n'ont pas la cote dans certains milieux, a déploré
M. Kenniff, tout en soulignant que le discours de confrontation
actuel est un phénomène nouveau. «Au plus
fort des compressions des années 1980, les décisions
gouvernementales étaient toujours accompagnées d'une
reconnaissance de l'importance des universités pour la
société.» Mais depuis deux ans, la saison
de la chasse semble ouverte contre les universités.
Le conférencier s'en est pris aux propos entendus dans
le cadre des états généraux sur l'éducation
et, sans la nommer, à un récent éditorial
de Lise Bissonnette. Désignant les universités,
la directrice du Devoir fustigeait entre autres la tâche
«relativement légère» d'enseignement,
les «dégrèvements de toute nature»,
les années sabbatiques touchant 10 % du corps professoral...
«Elle a véhiculé les mêmes mythes et
les mêmes erreurs qu'elle dénonçait un an
auparavant dans la bouche du ministre de l'Éducation»,
a déclaré Patrick Kenniff.
Déplorant que certains suggèrent de puiser dans
le financement universitaire des sommes qui seraient réinvesties
dans d'autres niveaux d'enseignement, il a fait ressortir que
«l'heure est aux renforcements des solidarités plutôt
qu'aux opérations de cannibalisation des ressources. Ce
n'est pas en affaiblissant l'un des ordres d'enseignement que
l'on assurera aux Québécois une formation de haute
qualité.»
Selon M. Kenniff, les pourfendeurs des universités font
fausse route parce que leurs propos sont fondés sur des
données erronées ou simplistes. Les universités
ont tout de même à rétablir une base de confiance
avec le gouvernement en faisant valoir cinq points: elles constituent
une richesse pour la société; elles font partie
des solutions à la concurrence entre pays industrialisés;
elles ont consenti des efforts importants pour se plier aux contraintes
du financement public; elles ont prouvé qu'elles peuvent
travailler ensemble; elles ont besoin de la collaboration constructive
du gouvernement pour améliorer leur rendement.
Frais de scolarité
Patrick Kenniff a en outre soutenu qu'il était «mal
fondé de maintenir le gel des droits de scolarité.
Nous n'avons pas les moyens de cette politique, qui fait payer
aux moins nantis une mesure qui profite aux plus favorisés.»
Le dégel devrait être assorti d'une amélioration
du régime de prêts et bourses «possiblement
accompagnée d'un mode de remboursement axé sur les
gains futurs du diplômé». Ces dispositions
assureraient, à son avis, le maintien de l'accessibilité
qui, autrement, n'est qu'un leurre.
C'est cette position sur les frais de scolarité qui a été
le plus chaudement débattue par la table ronde qui a suivi
la conférence. Henri Massé, secrétaire général
de la FTQ, a exprimé son «désaccord le plus
complet» avec le dégel des frais de scolarité
et l'impartition de certains services proposée par Patrick
Kenniff.
Serge Charlebois, étudiant de deuxième cycle à
l'Université de Sherbrooke et membre de la Commission de
l'enseignement supérieur (du Conseil supérieur de
l'éducation), a affiché son scepticisme quant à
une éventuelle amélioration du régime des
prêts et bourses. «Aucun gouvernement à court
d'argent n'a augmenté les prêts et bourses. On ne
peut balancer la facture à ceux qui ne savent pas ce qui
va leur arriver.» L'étudiant a également désigné
les administrations universitaires et la CREPUQ comme responsables
silencieux du dénigrement dont les universités sont
victimes.
Gérald Larose, président de la CSN, a pour sa part
remis en question l'autodétermination administrative des
universités qu'il verrait mieux arrimées aux autres
ordres d'enseignement du même territoire.
Le Sommet universitaire s'est poursuivi pendant deux jours et
a donné lieu à une déclaration commune des
groupes participants. La déclaration s'oppose à
une augmentation des frais de scolarité et lance un appel
à la mise sur pied d'une table de concertation représentative
de toutes les composantes du milieu universitaire pour défendre
l'institution. Une journée d'étude destinée
à poursuivre ces réflexions dans chaque université
devrait être organisée le mois prochain, avec l'accord
des administrations.
Même si la CREPUQ a décliné l'invitation de
participer à l'organisation de ce sommet aux côtés
des organisations syndicales, plusieurs recteurs, dont celui de
l'U de M, ont toutefois tenu à participer au débat.
L'événement était organisé par la
Fédération étudiante universitaire du Québec,
la Fédération québécoise des professeures
et professeurs d'université, le Conseil provincial du soutien
universitaire, la Fédération nationale des enseignantes
et enseignants du Québec, la Fédération des
professionnelles et professionnels salariés et cadres du
Québec, la Fédération des professionnelles
et professionnels universitaires et la Fédération
des associations étudiantes universitaires du Québec
en éducation permanente.
Daniel Baril