L'informaticien Jean Meunier travaille
à l'amélioration d'outils de diagnostic en 3D.
La médecine dispose
déjà d'appareils très sophistiqués
pour poser des diagnostics et même pour «voir»
l'intérieur du corps humain. Radiographie, échographie,
cinéangiographie, tomographie et imagerie par résonance
magnétique font l'objet de développements constants.
Le professeur Jean Meunier, du Département d'informatique
et de recherche opérationnelle, est de ceux qui apportent
leur concours à cet avancement technologique. «Mes
travaux visent à faciliter l'analyse d'images tridimensionnelles
incluant un mouvement, comme la circulation sanguine et les battements
cardiaques, ainsi que des images du cerveau obtenues par résonance
magnétique ou tomographie, explique-t-il. Le but des systèmes
que nous concevons est d'aider le médecin à poser
un diagnostic le plus approprié et le plus objectif possible.»
Coeur et artères en 3D
En collaboration avec l'hôpital Notre-Dame, l'Institut de
cardiologie de Montréal et l'Institut de génie biomédical
de l'Université de Montréal, Jean Meunier fait porter
ses recherches notamment sur l'analyse d'images coronographiques.
«Le projet a pour but de déterminer la déformation
de la surface cardiaque externe à partir de la visualisation
des vaisseaux coronaires à l'aide d'une solution opaque
aux rayons X. Ces vaisseaux tissent en quelque sorte l'enveloppe
externe du coeur et livrent de nombreux renseignements sur sa
déformation.»
Pour évaluer cette information de façon plus précise,
Jean Meunier travaille à la mise au point d'un système
de cinéangiographie (mouvement des vaisseaux filmé
en rayons X) faisant appel à deux caméras et permettant
de reconstruire le réseau coronarien en trois dimensions.
«Il s'agit d'une approche novatrice qui devrait permettre
la détection précoce des maladies cardiaques»,
estime le chercheur.
Une des caractéristiques avant-gardistes du système
sur lequel il travaille est son autocalibration. «Pour passer
de deux à trois dimensions, il faut des repères
dont les paramètres sont connus. Pour faire les corrections
nécessaires, nous procédons habituellement à
l'aide d'un "cube de calibration" dont nous connaissons
les points de bifurcation. En milieu clinique, le recours à
un tel objet perturberait l'examen du patient ainsi que les conditions
d'acquisition des images. Notre objectif est de concevoir un système
de calibrage automatique à partir de points de repère
déterminés sur l'arbre coronarien du patient lui-même.»
À partir de la même approche, Jean Meunier travaille
à l'élaboration d'une méthode de calcul permettant
de quantifier la vitesse et le débit de l'écoulement
sanguin dans les coronaires ou autres vaisseaux reproduits en
trois dimensions. «Ceci permettra de compléter avantageusement
les mesures traditionnelles utilisées dans l'évaluation
de certaines maladies comme la sténose ou rétrécissement
des artères.»
Ces systèmes permettront en outre d'éliminer la
part de subjectivité qui accompagne parfois un diagnostic.
«Les médecins ne s'entendent pas toujours sur le
diagnostic à poser et leur évaluation peut changer
selon leurs conditions subjectives. Les algorithmes de mouvement,
eux, sont toujours les mêmes et ils ne se fatiguent pas»,
souligne le professeur.
Imagerie cérébrale
Un troisième
volet de ses travaux porte sur l'imagerie cérébrale
obtenue par tomographie d'émission connue sous le nom de
SPECT (pour Single Emission Computed Tomography). «Nous
voulons tester et valider des outils qui permettront la détection
automatique des modifications de l'activité cérébrale»,
poursuit Jean Meunier.
Pour réaliser cette détection, il faut superposer
l'image du cerveau du patient à celle d'un cerveau de référence
dont les images sont répertoriées dans un atlas
informatisé. Ceci présente de nombreuses difficultés
puisqu'il n'y a pas deux cerveaux parfaitement identiques. Il
faut donc déterminer si les différences observées
entre les deux images sont significatives ou non. «Les outils
statistiques traditionnels évaluent ces différences
en comparant les deux images mais ne tiennent pas compte de la
corrélation entre le point observé - c'est-à-dire
le voxel ou "pixel à trois dimensions" - et les
autres voxels qui l'entourent.»
Le projet du chercheur consiste à élaborer un système
informatique qui prendra en considération l'ensemble de
ces corrélations. Un tel système permet d'effectuer
des déformations locales sur l'image numérisées
afin de faire correspondre le plus exactement possible les points
comparés entre le cerveau du patient et l'image de référence.
Complexité
Dans la réalisation de ces systèmes, Jean Meunier
doit tenir compte d'une foule d'éléments complexes
qui sont autant de difficultés à surmonter.
«Au départ, les images sur lesquelles nous travaillons
sont obtenues par des appareils très sophistiqués:
rayons X, échographies, SPECT, résonance magnétique,
cinéangiographie en biplan, médecine nucléaire,
etc. De plus, nous travaillons avec des images d'objets qui sont
eux-mêmes très complexes; une artère, un coeur,
un lobe cérébral ne sont pas réductibles
à une série de lignes simples ou de formes géométriques.
Finalement, nous devons aussi prendre en compte des mouvements
complexes, comme la circulation sanguine, qui ne sont pas réductibles
à de simples translations ou rotations d'images.»
Ces multiples complexités n'ont toutefois pas empêché
Jean Meunier d'obtenir, dans les trois volets de ses travaux en
cours depuis cinq ans, des résultats qu'il juge très
encourageants.
Daniel Baril