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Témoignage


In memoriam: Arthur Gagnon

Le 29 avril dernier est décédé Arthur Gagnon, médecin, professeur titulaire au Département de biochimie de la Faculté de médecine. Il était âgé de 82 ans. Le Dr Gagnon fut un pionnier de l'enseignement de la biochimie à la Faculté. Après avoir obtenu un doctorat en médecine en 1939, puis un certificat en chimie générale de notre université, il se vit accorder une bourse Rockefeller pour aller étudier les applications de la chimie-physique à la biochimie à l'Université du Minnesota (Saint-Paul). Mais c'était alors la guerre et, bien qu'ayant passé avec succès l'examen préliminaire à l'obtention du grade de Ph.D., il dut rentrer au pays au bout de deux ans.

En septembre 1943, il fut nommé «assistant régulier à la chaire de chimie physiologique» de la Faculté de médecine. C'était une époque où les nouveaux professeurs étaient très rares et les tâches d'enseignement et d'organisation de

l'enseignement très nombreuses. Le Dr Gagnon ne put échapper à cette situation: cours à la Faculté de médecine (je me souviens qu'en 1946, alors que j'étais étudiant en première année de médecine, il donna la quasi-totalité des quelque 100 heures de cours de biochimie au programme), cours à l'École d'hygiène de son ami Armand Frappier, cours de chimie biologique à la Faculté des sciences, cours aux médecins qui se spécialisaient en anesthésie, et j'en oublie probablement. Ses nombreuses activités d'enseignement ne lui évitèrent pas d'être nommé à des comités de toutes sortes. Je n'en nommerai qu'un: le Comité d'admission des candidats et candidates à la Faculté de médecine. Il y consacra beaucoup de temps et d'énergie depuis sa nomination, en 1953, jusqu'à sa retraite, en 1978, et même quelques années de plus à titre de conseiller. La conscience qu'il mettait à étudier les dossiers et la justesse de son jugement lui ont valu l'admiration de toutes les personnes, autant celles qui sont retraitées que celles qui sont encore en poste, qui ont travaillé en matière d'admission à l'Université comme à la Faculté.

Le Dr Gagnon n'était pas de ceux qui se livrent facilement. C'était un homme serein, réfléchi, peu bavard qui, à l'occasion d'une conversation un peu plus intime, livrait, avec le contenu de ses réflexions, un peu de son âme. Ayant été son interlocuteur à l'occasion de plusieurs de ces conversations, je puis attester qu'il fut un homme complètement dévoué à sa faculté et à son université. Il n'a jamais recherché de gloire personnelle. Les étudiants qui l'ont connu se souviennent de lui comme d'un professeur qui leur a permis d'acquérir des connaissances solides et bien structurées, à l'image de l'homme.

Le Dr Gagnon ne fut pas qu'un professeur, il fut aussi un mari et un père admirables. Sa femme et ses cinq enfants ont toutes les raisons du monde d'être fiers de cet homme qui nous a quittés.

Jean-Marie Bourgeault


Laszlo Demeter, professeur émérite

C'est un grand honneur pour moi d'avoir été invité à prononcer quelques mots sur la vie et l'oeuvre de Laszlo Demeter. J'ai connu M. Demeter il y a exactement 30 ans, alors qu'il s'occupait d'un programme en techniques de l'architecture à l'École des beaux-arts de Montréal. Il fut mon premier employeur dans le domaine de l'enseignement. Depuis lors, nous avons cheminé en parallèle, passionnés l'un et l'autre par le patrimoine bâti.

Aujourd'hui, à l'École d'architecture de l'Université de Montréal, je me retrouve responsable d'un programme de maîtrise en conservation de l'environnement bâti, programme qui est issu en droite ligne du cours sur la problématique des sites historiques, que M. Demeter créait en 1971 et qui était, à l'époque, le premier cours du genre dans une université canadienne. Ce programme perpétue également le Groupe de recherche en architecture et sites historiques (GRASH), que M. Demeter a mis sur pied quelques années plus tard et qu'il a dirigé jusqu'à sa retraite avec l'aide du professeur Richard Bisson.

Hongrois de naissance, Laszlo Demeter s'est joint à la société québécoise et canadienne au début des années 1950. À l'époque, il n'était pas architecte. Arrivé à Montréal, il va poursuivre en autodidacte des études en architecture commencées à Paris, principalement en acquérant de l'expérience dans des bureaux professionnels.

Cette formation acquise dans la pratique, au contact des étrangers, combinée avec une formation première en géographie et en histoire, devait rendre M. Demeter très sensible à la dimension culturelle de l'architecture. Ainsi, il se passionnera pour les méthodes de construction en bois au Canada, dont il devint un des bons spécialistes. Il écrira des articles de fond sur le sujet et en fera l'objet de plusieurs conférences données au pays comme à l'étranger.

À une époque où la population montréalaise et québécoise ne se préoccupait guère de conservation patrimoniale, Laszlo Demeter et ses étudiants effectuaient systématiquement, année après année, des inventaires sur des ensembles urbains, des rues et des édifices, pour le compte de la Ville de Montréal et de divers ministères, tant à Québec qu'à Ottawa. En même temps, à titre d'architecte professionnel, il restaurait de nombreux immeubles, résidences, églises, presbytères un peu partout dans la province.

Peu de personnes ont contribué autant que lui à sensibiliser les étudiants et les dirigeants aux valeurs patrimoniales et à conserver le patrimoine bâti d'une société qui n'était pas la sienne au départ. C'est surtout pour reconnaître cette contribution importante que l'Université de Montréal l'a nommé professeur émérite en 1979.

Ce qui m'a toujours charmé chez Laszlo Demeter, c'est sa sagesse, sa gentillesse et sa bonne humeur. Lorsque je l'ai rencontré pour la dernière fois - c'était à la fin du mois de juin pour recueillir des livres qu'il donnait à la bibliothèque de la Faculté de l'aménagement -, il me parla du bonheur de jardiner, ce même bonheur que le Candide de Voltaire avait découvert lui aussi après beaucoup de tribulations. Il me fit part, également, de son désir de donner ses outils et son matériel d'architecte aux étudiants. Mais pas n'importe comment: dans une grande boîte à surprise... Voilà bien, pour moi, la personnalité intime de Laszlo Demeter: sage sans prétention, gentil en toutes circonstances et trouvant du bonheur dans les moindres choses.

Adieu donc, Monsieur Demeter, et un grand merci pour votre contribution à notre société - à votre société d'adoption - et, pour certains d'entre nous, pour votre apport à notre bonheur.

Jean-Claude Marsan
professeur à l'École d'architecture


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