La scintimammographie permet un diagnostic
plus précis que la mammographie.
La Société
canadienne du cancer estime qu'une femme sur neuf sera confrontée
à un cancer du sein si elle survit jusqu'à 90 ans.
Depuis une vingtaine d'années, la mammographie constitue
l'examen le plus utilisé, avec l'autoexamen des seins,
pour déceler tout type de tumeur.
Grâce à une étude menée par les Drs
Raymond Taillefer et André Robidoux, respectivement chef
du service de médecine nucléaire et chirurgien-oncologue
à l'Hôtel-
Dieu, auprès de 65 patientes sur une période de
trois ans, un autre outil de dépistage, encore plus précis,
vient de s'ajouter aux deux premiers.
Les deux spécialistes, qui sont également professeurs
à la Faculté de médecine, ont eu recours
au procédé de scintimammographie au 99mTc-Sestamibi,
utilisé jusqu'à tout récemment en cardiologie.
Les
Drs Taillefer et Robidoux voulaient vérifier s'il était
possible de détecter une tumeur au sein à un stade
précoce. Ils espéraient également pouvoir
ainsi effectuer une meilleure distinction entre tumeurs bénignes
et tumeurs malignes. En somme, ils cherchaient un instrument plus
précis, certaines études ayant démontré
que la mammographie affichait un taux d'erreur de diagnostic de
25 % à 45 %. De plus, le cas des femmes de moins de 50
ans en période de préménopause et ayant des
seins plus denses et plus fibreux faisait problème pour
déterminer la nature d'une tumeur et son évolution.
La scintillation
Le Sestamibi, liquide qui se concentre dans les tumeurs, est lié
au technétium (99m Tc). Cette composante émet des
rayons qui, à la caméra, vont provoquer une scintillation,
d'où le mot «scintimammographie». La technique
a été mise au point pour la première fois
en 1992 à Los Angeles. À l'issue de la recherche
menée à l'Hôtel-Dieu,
on a diagnostiqué 44 cancers du sein au stade précoce
et 18 lésions bénignes. La plus petite excroissance
faisait 0,6 cm sur 0,3 cm alors qu'à l'autre extrême
la plus importante mesurait 3 cm sur 2 cm. Mais surtout, cette
étude a démontré que la scintimammographie
permettait aussi de déceler les tumeurs des ganglions lymphatiques
situés aux aisselles.
Un examen sans douleur
La scintimammographie, qui dure en tout une trentaine de minutes,
est un test sans douleur, ni inconfort, contrairement à
la mammographie. On injecte à la patiente une substance
à faible teneur radioactive qui a pour fonction de se concentrer,
le cas échéant, dans les tumeurs. Le sein pend dans
un coussin, isolé de l'autre partie de la poitrine ainsi
que des organes situés dans la cage thoracique et l'abdomen.
Le médecin prend habituellement deux clichés, parfois
trois. La scintimammographie comporte cependant ses limites: elle
ne peut déceler les tumeurs de moins de sept millimètres.
Outre les femmes de moins de 50 ans, le procédé
peut s'avérer utile pour les femmes qui ont déjà
été opérées. «On a constaté
que, pour le tissu cicatriciel, la scintimammographie est un des
bons outils de suivi après une chirurgie», note le
Dr Taillefer. La technique réduit d'autant le nombre de
biopsies du sein et peut potentiellement déterminer la
récidive d'un cancer à la suite d'une mastectomie.
La mammographie en tête
En dépit de ses avantages, la scintimammographie n'est
pas appelée à remplacer la mammographie. «La
mammographie demeure l'examen de dépistage numéro
un», fait valoir le Dr Taillefer. Il considère que,
même contestée, la radiographie des seins a aidé
à augmenter le taux de survie des patientes de près
de 30 %. La scintimammographie s'inscrit plutôt dans un
souci de précision. «Il s'agit d'un examen complémentaire,
de deuxième ou troisième ligne. Là où
la mammographie présente certains problèmes, la
scintimammographie intervient», précise le médecin.
Il souligne les taux élevés d'exactitude en ce qui
concerne la nature de la lésion (environ 95 %) et sa détection
(près de 90 %). Depuis cette découverte, les hôpitaux
de Montréal et des régions du Québec utilisent
la scintimammographie, mais l'Hôtel-Dieu, en tant que précurseur
du procédé, reçoit de 7 à 10 patientes
chaque semaine.
La prévention
Tout en se réjouissant du pas franchi sur le plan de l'évaluation
du cancer du sein, le Dr Taillefer n'exclut pas une collaboration
éventuelle avec les gynécologues-obstétriciens.
Et il maintient que les étapes de prévention, elles,
ne changent pas. L'autoexamen des seins et la mammographie demeurent
toujours le premier stade de détection.
Marie-Josée Boucher